Vu, I, la requête enregistrée le 27 juin 2009, sous le n° 09BX01492, sous forme de télécopie, et le 1er juillet 2009 en original, présentée pour M. Jean-Paul V==, demeurant == ; M. V== demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0800765 en date du 2 avril 2009, par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté en date du 25 mars 2008 par lequel le préfet de la Réunion a déclaré d’utilité publique les acquisitions et travaux nécessaires au projet de réalisation du tram-train et portant mise en compatibilité du plan d’occupation des sols / plan local d’urbanisme des communes de Sainte-Marie, Saint-Denis, Le Port, La Possession et Saint-Paul ;

2°) d’annuler l’arrêté contesté ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 10 000 euros au titre de l’article L. 761 1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu, II, la requête, enregistrée en télécopie le 4 août 2009 sous le n° 09BX01891, et en original le 7 août 2009 présentée pour l'ASSOCIATION TRACE TRAM dont le siège est 16 rue Gibert des Molières à Saint-Denis (97400), M. Idris D== demeurant ==, Mme Aziza A== épouse D== demeurant ==, M. René Etienne V== demeurant ==, Mme France Marie V== demeurant ==, Mme Marie Yvonne S== veuve M== demeurant ==, Mme Marielle M== épouse R== demeurant ==, M. Charles Henri I== demeurant ==, M. Raymond M== demeurant ==, M. Kamaloudine M== R== S== demeurant ==, M. Hervé D== demeurant =, Mme Rolande C== veuve M== demeurant ==, Mme Stéphanie S== épouse A== demeurant ==, M. Moussa B== demeurant ==, Mme Rose May I== demeurant ==, M. Henri H== demeurant ==, M. Thierry I== demeurant ==, Mme S== veuve I== demeurant ==, M. Sulliman H== demeurant ==, Mme Nicole P== veuve D== demeurant ==, M. Joseph S== demeurant ==, M. Athanase S== demeurant ==, M. Anaclet S== demeurant ==, M. Arcadius S== demeurant ==, M. Vit S== demeurant ==, M. Euzebe S== demeurant ==, Mme Félicia S== demeurant ==, Mme Marie S== épouse B== demeurant ==, M. Guy P== demeurant ==, Mme Corinne E== demeurant ==, M. Johan S== demeurant ==, M. Léonien P== demeurant ==, M. Gilbert P== demeurant ==, M. Michel N== demeurant ==, Mme Reine Claude N== demeurant ==, Mme Marie Christelle N== demeurant ==, Mme Marie-Françoise O== demeurant == et Mme Marie Christine P== demeurant == ; l'ASSOCIATION TRACE TRAM, et autres demandent à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0800761-0800762 du 23 avril 2009 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion en ce qu’il n’a que partiellement annulé l’arrêté en date du 25 mars 2008 par lequel le préfet de la Réunion a déclaré d’utilité publique les acquisitions et travaux nécessaires au projet de réalisation du tram-train et portant mise en compatibilité du plan d’occupation des sols / plan local d’urbanisme des communes de Sainte-Marie, Saint-Denis, Le Port, La Possession et Saint-Paul ;

2°) d’annuler dans son intégralité l’arrêté contesté ;

3°) de mettre à la charge des défendeurs le versement de la somme globale de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution et notamment son Préambule ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 ;

Vu le décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 30 mai 2011 :

- le rapport de Mme D. Boulard, président assesseur ;

- les observations de Me Nguyen associée de la SELARL Soler Couteaux Llorens, avocat de la région Réunion ;

- les observations de Me Cambar se substituant à Avocats et Conseils Réunion, avocat de l'ASSOCIATION TRACE TRAM et autres ;

- les conclusions de Mme M-P. Dupuy, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée aux parties ;

Considérant que, par un arrêté du 25 mars 2008 précédé d’une enquête publique et d’une enquête publique dite complémentaire ayant donné lieu à des rapports et conclusions des commissions d’enquête déposés les 4 mai 2007 et 16 janvier 2008, le préfet de la Réunion a déclaré « d’utilité publique, au profit de la région Réunion, les acquisitions et travaux nécessaires au projet de réalisation du tram-train sur le territoire des communes de Saint-Paul, Le Port, La Possession, Saint-Denis et Sainte-Marie » ; que ce même arrêté a emporté mise en compatibilité du plan local d’urbanisme des mêmes communes ; que, saisi en mai 2008 par M. V== d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre cet arrêté, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, sans statuer sur la fin de non-recevoir opposée à ce recours, l’a rejetée au fond et a condamné le requérant à verser la somme de 1 200 euros à la région Réunion sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, par le jugement n° 0800765 du 2 avril 2009 ; que, saisi également en mai 2008 notamment par l'ASSOCIATION TRACE TRAM, de recours pour excès de pouvoir dirigés contre le même arrêté, le même tribunal, par le jugement n° 0800761-0800762 du 23 avril 2009, a joint ces recours, a refusé, par l’article 1er du dispositif du jugement, d’admettre certaines interventions, puis a annulé, par l’article 2, l’arrêté en litige en tant qu’il déclare d’utilité publique « la portion du tracé empruntant la rue Lucien Gasparin sur la commune de Saint-Denis » ; que l’article 3 de ce même jugement a condamné l’Etat à verser aux requérants la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté, par l’article 4, le surplus de leurs conclusions ; que, par une requête enregistrée sous le n° 09BX01492, M. V== fait appel du jugement n° 0800765 ; que, par une requête enregistrée sous le n° 09BX01891, l'ASSOCIATION TRACE TRAM et autres font appel du jugement n° 0800761-0800762 en tant qu’il n’a pas annulé dans son intégralité l’arrêté du 25 mars 2008 ; qu’il y a lieu de joindre ces deux appels, dirigés contre un même arrêté, pour qu’il y soit statué par un seul arrêt ;

Sur l’instance n° 09BX01891 :

Considérant que le dossier soumis à l'enquête comprend obligatoirement, aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : « I. - Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : / 1° Une notice explicative ; / 2° Le plan de situation ; / 3° Le plan général des travaux ; / 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; / 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; / 6° L'étude d'impact définie à l'article R. 122-3 du code de l'environnement (…) ; / 7° L'évaluation mentionnée à l'article 5 du décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 pris pour l'application de l'article 14 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, lorsque les travaux constituent un grand projet d'infrastructures tel que défini à l'article 3 du même décret. / II. - Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de l'acquisition d'immeubles, ou lorsqu'elle est demandée en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'urbanisme importante et qu'il est nécessaire de procéder à l'acquisition des immeubles avant que le projet n'ait pu être établi : / 1° Une notice explicative ; / 2° Le plan de situation ; / 3° Le périmètre délimitant les immeubles à exproprier ; / 4° L'estimation sommaire des acquisitions à réaliser. (…) » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 4 du décret du 17 juillet 1984 susvisé pris pour l'application de l'article 14 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 relatif aux grands projets d'infrastructures, aux grands choix technologiques et aux schémas directeurs d'infrastructures en matière de transports intérieurs : « L'évaluation des grands projets d'infrastructures comporte : / 1° Une analyse des conditions et des coûts de construction, d'entretien, d'exploitation et de renouvellement de l'infrastructure projetée ; / 2° Une analyse des conditions de financement et, chaque fois que cela est possible, une estimation du taux de rentabilité financière (…) / L'évaluation des grands projets d'infrastructures comporte également une analyse des différentes données de nature à permettre de dégager un bilan prévisionnel, tant des avantages et inconvénients entraînés, directement ou non, par la mise en service de ces infrastructures dans les zones intéressées que des avantages et inconvénients résultant de leur utilisation par les usagers. Ce bilan comporte l'estimation d'un taux de rentabilité pour la collectivité calculée selon les usages des travaux de planification. Il tient compte des prévisions à court et à long terme qui sont faites, au niveau national ou international, dans les domaines qui touchent aux transports, ainsi que des éléments qui ne sont pas inclus dans le coût du transport, tels que la sécurité des personnes, l'utilisation rationnelle de l'énergie, le développement économique et l'aménagement des espaces urbain et rural. Il est établi sur la base de grandeurs physiques et monétaires ; ces grandeurs peuvent ou non faire l'objet de comptes séparés. » ;

Considérant que l’opération déclarée d’utilité publique par l’arrêté en litige porte sur la réalisation d’un transport en commun en mode ferré et en site propre, dont le tracé, sur un linéaire de 41 kilomètres, s’étend de Saint-Paul à Sainte-Marie ; qu’il dessert, outre ces deux communes, trois autres communes dont Saint-Denis, et comporte 25 stations ; que le projet soumis à l’enquête publique initiale prévoyait le franchissement du massif de la Montagne entre la station de la Montagne et celle de la Possession par deux importants ouvrages aériens ; qu’à la suite de l’avis défavorable sur ce point de la première commission d’enquête, le tracé du franchissement de ce massif a été déplacé et le mode de franchissement retenu a été celui d’une percée par deux nouveaux tunnels d’un peu plus de 4 kilomètres chacun ; qu’une enquête dite complémentaire a été menée sur cette portion du projet, dont le coût représente 40 % du coût du projet global hors matériel roulant tel qu’il est mentionné dans l’appréciation sommaire des dépenses ; qu’au terme de cette procédure, un avis défavorable a été émis par la seconde commission d’enquête ; que ce second tracé, comportant le franchissement par tunnels des massifs de la Montagne, a été cependant maintenu et correspond au projet tel qu’il a été, dans son ensemble, déclaré d’utilité publique par l’arrêté en litige ;

Considérant que le bilan socio-économique figurant au point 6 de la pièce H des tomes I des deux dossiers d’enquête publique, consacrée à l’évaluation économique et sociale du projet, est retracé en des termes identiques aux pages H 34 et suivantes de chacun de ces tomes, le second dossier mis à l’enquête publique dite complémentaire affirmant que la modification du tracé est sans incidence significative sur les coûts ; que ce bilan prévisionnel, établi « aux conditions économiques 2004 » et en fonction d’une mise en service du tram-train à partir de 2012, estime à 1,250 milliard d’euros le montant total des investissements à réaliser, matériel roulant compris, pour la mise en œuvre dudit projet auquel s’ajoutent, compte tenu d’une hausse prévue du trafic, un investissement pour matériel roulant supplémentaire d’un montant de 40 millions d’euros en 2022 et encore de 40 millions d’euros en 2032, ainsi qu’un complément des investissements relatifs à l’atelier-dépôt d’un montant de 10 millions d’euros en 2022 et encore de 10 millions d’euros en 2032 ; que ce même bilan évalue le coût d’exploitation et de maintenance du tram-train à 13 millions d’euros en 2012, soit des coûts d’exploitation des transports en commun portés en moyenne annuelle, compte tenu de la croissance prévue du trafic des transports en commun dans ce secteur, à environ 40 millions d’euros avec tram-train et à environ 31 millions d’euros sans tram-train, c'est-à-dire avec le seul réseau existant des cars jaunes et des bus urbains ; que les recettes annuelles ont été estimées sur l’ensemble des communes couvertes par le projet à près de 32 millions d’euros avec le projet et à près de 25 millions sans le projet, les utilisateurs du tram-train étant auparavant évalués au point 4.6 de la modélisation à 52 000 voyageurs par jour sur les cinq communes concernées et la croissance du trafic des transports en commun à près de 30 % par rapport à la situation de référence sans tram-train dans cette portion de l’île ; que ce bilan fait apparaître, compte tenu d’un taux d’actualisation de 4 % et d’une durée de service de 30 ans, soit jusqu’en 2042, un bénéfice net actualisé (BNA) regardé comme procuré par le projet, par rapport à la situation de référence, d’un montant de 649 millions d’euros et un bénéfice par euro investi de 0,47 ; que ces valeurs sont obtenues, selon le détail du bilan pluriannuel retracé au point 7.2 des annexes, page H 42, d’après un total d’investissements actualisés de 1,389 milliard d’euros et un total d’avantages actualisés de 1,880 milliard d’euros comportant essentiellement des avantages monétarisés procurés aux usagers en termes de gains de temps et de frais de déplacements, procurés aux tiers en termes de réduction de pollution ou de gains de sécurité routière calculée en accidents de la route évités, et procurés aux collectivités publiques en termes principalement de réduction de coûts d’équipement et d’entretien de voirie corrigés de l’excédent de charges d’exploitation ; que le BNA indiqué plus haut de 649 millions d’euros correspond dans ce bilan pluriannuel à la différence entre la somme des investissements actualisés, au montant susmentionné de 1,389 milliard d’euros, et le total des avantages valorisés et actualisés au montant susmentionné de 1,880 milliard d’euros, auquel s’ajoute une valeur résiduelle des biens en 2042 estimée à 158 millions d’euros ; que le bilan indique aussi un taux de rentabilité interne pour la collectivité (TRI) de 6,6 %, dont le calcul n’est pas détaillé, mais dont il est indiqué qu’il est établi par « itération manuelle » et qu’il « permet d’annuler » le bénéfice actualisé ; que ces données du bilan motivent la conclusion de l’évaluation économique et sociale figurant au point 6.2.5 de la page H 39, suivant laquelle le projet est « significativement rentable pour la société au sens où le BNA est largement positif et le TRI est largement supérieur au taux d’actualisation » ; qu’en ce qui concerne les conditions de financement, le point 6.1.4 de la page H 35, qui a pour intitulé « financement du projet », affirme qu’une expertise financière réalisée en 2005 par un cabinet privé, qui n’est pas jointe au dossier d’enquête, « a montré la capacité de la région à réaliser le projet du tram-train », relève que l’évaluation préalable menée en 2006 à partir d’une hypothèse de subvention de 20 %, met « pratiquement sur un pied d’égalité les deux modes de gestion, direct ou contrat de partenariat » mais préconise « le recours au contrat de partenariat » à cause de la complexité du projet, en raison du « bénéfice du dialogue compétitif », de la « multiplication des formules de financement par le consortium », de la « possibilité de recourir au paiement différé » de nature à « favoriser la gestion budgétaire de la région », du « paiement du loyer » retardé « à la livraison du tram-train » et de la « garantie accrue de la livraison du tram-train dans les délais et selon les coûts prévus » ; que ce même point 6.1.4 rappelle en conclusion que, après le dépôt du rapport d’évaluation préalable en août 2006, qui n’est pas joint aux dossiers d’enquête, « l’assemblée plénière de la région Réunion a décidé d’approuver le recours au contrat de partenariat comme mode contractuel de réalisation du projet » ;

Considérant que, au regard de la nature et de l’ampleur du projet en litige et des enjeux financiers qu’il induit, l’analyse figurant au point 6.1.4, retracée ci-dessus, de son financement, dépourvue de toute indication chiffrée, hormis l’hypothèse d’un pourcentage de subvention, et de précision quant à ses modalités, n’est pas suffisante au regard des exigences de l’article 4 précité du décret du 17 juillet 2004 dans le champ duquel il entre ; que cet article, qui oblige à analyser les conditions et les coûts de construction, d'entretien, d'exploitation et de renouvellement de l'infrastructure projetée, oblige aussi à analyser les conditions de financement de ces mêmes investissements et de ces mêmes dépenses ; que la simple référence à un contrat de partenariat, présenté à la fois comme un mode de gestion et de financement mais de manière abstraite, ne suffit pas, faute que soient données, fût-ce à grands traits, les conditions financières du contrat tel que la région pouvait envisager de le passer concrètement, leurs contreparties, et la durée des engagements, à renseigner le public sur les modalités de financement des composantes du projet ; que cette information est d’autant plus utile dans le cas, qui est celui de l’espèce, d’un investissement et de son exploitation réalisés par le truchement d’un partenariat public-privé faisant l’objet d’un paiement assuré essentiellement par des redevances annuelles dues par la collectivité publique, qui ne sera propriétaire des biens qu’à l’issue du contrat et dont les engagements pesant sur elle sont de très long terme ; que ne tient pas lieu d’une telle information financière le bilan prévisionnel socio-économique décrit plus haut qui, même s’il met en balance les divers avantages et inconvénients du projet, exprimés dès l’origine en termes monétaires lorsqu’ils relèvent du secteur marchand, ou convertis dans ces termes monétaires lorsqu’ils ne relèvent pas du secteur marchand, ne rend pas compte des modalités elles-mêmes de son financement ; que ces modalités de financement ne sont pas traduites par le mécanisme général d’actualisation résultant des travaux du commissariat général du Plan, en fonction d’un taux réduit à 4 %, non plus qu’en l’espèce par le taux de rentabilité interne qui se borne à neutraliser le taux d’actualisation ; qu’elles ne peuvent pas non plus se déduire de ces deux taux ; que, s’il est vrai que toutes les conditions de financement d’un projet peuvent ne pas être fixées lors d’une enquête publique, en l’espèce, la région, déjà informée par un rapport d’évaluation préalable et décidée à souscrire un contrat de partenariat public privé, était en mesure, au moment des deux enquêtes publiques et à plus forte raison de la seconde, d’indiquer au moins les principaux déterminants du « loyer » qu’elle envisageait d’acquitter et la durée de son paiement ; qu’à cet égard, le rapport de la mission d’expertise économique et financière de la trésorerie générale de la Réunion versé aux débats, établi en 2009 après l’arrêté en litige, mais révélateur sur de nombreux points de la situation antérieure, et en tant que tel constitutif d’un élément de preuve dans ce litige d’excès de pouvoir contrairement à ce que soutient la région, révèle que, dès le mois d’août 2006, le montant global de la redevance annuelle à payer par la région avait fait l’objet d’une estimation chiffrée, de l’ordre de 80 millions d’euros par an ; qu’ainsi, la région était en mesure d’indiquer lors des enquêtes publiques cet ordre de grandeur et la part de financement des composantes du projet qu’il devait assurer ;

Considérant, en outre, qu’il ressort des pièces du dossier que le bilan socio-économique décrit ci-dessus repose sur une prise en compte insuffisante du coût de certaines dépenses physiques entraînées par le projet ; qu’ainsi, ce bilan prévisionnel ne fait pas état des coûts de gros entretien et de renouvellement, lesquels coûts ne se confondent pas avec le supplément des investissements susmentionnés prévus pour 2022 et 2032 et ne sont pas traduits par le simple amortissement de l’investissement initial sur la durée contractuelle de son exploitation ; qu’il ne résulte d’aucune mention du bilan que ces frais de gros entretien et de renouvellement, conséquents, prévisibles et chiffrables, seraient intégrés dans les autres coûts ou dans les facteurs de la formule mathématique du bénéfice net actualisé indiquée page H 36 en illustration du point 6.2, dont ledit bilan entend faire application ; que, d’ailleurs, la région a, lors de la mission d’expertise précitée, reconnu que la redevance annuelle évaluée en 2006 était elle-même sous-estimée et que cette sous-estimation, révélée lors de la mise au point en 2009 du contrat qui faisait apparaître une redevance annuelle à payer, sur plus de 30 ans, par la région dépassant 100 millions d’euros dès 2017, après déduction du reversement par l’exploitant des recettes voyageurs encaissées pour le compte de la collectivité, procédait, non seulement de frais financiers et de la mise à jour des dépenses, mais aussi de l’insuffisante prise en compte de frais d’exploitation et de l’omission des coûts de gros entretien et de renouvellement ; que cette incomplète prise en compte de coûts très significatifs, par insuffisance d’évaluation ou omission, est encore corroborée par l’écart très sensible existant entre les coûts évalués, sur une exploitation de 30 ans, dans le cadre du bilan prévisionnel socio-économique décrit plus haut et les flux financiers destinés à couvrir ces coûts, ressortant des autres pièces du dossier, même si l’on s’en tient aux seuls flux qui pouvaient être estimés à la date de ce bilan et aux seules composantes des redevances afférentes à ces coûts ; que, calculés dans ces conditions, ni le bénéfice net actualisé, ni le taux de rentabilité interne pour la collectivité figurant dans le bilan socio-économique, en admettant valides l’estimation des voyages et de leur tarification de même que la valorisation financière des avantages et des inconvénients non monétaires, ne peuvent être regardés comme un reflet suffisamment fidèle de l’opportunité sociale et économique du projet, alors surtout que ses modes de financement n’étaient pas suffisamment indiqués de sorte que son poids financier ne pouvait pas non plus se déduire dudit bilan ;

Considérant que les lacunes des dossiers d’enquête publique sur les modalités de financement et les insuffisances affectant l’évaluation des coûts du projet décrites plus haut, qui ne permettent pas, en particulier, de tenir le bilan socio-économique pour réaliste ni de mesurer l’effort financier de la collectivité, ne mettaient pas à même le public d’apprécier l’utilité publique de l’opération ; que, contrairement à ce que soutient la région, le poids financier d’un projet et la capacité financière de la collectivité publique qui le porte sont au nombre des critères déterminant cette utilité publique ; que, par suite, la procédure au terme de laquelle l’arrêté en litige a été pris, est entachée, au regard du décret précité du 17 juillet 2004, d’une irrégularité substantielle qui affecte, dans son ensemble, la légalité de cet acte ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l'ASSOCIATION TRACE TRAM et autres sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué n° 0800761-0800762 du 23 avril 2009, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion n’a annulé que partiellement l’arrêté en litige ;

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ASSOCIATION TRACE TRAM et autres qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance la somme de 5 000 euros que la région Réunion demande en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement aux requérants de la somme globale de 3 000 euros au titre des frais de même nature exposés par eux ;

Sur l’instance n° 09BX01492 :

Considérant que l’annulation de l’intégralité de l’arrêté en litige rend sans objet l’appel de M. V== dirigé contre le jugement n° 0800765 qui rejette son recours dirigé contre cet arrêté ; qu’il n’y a donc pas lieu de statuer sur cet appel ;

Considérant qu’il convient, eu égard à l’annulation de l’arrêté qui justifie le non lieu à statuer sur la requête de M. V== relative à cet acte, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat le versement à ce requérant de la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Sont annulés les dispositions restant en litige de l’arrêté en date du 25 mars 2008 du préfet de la Réunion ainsi que le jugement 0800761-0800762 du 23 avril 2009 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion en tant qu’il n’annule pas dans son intégralité cet arrêté.

Article 2 : Il n’y a pas lieu de statuer sur la requête n° 09BX01492.

Article 3 : L’Etat versera aux requérants de l’instance n° 09BX01891 la somme globale de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : L.’Etat versera la somme de 1 000 euros à M. V== en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.