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Vu la requête, enregistrée le 27 avril 2009, et le mémoire complémentaire, enregistré le 2 juin 2009, présentés pour le DEPARTEMENT DE LA DORDOGNE, qui demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement en date du 26 février 2009, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a, sur les demandes de l’association ADER 936 et autres, annulé les délibérations en date des 28 juillet 2003 et 26 juillet 2004 par lesquelles la commission permanente du conseil général de la Dordogne a pris en considération la mise à l’étude d’un projet d’aménagement de la RD 936 sur plusieurs communes du département, dont celles de Lamonzie-Saint-Martin, Gardonne et de Saint-Laurent-des-Vignes, et a délimité les terrains affectés par ce fuseau sur le territoire desdites communes ;

2°) de rejeter les demandes présentées devant le tribunal administratif tendant à l’annulation des délibérations susvisées ;

3°) de mettre à la charge des intimés la somme de 4 000 euros à lui verser au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 25 janvier 2010 :

- le rapport de Mme Boulard, président assesseur ; - les observations de Me Galland de la SCP Delavallade-Gelibert-Delavoye, avocat du DEPARTEMENT DE LA DORDOGNE ; - les observations de Me Bouchama se substituant à Me Blet, avocat de l'association ADER 936 et autres ; - les conclusions de Mme Dupuy, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée aux parties ;

Considérant que, par délibération en date du 28 juillet 2003, la commission permanente du conseil général de la Dordogne, « prend acte de la cessation des effets de l’arrêté préfectoral en date du 30 avril 1993 instituant un fuseau d’étude en vue du doublement de la route départementale n° 936 », sur le territoire de communes du département que cette délibération mentionne, « prend en considération la nécessité de préserver un couloir de passage pour le doublement futur de la route départementale n° 936, conformément au plan joint, en l’absence de projet alternatif », puis « émet un avis favorable au maintien du fuseau d’étude pris en considération le 30 avril 1993 », enfin « autorise » le « président du conseil général à signer tous documents, en application de l’article L. 111-10 du code de l’urbanisme » ; que, par une délibération du 26 juillet 2004, cette même commission permanente « confirme la prise en considération dans le cadre de l’article L. 111-10 du code de l’urbanisme » par la délibération susvisée du 28 juillet 2003 « du projet d’aménagement de la route départementale n° 936 », et « prend acte des avis favorables des communes concernées pour la section Saint-Antoine-de-Breuil-Lamothe-Montravel relatifs à la réduction du fuseau d’étude à une largeur de 50 mètres, conformément au tracé représenté au plan annexé » à ladite délibération, puis « décide en conséquence, que pour l’application de l’article L. 111-10 du code de l’urbanisme, les terrains affectés par ce projet pour la section Saint-Antoine-de-Breuilh-Lamothe-Montravel sont délimités par le fuseau d’étude représenté » audit plan, ordonne la publication de cette décision dans deux journaux du département, enfin « autorise » le « président du conseil général à signer tout document nécessaire à la mise en application de l’article L. 111-10 du code de l’urbanisme » ; que, saisi de 24 recours pour excès de pouvoir dirigés à titre principal contre ces délibérations, et à titre subsidiaire contre les refus implicites de les abroger, le tribunal administratif de Bordeaux a, après avoir joint tous ces recours et expressément admis leur recevabilité au regard tant des délais que de l’intérêt pour agir des demandeurs, annulé pour excès de pouvoir les deux délibérations des 28 juillet 2003 et 26 juillet 2004, par un jugement du 26 février 2009 ; que le DEPARTEMENT DE LA DORDOGNE fait appel de ce jugement ; que, contrairement à ce que soutiennent les intimés dans leurs dernières écritures, cet appel, enregistré le 27 avril 2009, n’est pas soumis aux formalités prescrites par les dispositions combinées des articles R. 411-7 du code de justice administrative et R. 600-1 du code de l’urbanisme dans leur rédaction issue du décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 entré en vigueur le 1er octobre 2007 et dans le champ desquelles n’entrent plus les actes de la nature des délibérations en litige ;

Sur la recevabilité des demandes de première instance :

Considérant, d’une part, qu’en vertu de l’article R. 411-7 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable à la date des demandes de première instance, « la présentation des requêtes dirigées contre un document d'urbanisme ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol est régie par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ci-après reproduit : « / Art. R. 600-1. - En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un document d'urbanisme ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un document d'urbanisme ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation, est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux. » ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 111-10 du code de l’urbanisme dans sa rédaction applicable à la date des décisions attaquées : « Lorsque des travaux, des constructions ou des installations sont susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreuse l'exécution de travaux publics, le sursis à statuer peut être opposé, dans les conditions définies à l'article L. 111-8, dès lors que la mise à l'étude d'un projet de travaux publics a été prise en considération par l'autorité compétente et que les terrains affectés par ce projet ont été délimités. / L'autorité compétente peut surseoir à statuer, dans les mêmes conditions, sur les demandes d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreuse la réalisation d'une opération d'aménagement qui a été prise en considération par le conseil municipal ou par l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent, ou dans le périmètre des opérations d'intérêt national, par le représentant de l'Etat dans le département. La délibération du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou l'arrêté de l'autorité administrative qui prend en considération le projet d'aménagement délimite les terrains concernés. / Le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'acte décidant la prise en considération a été publié avant le dépôt de la demande d'autorisation. / La décision de prise en considération cesse de produire effet si, dans un délai de dix ans à compter de son entrée en vigueur, l'exécution des travaux publics ou la réalisation de l'opération d'aménagement n'a pas été engagée. » ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions du code de l’urbanisme relatives aux décisions de prise en considération d’un projet de travaux publics, lesquelles s’accompagnent nécessairement d’un plan délimitant les terrains affectés par ce projet, que les mesures de sauvegarde qu’elles instituent permettent de provoquer un sursis à statuer sur toutes les demandes de permis de construire portant sur ces terrains ; qu’ainsi, l’intervention de telles décisions est source de servitudes d’urbanisme, qui s’imposeront directement aux personnes publiques et privées concernées ; que, par suite, ces décisions de prise en considération doivent être regardées comme des documents d’urbanisme auxquels s’applique la formalité de notification prévue à l’article R. 600-1 précité du code de l’urbanisme ; qu’il ressort des pièces du dossier que cette formalité de notification des recours dirigés contre les délibérations des 28 juillet 2003 et 26 juillet 2004, prises en vertu de l’article L. 111-10 du code de l’urbanisme, n’a pas été accomplie en l’espèce ; que les demandes d’abrogation desdites délibérations adressées au département ne sauraient en tenir lieu ; que les intimés ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance de l’obligation d’afficher la condition de recevabilité procédant de l’article R. 424-15 du code de l’urbanisme dont ne relèvent pas les délibérations en cause ; que les stipulations de l’article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales invoquées par les intimés en appel n’imposent pas que cette obligation soit étendue aux actes de la nature des délibérations en litige ; qu’il suit de là que les recours dirigés contre lesdites délibérations sans qu’ils aient été notifiés étaient irrecevables et que c’est à tort que les premiers juges y ont fait droit ; qu’il convient donc d’annuler le jugement attaqué et de rejeter les conclusions tendant à l’annulation des délibérations des 28 juillet 2003 et 26 juillet 2004 ; que cette annulation du jugement et le rejet de ces conclusions impliquent que la cour statue, par voie d’évocation, sur les conclusions subsidiaires dirigées contre les refus d’abrogation des délibérations en cause, lesquels refus n’entrent pas dans le champ des dispositions de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme ; qu’à cet égard, et contrairement à ce que soutient le département requérant, la délibération du 28 juillet 2003 ne peut être regardée, compte tenu de ses termes tels qu’ils sont rapportés ci-dessus, comme n’étant qu’un acte purement préparatoire de la délibération du 26 juillet 2004 qui à la fois la confirme et la modifie ; que cette première délibération constitue elle-même un acte décisoire, que la commission a entendu prendre sur le fondement de l’article L. 111-10 du code de l’urbanisme afin de maintenir les mesures de sauvegarde que permet cet article ; que cette délibération est donc de nature à faire grief et, comme telle, susceptible d’une demande d’abrogation de nature à faire naître un refus qui, lui aussi, fait grief ;

Sur la légalité des refus d’abrogation :

Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte des circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ;

Considérant que, par l’arrêté du 30 avril 1993 susvisé, le préfet de la Dordogne a décidé la prise en considération, sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 111-10 du code de l’urbanisme, du projet de liaison routière entre Bergerac et Castillon-la-Bataille ; qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier du préfet de la Dordogne du 14 mars 2005 et des termes mêmes des délibérations de 2003 et 2004 en cause, que l’arrêté précité du préfet de la Dordogne définissant le faisceau d’étude du projet avait cessé de produire effet, à défaut de tout commencement d’exécution des travaux, dix années après l’édiction de cet acte ; que, devant la cour, le département requérant ne conteste plus la caducité de l’arrêté préfectoral du 30 avril 1993 à la date de la délibération du 28 juillet 2003, laquelle a précisément pour objet d’y faire obstacle en prorogeant, pour ce qui est de la partie du projet intéressant le département, la validité de l’acte frappé de caducité, sans constituer une nouvelle prise en considération d’un autre projet de travaux publics ; que, quand bien même le département est devenu entre-temps l’autorité compétente pour décider de l’aménagement de la route départementale 936, donc l’autorité compétente pour décider de prendre ce projet en considération au sens de l’article L. 111-10, aucune disposition de cet article, non plus qu’aucun autre texte, ne lui permet pour autant de prolonger les effets d’un acte devenu caduc en application dudit article ; que, dès lors, la délibération du 28 juillet 2003 est entachée d’illégalité ; que la délibération en date du 26 juillet 2004 de la commission permanente du conseil général de la Dordogne, qui confirme la prise en considération du projet d’aménagement de la route départementale 936 résultant de sa délibération du 28 juillet 2003, en modifiant seulement le tracé du périmètre de sauvegarde sur une partie de cette route, n’a elle aussi pour objet que de faire échec à la caducité de l’arrêté préfectoral du 30 avril 1993 ; qu’elle est entachée de la même illégalité que cette première délibération du 28 juillet 2003 ; que saisi, par des courriers adressés de juillet à octobre 2005 au président de son conseil général, de demandes tendant à l’abrogation des délibérations des 28 juillet 2003 et 26 juillet 2004, le DEPARTEMENT DE LA DORDOGNE était tenu d’abroger ces actes règlementaires, illégaux dès l’origine ; que les refus qu’il est réputé avoir implicitement opposés à ces demandes d’abrogation sont donc illégaux ; que l’autorité administrative ayant compétence liée pour faire droit aux demandes d’abrogation, les autres moyens dirigés contre les rejets opposés à ces demandes sont inopérants pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme ; qu’il en résulte que les demandeurs de première instance sont fondés à demander l’annulation des refus implicitement opposés à leurs demandes d’abrogation des délibérations prises les 28 juillet 2003 et 26 juillet 2004 par la commission permanente du conseil général de la Dordogne ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions des parties tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 février 2009 est annulé.

Article 2 : Sont rejetées les demandes tendant à l’annulation des délibérations en date des 28 juillet 2003 et 26 juillet 2004 de la commission permanente du conseil général de la Dordogne, présentées devant le tribunal administratif de Bordeaux par l'association ADER 936, M. Jean-Michel S==, M. Maurice B==, Mme Nicole G== et Mme Catherine C==, M. et Mme Philippe G==, M. Philippe G==, M. Peter H==, Mme Brigitte S==, M. Michel L==, Mme Edwige R== et Mme Régine J==, M. Bernard M==, M. André-Louis S==, M. Jean-Marie C==, Mme Caroline D==, M. Jean-Marc D==, M. Jean-Louis F==, M. Claude G==, M. et Mme Michel G==, M. Roland B==., M. et Mme Charles B==, la SCI Eurimmob, l’EARL des Rives, M. et Mme Pierre L== et M. Raymond L==.

Article 3 : Sont annulés les refus implicitement opposés aux demandes tendant à l’abrogation des délibérations susvisées des 28 juillet 2003 et 26 juillet 2004 adressées au président du conseil général de la Dordogne de juillet à octobre 2005, par l'association ADER 936, M. Jean-Michel S==, M. Maurice B==, Mme Nicole G== et Mme Catherine C==, M. et Mme Philippe G==, M. Philippe G==, M. Peter H==, Mme Brigitte S==, M. Michel L==, Mme Edwige R== et Mme Régine J==, M. Bernard M==, M. André-Louis S==, M. Jean-Marie C==, Mme Caroline D= M. Jean-Marc D==, M. Jean-Louis F==, M. Claude G==, M. et Mme Michel G==, M. Roland B==, M. et Mme Charles B==, la SCI Eurimmob, l’EARL des Rives, M. et Mme Pierre L== et M. Raymond L==.

Article 4 : Le surplus de la requête du DEPARTEMENT DE LA DORDOGNE est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par les intimés sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.