Vu la requête sommaire enregistrée au greffe de la cour le 19 janvier 2009, présentée pour M. Jean-Pierre D==, demeurant ==, par Me Bisiau, avocat ;

M. D== demande à la cour d’annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 novembre 2008 rejetant ses demandes dirigées contre la décision du 26 mai 2005 par laquelle le directeur opérationnel territorial courrier Aquitaine Nord de La Poste l’a suspendu de ses fonctions, contre la décision du 12 avril 2006 par laquelle le directeur opérationnel territorial courrier Aquitaine Nord a prononcé à son encontre la sanction d’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 2 ans dont 1 an avec sursis, prononçant le non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la décision d’exclusion temporaire de fonctions du 12 juillet 2005 et rejetant ses conclusions tendant à la condamnation de la Poste à lui verser la somme de 38 000 € en réparation du préjudice subi ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée, notamment son article 19 ;

Vu la loi n° 84 16 du 11 janvier 1984 modifiée, notamment ses articles 66 et 67 ;

Vu la loi n° 90 1111 du 2 juillet 1990 ;

Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 modifié ;

Vu le décret n° 90-1111 du 12 décembre 1990 ;

Vu le décret n° 94-130 du 11 février 1994 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ; Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 16 février 2010 :
- le rapport de M. Bentolila, premier conseiller ;
- les observations de Me Boulanger et de Me Bisiau, avocats de M. D== ;
- les observations de Me Bellanger, avocat de La Poste ;
- et les conclusions de M. Gosselin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées à la requête d’appel :

Sur la décision du 12 juillet 2005 :

Considérant qu’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n’a d’autre objet que d’en faire prononcer l’annulation avec effet rétroactif ; que si, avant que le juge n’ait statué, l’acte attaqué est rapporté par l’autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d’être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive dans l’ordonnancement juridique de l’acte contesté, ce qui conduit à ce qu’il n’y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le pourvoi dont il était saisi ; qu’il en va ainsi, quand bien même l’acte rapporté aurait reçu exécution ;

Considérant que par décision du 7 avril 2006 postérieure à l’introduction de la demande de première instance, le directeur général de La Poste a opéré le retrait de la décision du 12 juillet 2005 par laquelle il avait prononcé à l’encontre de M. D== la sanction d’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans, dont un avec sursis ; que ce retrait est devenu définitif faute pour cette décision du 7 avril 2006 d’être contestée dans le délai d’appel ; que, dès lors c’est à bon droit que le tribunal a considéré que les conclusions de M. D== tendant à l’annulation de la décision d’exclusion temporaire de fonctions du 12 juillet 2005 étaient devenues sans objet ;

Sur la décision du 12 avril 2006 :

En ce qui concerne la légalité externe :

Sur la compétence de l’auteur de l’acte :

Considérant qu’aux termes de l’article 15 du décret susvisé du 12 décembre 1990 portant statut de La Poste : « Le président du conseil d’administration peut déléguer tout ou partie de ses attributions propres. En matière de recrutement, nomination et gestion du personnel, le président du conseil d’administration peut déléguer sa signature, ou le cas échéant tout ou partie de ses pouvoirs, au directeur général, et sa signature aux chefs des services centraux et à leurs collaborateurs immédiats. Le président peut en outre déléguer aux chefs des services déconcentrés tout ou partie de ses pouvoirs en matière de recrutement, de nomination et de gestion des personnels qui relèvent de leur autorité, sous réserve, pour les personnels fonctionnaires, de la mise en place de commissions administratives paritaires locales et du respect du principe d’égalité… » ; qu’aux termes de l’article 2 de la décision de La Poste n° 3046 du 20 décembre 2004 : « Pour les personnels fonctionnaires et stagiaires des classes I, II et III, les pouvoirs sont déconcentrés en matière disciplinaire de la façon suivante : En ce qui concerne les sanctions des groupes 1, 2 et 3, le pouvoir est délégué aux directeurs opérationnels territoriaux courrier… pour les personnels relevant de leur autorité ou affectés dans les services qui leur sont directement rattachés. » ; que, compte tenu de la délégation de pouvoir ainsi consentie aux directeurs opérationnels territoriaux et donc, en l’espèce, au directeur opérationnel territorial courrier Aquitaine Nord de La Poste, seul ce dernier avait compétence pour prononcer à l’encontre de M. D== la sanction du troisième groupe d’exclusion temporaire de fonctions ; que, dès lors, le moyen tiré de l’incompétence du signataire de l’exclusion temporaire de fonctions et de l’acte de saisine du conseil de discipline doit être écarté ;

Sur la motivation :

Considérant que la décision du 12 avril 2006, qui en tout état de cause n’a pas d’effet rétroactif, ne saurait être regardée comme procédant au retrait de la décision du 7 avril 2006, non créatrice de droits, retirant la décision d’exclusion temporaire de fonctions du 12 juillet 2005 ; que cette décision du 12 avril 2006 n’avait dès lors pas à être motivée ;

Sur la composition du conseil de discipline :

Considérant qu’aux termes de l’article 5 du décret du 11 février 1994 relatif aux commissions administratives paritaires de La Poste : « Les commissions administratives paritaires comprennent en nombre égal des représentants de l’exploitant public et des représentants du personnel. Elles ont des membres titulaires et un nombre égal de membres suppléants. » ; qu’en vertu de l’article 10 du même décret : « … Les représentants de l’exploitant public au sein des commissions administratives paritaires locales sont désignés par le chef de service auprès duquel sont placées ces commissions. » ; que comme l’ont estimé à bon droit les premiers juges, la décision du 21 février 2005 par laquelle le président du conseil d’administration de La Poste a procédé à la désignation de 24 représentants titulaires et de 24 représentants suppléants de l’exploitant public pour l’ensemble des commissions administratives paritaires nationales n’est contraire à aucune disposition législative ou réglementaire et n’enfreint pas par elle-même le principe de parité entre les représentants de la direction de La Poste et les représentants du personnel, le nombre de représentants de la direction de La Poste désignés étant égal au nombre des représentants du personnel ; que par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les membres suppléants désignés pour siéger au conseil de discipline, dans les conditions prévues par l’article 31 du décret susvisé du 11 février 1994, n’aient pas suppléé, pour cause d’empêchement, les titulaires indisponibles ;

Considérant qu’en ce qui concerne la participation d’un agent de droit privé à la commission administrative paritaire, aux termes de l’article 10 du décret n° 94-130 susvisé du 11 février 1994 relatif aux commissions administratives paritaires de La Poste, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée issue du décret n° 2000-693 du 24 juillet 2000 : « Les représentants de l'exploitant public, titulaires et suppléants, sont nommés par le président du conseil d'administration de La Poste dans les quinze jours qui suivent la proclamation des résultats des élections prévues par les dispositions du chapitre III du présent titre pour la désignation des représentants du personnel. Ils sont choisis parmi les personnels qui exercent des fonctions correspondant à un grade au moins égal au grade de cadre de premier niveau du corps des cadres régi par le décret n° 93-515 du 25 mars 1993 relatif aux dispositions statutaires applicables au corps des cadres de La Poste et au corps des cadres de France Télécom » ; qu’il résulte de ces dispositions, qui dérogent à celles alors en vigueur du décret n° 82-451 du 28 mai 1982 susvisé relatif aux commissions administratives paritaires de l’Etat et de ses établissements publics, que des agents contractuels peuvent siéger au sein des conseils de discipline de La Poste, sous réserve notamment qu’ils exercent des fonctions correspondant à un grade au moins égal au grade du premier niveau du corps des cadres ; que, par suite, M. D. n’est pas fondé à soutenir que la présence, au sein du conseil de discipline ayant été amené à connaître de son cas, d’un agent qui n’avait pas la qualité de fonctionnaire, entacherait d’irrégularité la procédure disciplinaire ; que le moyen tiré de l’irrégularité de son recrutement invoqué à l’appui de la contestation de l’irrégularité de sa désignation en qualité de membre de la commission administrative paritaire est en tout état de cause inopérant et doit être écarté ;

Considérant enfin, que la circonstance que les représentants de la direction de La Poste aient été les mêmes pour tous les conseils de discipline qui se sont tenus les 7 et 8 juillet 2005 est sans incidence sur la régularité de la procédure disciplinaire ;

Sur la présidence du conseil de discipline :

Considérant qu’aux termes de l’article 27 du décret susvisé du 11 février 1994 : « Les commissions administratives sont présidées par le directeur auprès duquel elles sont placées ou, en cas d’empêchement, par son représentant » ; qu’il est constant que M. F== désigné par une décision du 21 février 2005 en qualité de président des commissions administratives paritaires nationales, empêché de siéger à la commission administrative paritaire, a désigné M. C== pour le suppléer, en vertu de décisions des 20 avril et 8 juillet 1994 prises en conformité avec l’article 27 du décret susvisé du 11 février 1994 ; que, dès lors, le moyen tiré de l’irrégularité de la présidence du conseil de discipline doit être écarté ;

Sur la régularité de la convocation devant le conseil de discipline :

Considérant qu’aux termes de l’article 4 du décret susvisé du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’Etat et applicable aux fonctionnaires de La Poste : « Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline quinze jours au moins avant la date de la réunion par lettre recommandée avec demande d’avis de réception… » ; que même si la convocation par lettre recommandée avec accusé de réception constitue le mode normal de convocation devant le conseil de discipline, la signification par huissier, le 22 juin 2005, de la convocation de M. D. devant le conseil de discipline du 8 juillet 2005 soit dans le délai de 15 jours, qui ne constitue pas un délai franc, prévu par les dispositions précitées, n’a pas entaché d’irrégularité la procédure disciplinaire ;

Sur la mise aux voix des sanctions :

Considérant qu’aux termes de l’article 8 du décret susvisé du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’Etat : « … le président du conseil de discipline met aux voix la proposition de sanction la plus sévère parmi celles qui ont été exprimées lors du délibéré. Si cette proposition ne recueille pas l’accord de la majorité des membres présents, le président met aux voix les autres sanctions figurant dans l’échelle des sanctions disciplinaires en commençant par la plus sévère après la sanction proposée, jusqu'à ce que l'une d'elles recueille un tel accord… » ; qu’il est constant que des sanctions ont été mises aux voix par ordre de gravité décroissante sans recueillir de majorité ; que la proposition d’exclusion temporaire de fonctions de 2 ans dont 1 an avec sursis, mise aux voix par le président de la commission ayant recueilli l’accord de la majorité des membres présents, le président n’avait pas à mettre aux voix d’autres sanctions inférieures ;

Sur la présomption d’innocence :

Considérant que si la présomption d'innocence constitue une liberté fondamentale, qui ne peut être enfreinte par l'autorité détentrice du pouvoir disciplinaire lors de l’instruction du dossier disciplinaire, les déclarations à la presse de la direction de La Poste, pendant les conseils de discipline, compte tenu de leur caractère général et mesuré, n’ont pas porté atteinte à la présomption d’innocence ; que, par ailleurs, le moyen relatif à la publicité excessive qui aurait été donnée par la direction de La Poste après l’infliction des sanctions renvoie en tout état de cause à des circonstances postérieures à la décision attaquée ; qu’il est dans cette mesure inopérant ;

Sur la légalité interne :

Sur l’application du principe « non bis in idem » :

Considérant que l’illégalité d’une décision pour un motif de forme ou de fond autorise l’administration à retirer cette décision et à reprendre une nouvelle décision ; que compte tenu du retrait par la décision du 7 avril 2006, devenue définitive, qui procède à la reconstitution de la carrière de l’intéressé, de la décision d’exclusion temporaire de fonctions du 12 juillet 2005, le moyen invoqué par M. D==, selon lequel il se serait vu appliquer par la nouvelle décision d’exclusion de fonctions du 12 avril 2006 une double sanction en violation du principe « non bis in idem », doit être écarté ;

Sur l’examen particulier du dossier :

Considérant que la nouvelle sanction d’exclusion temporaire de fonctions du 12 avril 2006 a pour seul objet de purger le vice d’incompétence dont était atteinte la décision d’exclusion de fonctions du 12 juillet 2005 et ne nécessitait donc pas un nouvel examen du dossier ; que le moyen invoqué en ce sens par M. D== doit, dès lors, être écarté ;

Sur la matérialité des faits :

Considérant qu’ainsi qu’en a jugé à bon droit le tribunal administratif, la matérialité des faits consistant pour M. D== à être resté dans la salle où étaient retenus les 5 cadres de La Poste, sans avoir tenté d’empêcher son envahissement et de ne pas avoir cherché à mettre un terme à la rétention de ces personnes contre leur gré, est établie par les pièces du dossier ; que ces faits justifiaient une sanction ; que compte tenu de leur gravité, l’exclusion temporaire de fonctions prononcée à l’encontre de M. D== par la décision attaquée du 12 avril 2006 n’est pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la sanction infligée se trouverait entachée de détournement de pouvoir pour discrimination syndicale ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. D== n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête dirigée contre la décision du 12 avril 2006 par laquelle le directeur opérationnel territorial courrier Aquitaine Nord de La Poste a prononcé à son encontre la sanction d’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 2 ans dont 1 an avec sursis ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que La Poste n’étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, les conclusions de M. D== tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; que dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par La Poste au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D== est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par La Poste au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.