Vu le recours, enregistré au greffe de la cour le 28 novembre 2008, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ;

Le MINISTRE demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0601125, 0601126 en date du 31 juillet 2008, par lequel le tribunal administratif de Pau a accordé à la société civile immobilière Grand Horizon la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2000 au 31 août 2003, des compléments d’impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquels elle a été assujettie au titre des années 2000 et 2002 et de la cotisation d’imposition forfaitaire annuelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2001 ;

2°) de remettre intégralement à la charge de la SCI Grand Horizon les droits et pénalités qui lui ont été assignés au titre des années 2000 à 2003 ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 2 mars 2010 :

- le rapport de M. Pouzoulet, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Vié, rapporteur public ;

Considérant que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE fait appel du jugement du 31 juillet 2008, par lequel le tribunal administratif de Pau a accordé à la société civile immobilière Grand Horizon la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2000 au 31 août 2003, des compléments d’impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquels elle a été assujettie au titre des années 2000 et 2002 et de la cotisation d’imposition forfaitaire annuelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2001 ;

Sur l’activité de marchand de biens de la SCI Grand Horizon :

Considérant qu’aux termes de l’article 257 du code général des impôts alors en vigueur : « Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée : ... 6° les opérations qui portent sur des immeubles, des fonds de commerce ou des actions ou parts de sociétés immobilières et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels ou commerciaux »; que l'article 205 du code précité soumet à l'impôt sur les sociétés les personnes morales désignées à l'article 206 ; que parmi ces dernières figurent, selon le 2 dudit article, les sociétés civiles qui "se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (…)" ; qu'aux termes de l'article 35 du même code : "I. Présentent (…) le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles(…)" ; que l’application de ces dispositions est subordonnée à la double condition que les opérations procèdent d’une intention spéculative et présentent un caractère habituel ;

Considérant que la SCI Grand Horizon a été créée en 1994 par l’apport d’un lot n° 98 du lotissement de Cap Benat à Bormes les Mimosas ; qu’elle a pour objet social « l’acquisition suivie de revente s’il y a lieu de tous immeubles bâtis ou non bâtis situés dans le ressort territorial des cours d’appel d’Aix en Provence et d’Agen » et été déclarée comme une société de marchand de biens ; que ce lot a été revendu en l’état le 28 janvier 2000 ; que, dès lors que l’apport s’est traduit par un transfert de propriété du lot n° 98 au profit de la société, cette opération doit être regardée comme un achat suivi d’une revente au sens de l’article 35 du code général des impôts ; que si cette opération ne suffit pas à établir que la condition d’habitude est remplie, l’administration a encore fait valoir que la société, immédiatement après cette revente, a acheté le 17 février 2000 les lots n° 10 et 108 du domaine du Cap Bénat, qu’elle a revendu le lot n° 108 le 30 juillet 2000 et a acquis le 17 février 2000 la nue-propriété d’une maison d’habitation à Hyères, enfin qu’elle a acheté une propriété à Bormes les Mimosas le 26 avril 2001 ; que l’administration doit ainsi être regardée comme apportant la preuve que la SCI Grand Horizon s’est livrée habituellement à l’achat d’immeubles en vue de leur revente conformément à son objet social et dans une intention spéculative caractérisée dès l’apport constitué en 1994 ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal a déchargé la société des rappels de taxe sur la valeur ajoutée procédant de l’assujettissement à la taxe de la cession du lot n° 98 susmentionné et les compléments d’impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle à cet impôt ainsi que la contribution forfaitaire annuelle en litige après avoir estimé que les conditions fixées par l’article 35 du code général des impôts n’étaient pas remplies ;

Considérant toutefois qu’il appartient à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par la SCI Grand Horizon ;

Sur la prise en compte d’une perte sur créance :

Considérant que, comme le fait valoir l’administration sans être utilement contredite par la SCI Grand Horizon, la créance sur la SCI Provaralpe détenue par M. D==, gérant de la société, avait été cédée en 1982 à la SCI d’Etigny, dont celui-ci était l’associé à 99,50%, pour la somme de 150 000 F (22 867,35 euros), alors que son recouvrement était déjà regardé comme douteux ; que, dès la constitution de la SCI Grand Horizon en 1994, la créance a été apportée à cette société et comptabilisée à l’actif pour une valeur de 1 750 000 F (266 785,78 euros) ; qu’en 1995, le juge judiciaire a estimé que la valeur de la créance ne pouvait excéder 735 776 F (112 168,32 euros) ; que, par suite, c’est à bon droit que le service, ayant constaté que celle-ci était surévaluée, a exclu de prendre en compte la moins-value à court terme que la société a cru pouvoir enregistrer en 1995 au titre d’une perte sur créance imputable sur les résultats imposables en litige au titre de l’exercice 2000 ;

Sur la réintégration dans les stocks de l’immeuble du 5 rue de Verdun à Hyères et la réintégration des amortissements dans le résultat imposable :

Considérant que la SCI Grand Horizon a acquis le 17 février 2000 la nue-propriété d’une maison à usage professionnel et d’habitation située à Hyères ; que si la société soutient qu’elle entendait conserver cet immeuble et l’a pour cette raison comptabilisé dans ses immobilisations, elle ne justifie pas, ainsi qu’elle l’a affirmé devant le tribunal, qu’elle voulait y installer son siège social alors que, comme le relève l’administration sans être contredite, elle n’avait pas l’usage du bâtiment, qui était encore occupé par des locataires en 2004, et a conservé son siège à Auch ; que, par suite, c’est à bon droit que le service a réintégré cet actif dans les stocks et les amortissements pratiqués sur l’immeuble, dans les résultats imposables de la société ;

Sur les pénalités :

Considérant qu’en ayant relevé que la SCI Grand Horizon avait agi et déclaré agir dès sa constitution en qualité de marchand de biens, de sorte qu’elle ne pouvait ignorer les conséquences du régime fiscal qu’elle avait revendiqué, l’administration établit que la société a eu un comportement ayant pour but d’éluder l’impôt ; que, par suite, celle-ci n’est pas fondée à demander la décharge des pénalités qui lui ont appliquées sur le fondement de l’article 1729 du code général des impôts ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a prononcé la décharge des impositions en litige ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 31 juillet 2008 est annulé.

Article 2 : Les droits de taxe sur la valeur ajoutée dont la décharge a été accordée à la SCI Grand Horizon par le tribunal administratif de Pau au titre de la période du 1er janvier au 31 août 2003, ainsi que les pénalités y afférentes, sont remis à la charge de la SCI Grand Horizon.

Article 3 : Les compléments d’impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquels la société Grand Horizon a été assujettie au titre des années 2000 et 2002 et la cotisation d’imposition forfaitaire annuelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2001sont remis intégralement à sa charge.