Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Mme M==-H== M== a demandé au tribunal administratif de Poitiers d’une part, d’annuler l’arrêté du 3 octobre 2012 par lequel le recteur de l’académie de Poitiers l’a placée en congé de maladie ordinaire du 16 janvier au 11 septembre 2012, l’avis du comité départemental du 11 septembre 2012 et le rapport médical établi le 19 juin 2012 par le docteur A==, d’autre part, d’enjoindre au rectorat de Poitiers de reconnaître son aptitude totale à exercer toutes fonctions, enfin, de condamner l’État à lui verser la somme globale de 233 900 euros au titre des préjudices qu’elle estime avoir subis.

II. Mme M==-H== M== a demandé au tribunal administratif de Poitiers d’annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l’académie de Poitiers a rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle du 28 septembre 2015 et de condamner l’État à lui verser la somme globale de 233 900 euros au titre des préjudices qu’elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 1300326 et n° 1600163 du 13 juillet 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté les demandes de Mme M==.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 septembre 2016 et 7 novembre 2017, Mme M==-H== M==, représentée par Me Corbier-Labasse, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 13 juillet 2016 ;

2°) d’annuler l’arrêté du 3 octobre 2012 par lequel le recteur de l’académie de Poitiers a refusé de lui accorder un congé de longue maladie ;

3°) d’annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l’académie de Poitiers a rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle ;

4°) de condamner l’État à lui verser la somme globale de 233 900 euros au titre des préjudices qu’elle estime avoir subis ;

5°) de mettre à la charge de l’État la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Considérant ce qui suit :

1. Mme M==, professeur certifié de classe normale d’espagnol affectée à compter du 1er septembre 2011 au collège de Saint-Porchaire (Charente-Maritime), a demandé, par lettre du 22 février 2012, à bénéficier d’un congé de longue maladie. Sur l’avis défavorable rendu le 11 septembre 2012 par le comité médical départemental au vu du rapport établi le 19 juin 2012 par un médecin psychiatre agréé, le recteur de l’académie de Poitiers a, par décision du 3 octobre 2012, rejeté cette demande et placé l’intéressée en congé de maladie ordinaire pour la période allant du 16 janvier au 11 septembre 2012. Par un arrêté du 22 janvier 2013, Mme M== a ensuite été placée en congé de longue maladie non imputable au service à compter du 16 janvier 2013. Elle a, par lettre du 28 septembre 2015, saisi le recteur de l’académie de Poitiers d’une demande de reconnaissance de sa pathologie comme maladie professionnelle qui a été implicitement rejetée. Mme M== relève appel du jugement du 13 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du recteur du 3 octobre 2012 et de la décision de refus implicite de reconnaissance de maladie professionnelle, d’autre part, à la condamnation de l’État à l’indemniser des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait de l’illégalité de ces décisions, de la carence fautive de l’administration à assurer sa sécurité et du harcèlement moral dont elle aurait fait l’objet.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

2. Aux termes de l’article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État : « Le fonctionnaire en activité à droit : (…) 2° À des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (…). Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; 3° À des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue maladie (…) ».

En ce qui concerne la décision litigieuse du 3 octobre 2012 :

3. Dans le délai de recours contentieux qui a commencé à courir au plus tard à la date d’enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif de Poitiers, Mme M== a soulevé des moyens relevant de la légalité interne de l’acte litigieux. Le moyen, qui n’est pas d’ordre public, tiré de ce que cet acte serait insuffisamment motivé, soulevé plus de deux mois après la date de saisine du tribunal et ressortissant à une cause juridique différente de celle dont relevaient les moyens invoqués dans ce délai, a le caractère d'une prétention nouvelle tardivement présentée et, par suite, irrecevable ainsi que le relève le ministre.

4. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que l’avis défavorable rendu par le comité médical départemental le 11 septembre 2012 sur la demande de congé de longue maladie de Mme M== a été émis au motif que ce congé de longue maladie n’était pas justifié, l’intéressée présentant une inaptitude totale et définitive à toutes fonctions. Si le recteur a repris cet avis qu’il a entendu s’approprier, il ne ressort pas des termes mêmes de la décision litigieuse du 3 octobre 2012, qu’il se serait estimé lié par ledit avis. Le moyen tiré de ce que le recteur aurait méconnu l’étendue du champ de ses compétences doit ainsi être écarté.

5. Il ressort, en outre, des pièces du dossier que Mme M== s’est prévalue pour demander un congé de longue maladie d’un état dépressif réactionnel en soutenant que les troubles dont elle souffrait, qualifiés de « somatoformes de type fibromyalgie » par l’un de ses médecins traitants, associés à une « dermite des écrans » seraient consécutifs à l’installation et la mise en service, au cours de l’automne 2009, d’un équipement de type Wifi au rez-de-chaussée du collège où elle enseignait précédemment, au point qu’elle s’est présentée devant le médecin spécialiste agréé le 19 juin 2012, dotée d’une casquette spéciale destinée à « repousser les ondes électromagnétiques ». Le précédent médecin expert agréé appelé à donner son avis sur l’état de santé de l’intéressée, le 9 mai 2012, mentionnait des doléances tenant à des céphalées intermittentes, une dysphonie, des troubles de l’équilibre et de la marche, une dyspnée, une cellulalgie du visage et un état dépressif réactionnel et concluait que les soins et arrêts de travail de Mme M== relevaient de la maladie ordinaire. Il ressort de ces mêmes pièces qu’un poste aménagé indemne de toutes ondes électromagnétiques au sein d’un établissement scolaire n’a pu être proposé à l’intéressée. Dans ces conditions, Mme M== n’est pas fondée à soutenir que le recteur aurait commis une erreur d’appréciation en décidant de la maintenir en congé de maladie ordinaire en prévision de son admission à la retraite. À cet égard, elle ne peut utilement se prévaloir de ce que, dans l’attente de l’avis du comité médical supérieur qu’elle avait saisi d’un recours, le recteur l’a ensuite placée, non en disponibilité pour raisons de santé comme il en avait la faculté à l’issue de son congé de maladie ordinaire d’une durée de douze mois, mais en congé de longue maladie à compter du 16 janvier 2013 par son arrêté du 22 janvier 2013.

En ce qui concerne la décision implicite de refus de reconnaissance de maladie professionnelle :

6. D’une part et ainsi que l’ont jugé à bon droit les premiers juges, aucune disposition légale ne rend applicables aux fonctionnaires relevant de la fonction publique d’État demandant le bénéfice, pour la reconnaissance d'une maladie contractée en service, des dispositions combinées de l’article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et de l’article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les dispositions de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d’origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau. Si l’appelante soutient que les affections dont elle souffre, lesquelles ne sont d’ailleurs pas incluses dans un tel tableau, sont reconnues comme maladies professionnelles dans le cadre de « la classification internationale des maladies » intégrant « une hyper-sensibilité électromagnétique (HSE) associée à une dermite des écrans », cette classification n’est pas davantage applicable à la situation d’un fonctionnaire relevant de la fonction publique d’État sollicitant la reconnaissance d’une maladie professionnelle.

7. D’autre part, il appartient au juge administratif d’apprécier au vu des pièces du dossier soumises à son examen s’il existe un lien direct et certain entre la pathologie dont est atteint le fonctionnaire et le service.

8. Il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport de l’expert désigné par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif du 30 avril 2014, que l’hyper-sensibilité aux champs électromagnétiques que Mme M== invoque relève de facteurs physiopathologiques propres à son état de santé. Par suite, elle n’est pas fondée à soutenir que les troubles dont elle est atteinte présentent un lien direct, certain et déterminant avec le service.

9. Enfin, Mme M== ne peut utilement se prévaloir, au soutien de ses conclusions dirigées contre le rejet implicite de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle présentée par lettre du 28 septembre 2015, du vice de procédure qui entacherait une décision précédente de rejet du 21 novembre 2012 tenant à la composition irrégulière de la commission départementale de réforme qui s’était réunie le 16 novembre 2012 dès lors que cette décision qui comportait la mention des voies et délais de recours est devenue définitive après le rejet implicite du recours gracieux exercé à son encontre le 16 janvier 2013. Par ailleurs et alors que le rapport d’expertise établi le 2 décembre 2014 sur ordonnance du juge des référés du tribunal administratif ne concluait pas, contrairement à ce que soutient Mme M==, à la reconnaissance d’une maladie professionnelle des troubles qu’elle présentait, le recteur n’était pas tenu de saisir à nouveau la commission départementale de réforme sur sa demande du 28 septembre 2015 concernant les mêmes troubles.

Sur les conclusions aux fins d’indemnisation :

10. En premier lieu, faute pour Mme M== d’établir l’illégalité de la décision du recteur du 3 octobre 2012 et de la décision de refus implicite de reconnaissance d’une maladie professionnelle, elle n’est pas fondée à rechercher la responsabilité de l’État sur ce fondement.

11. En deuxième lieu, aux termes de l’article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / (…) ».

12. Il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d’agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence d’un tel harcèlement. Il incombe à l’administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d’apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu’il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d’instruction utile.

13. Pour faire présumer l’existence d’agissements de harcèlement moral à son encontre, Mme M== fait valoir que l’administration a systématiquement nié depuis l’année 2009 sa pathologie spécifique et n’a pris aucune mesure utile à sa sécurité sanitaire. Il résulte toutefois de l’instruction que les services du rectorat ont saisi pour avis, dès 2009, le médecin de prévention pour étudier la nécessité d’un aménagement du lieu de travail de l’intéressée, ainsi qu’à plusieurs reprises des médecins agréés dans le cadre de l’instruction des demandes de congé de longue maladie puis de reconnaissance de maladie professionnelle présentées par l’intéressée. La seule circonstance que, sur avis de médecins agréés, indépendants de l’administration, le recteur ait rejeté les demandes dont l’avait saisi Mme M==, par des décisions dont il a été dit précédemment que l’illégalité n’est pas établie, ne saurait être regardée comme la répétition d’actes constitutifs de harcèlement alors au surplus qu’à l’issue des droits de Mme M== à congé de maladie ordinaire, le recteur l’a placée en position de congé de longue maladie.

14. En troisième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été développés au point précédent, Mme M== n’est pas davantage fondée à soutenir que les services du rectorat auraient fait preuve de carences fautives dans la gestion de sa situation professionnelle au regard des troubles dont elle était atteinte.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme M== n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’État, qui n’est pas partie perdante à l’instance, la somme que demande Mme M== au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme M== est rejetée.