Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Château Gruaud-Larose a demandé au tribunal administratif de B de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er août 2010 au 31 juillet 2013, pour un montant total de 7 901 euros ainsi que des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés et intérêts de retard auxquelles elle a été assujettie au titre de l’exercice clos le 31 juillet 2013 pour un montant de 213 496 euros.

Par un jugement n° 1703163 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de B a prononcé le non-lieu à statuer sur les conclusions de la société Château Gruaud-Larose, à concurrence des dégrèvements de cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés prononcées par l’administration fiscale au titre de l’exercice clos le 31 juillet 2013 et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 juin 2019 et 12 mars 2020, la société Château Gruaud-Larose, représentée par Me Y, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de B du 30 avril 2019 en tant qu’il a rejeté ses conclusions tendant à la restitution des rappels de TVA pour la somme totale de 7 901 euros ;

2°) de prononcer la restitution des rappels de TVA mis à sa charge pour la somme de 7 901 euros dont elle s’est acquittée par compensation opérée par l’administration sur les crédits de TVA au titre des années 2011, 2012 et 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. La société Château Gruaud-Larose, propriétaire et exploitant d’un vignoble situé dans le Médoc, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er août 2010 au 31 juillet 2013, à l’issue de laquelle le service a procédé à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur des sommes qualifiées de refacturations de cotisations du Conseil interprofessionnel des vins de B (CIVB) et à des rehaussements sur des charges de « sous-activité ». Par décision du 8 février 2018, le directeur spécialisé de contrôle fiscal sud-ouest a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d’une somme de 213 496 euros, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés auxquelles la société Château Gruaud-Larose a été assujettie au titre de l’exercice clos le 31 juillet 2013 et maintenu les rappels de TVA. Par un jugement du 30 avril 2019, le tribunal administratif de B a prononcé le non-lieu à statuer sur les conclusions de la société Château Gruaud-Larose, à concurrence des dégrèvements de cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés prononcées par l’administration fiscale au titre de l’exercice clos le 31 juillet 2013 et rejeté le surplus des conclusions de la demande. La société Château Gruaud-Larose relève appel de ce jugement en tant qu’il a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la restitution de la somme de 7 901 euros correspondant à la somme qu’elle a acquittée par compensation opérée par l’administration sur les crédits de TVA, au titre de la période 2010 à 2013.

2. Aux termes de l’article 256 du code général des impôts : « I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (…) ». En vertu du I de son article 275, les « assujettis sont autorisés à recevoir ou à importer en franchise de la taxe sur la valeur ajoutée les biens qu'ils destinent à une livraison à l'exportation ».

3. Il résulte de l’instruction que les dispositions financières de l’accord interprofessionnel triennal relatif à l’organisation économique du marché et au suivi aval de la qualité des vins de B prévoient le versement d’une cotisation professionnelle dite « cotisation CIVB » dont le tarif par hectolitre varie selon l’appellation AOC, assujettie à la TVA au taux de 19,60 % et dont le fait générateur est constitué par les sorties de stocks mentionnées sur les déclarations mensuelles de sorties remises aux services des douanes. Aux termes de l’article 32 dudit accord : « Lorsque l’acheteur est un négociant disposant d’un établissement en Gironde ou dans un canton limitrophe, les cotisations sont payables par cet acheteur et supportées par moitié par le vendeur pour les sorties de chai relatives aux contrats désignés aux articles 111 ventes avec retiraison en vrac pour des volumes égaux ou supérieurs à 9 hl, 112 ventes en vrac avec retiraison en bouteilles après mise à la propriété sous la responsabilité de l’acheteur pour des volumes égaux ou supérieurs à 9 hl et 113 vendanges fraîches du présent accord. Dans tous les autres cas les cotisations sont payables par le vendeur ».

4. Il est constant que la société facture à ses clients négociants bordelais une somme équivalente à 50 % des cotisations mises à sa charge par le CIVB, en franchise de TVA, sur le fondement de l’article 275 du code général des impôts, lors des ventes de vins primeurs en bouteilles destinées à l’export.

5. Pour écarter les sommes ainsi facturées du bénéfice de la franchise prévue par les dispositions précitées du I de l’article 275 du code général des impôts, l’administration soutient qu’eu égard à la nature et à l’objet de la cotisation interprofessionnelle CIVB, sa refacturation aux négociants ne correspond pas à la contrepartie d’un service annexe à une exportation ou une livraison intracommunautaire mais au paiement, par le négociant, de la cotisation prévue par l’accord interprofessionnel en contrepartie du service rendu par le CIVB.

6. Toutefois, les ventes de vins primeurs en bouteilles opérées en l’espèce par la société requérante ne relevant pas des catégories de ventes visées par les articles 111, 112 et 113 de l’accord interprofessionnel, seul le vendeur, c’est-à-dire la société Château Gruaud-Larose, est redevable de la cotisation afférente à ces ventes, comme le prévoit le dernier alinéa de l’article 32 dudit accord. Ainsi, la facturation d’une somme correspondant à une fraction de la cotisation CIVB dont le négociant acheteur n’est pas redevable repose, ainsi que le soutient la société appelante, sur un accord commercial entre le vendeur et l’acheteur. Par suite, la somme versée par le négociant exportateur à la société Château Gruaud-Larose et correspondant à une fraction de la cotisation CIVB constitue un élément du prix d’une livraison de biens au sens du I de l’article 256 du code général des impôts, susceptible de bénéficier de la franchise prévue au I de l’article 275 précité du code général des impôts.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Château Gruaud-Larose est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de B a rejeté sa demande en décharge des impositions litigieuses, et par suite, à demander, en l’absence de contestation par l’administration de la compensation opérée sur les crédits de TVA, la restitution d’un crédit de TVA à hauteur de 7 901 euros au titre de la période 2010 à 2013, ainsi que la réformation en ce sens du jugement du tribunal administratif de B.

8. Il y a lieu dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La société Château Gruaud-Larose est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er août 2010 au 31 juillet 2013, pour un montant total de 7 901 euros. L’Etat restituera à la société un crédit de taxe sur la valeur ajoutée du même montant.

Article 2 : Le jugement n° 1703163 du 30 avril 2019 du tribunal administratif de B est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L’Etat versera à la société Château Gruaud-Larose la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code justice administrative.