Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. L== a demandé au tribunal administratif de Pau d’annuler la décision du ministre du travail en date du 23 avril 2014, notifiée le 30 avril 2014, autorisant la Mutualité sociale agricole (MSA) à prononcer son licenciement .

Par un jugement n° 1401368 du 11 octobre 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de M. L==.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 8 décembre 2016 et le 20 juillet 2018, M. Olivier L== demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 11 octobre 2016 ;

2°) d’annuler la décision du ministre du travail en date du 23 avril 2014, notifiée le 30 avril 2014, autorisant la Mutualité sociale agricole (MSA) à prononcer son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Considérant ce qui suit :

1. M. Olivier L== a été recruté par la Caisse de Mutualité Sociale Agricole-Midi Pyrénées Sud (MSA-MPS) le 8 juillet 1996 en contrat à durée indéterminée et occupait, en dernier lieu, le poste d’administrateur réseau et système informatique, ce qui correspondait à un statut de cadre. Il était investi, depuis le mois de janvier 2011, du mandat de délégué syndical de site, depuis le mois de février 2011, du mandat de membre élu du CHSCT du site 31, depuis le mois de janvier 2012, du mandat de membre élu délégué du personnel du site 31 et du comité d’entreprise de la MSA-MPS et, d’avril 2012 à février 2013, a assuré la fonction de secrétaire du comité d’entreprise. Son employeur, lui reprochant des faits de détournement et de diffusion de courriels confidentiels, a, le 11 septembre 2013, pris à son encontre une mesure de mise à pied conservatoire, puis a engagé une procédure de licenciement, en le convoquant à un entretien préalable le 19 septembre 2013 puis en présentant une demande de licenciement le 23 septembre suivant. Par une décision en date du 24 octobre 2013, l’inspecteur du travail de l’unité territoriale du Gers de la Direccte Midi-Pyrénées a refusé d’accorder l’autorisation sollicitée. Saisi d’un recours hiérarchique formé le 18 décembre 2013 par la MSA-MPS, le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social a, par décision du 23 avril 2014, annulé la décision de l’inspecteur du travail et autorisé le licenciement de M. L==. Ce dernier fait appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 11 octobre 2016 qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du ministre du travail.

Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision du ministre du travail du 23 avril 2014 :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. En premier lieu, aux termes de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, applicable à la date de la décision contestée et désormais codifié à l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 7° Refusent une autorisation (…) ». Aux termes de l’article 3 de cette même loi, aujourd’hui codifié à l’article L. 211-5 du même code : « La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ».

3. M. L== fait valoir que le ministre du travail a annulé la décision de l’inspecteur du travail « par une formule lapidaire », entachant ainsi sa décision d’une insuffisance de motivation. Cependant, si, par l’article 1er du dispositif de sa décision, le ministre se borne effectivement à énoncer que « La décision de l’inspecteur du travail est annulée », par les motifs de la même décision, qui sont le soutien nécessaire de son dispositif, il expose de façon détaillée et précise les raisons qui l’ont conduit à annuler la décision de l’inspecteur. Par ailleurs, en ayant exposé, dans les motifs de la décision en litige « qu’il n’existe pas de lien entre la demande d’autorisation de licenciement et les mandats détenus par M. L== », le ministre du travail, qui a ainsi procédé à un examen de la demande de l’employeur au regard des mandats détenus par le salarié, a suffisamment motivé la réponse qu’il a apportée à la suite de cet examen. Dans ces conditions, le moyen tiré d’insuffisance de motivation de la décision contestée doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l’article 47 de la convention collective des salariés de la MSA : « En cas de faute du salarié dans l’exercice de ses fonctions, la direction peut sous réserve du respect de la procédure prévue par les dispositions législatives et règlementaires, prononcer l’une des sanctions suivantes : - avertissement ; - blâme ; - mise à pied avec suppression de salaire, pour une durée maximale de 5 jours de travail. (…) .Avant la notification écrite de l’avertissement, du blâme ou de la mise à pied, le salarié en cause doit être convoqué à un entretien au cours duquel il pourra se faire assister par une personne de son choix appartenant obligatoirement au personnel de l’organisme. ». Aux termes de l’article 18 du règlement intérieur relatif à la procédure disciplinaire et aux droits de la défense : « 18-2 : lorsque les faits reprochés au salarié le justifient, la direction peut en outre procéder à une mise à pied conservatoire pendant le temps nécessaire à l’accomplissement de la procédure. (…) 18-4. En référence aux dispositions de l’article 47 1) de la convention collective de travail du personnel de la mutualité sociale agricole conclue le 22 décembre 1999, avant la notification écrite de l’avertissement, du blâme ou de la mise à pied, le salarié en cause doit être convoqué à un entretien au cours duquel il pourra se faire assister par une personne de son choix appartenant obligatoirement au personnel de l’entreprise. ».

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions, comme l’ont à bon droit relevé les premiers juges, d’abord, que la mise à pied a un caractère disciplinaire uniquement lorsqu’elle est accompagnée d’une suspension du traitement, ensuite, que la mise à pied conservatoire n’a pas à être précédée d’un entretien et enfin, que cette dernière mesure n’est pas une étape de la procédure disciplinaire.

6. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 11 septembre 2013, la direction de la MSA a notifié à M. L== sa mise à pied immédiate à titre conservatoire. Il n’est pas établi, ni même allégué, que cette mise à pied aurait été accompagnée d’une suppression de salaire. Dès lors, c’est à juste titre que le tribunal administratif a considéré que cette mesure présentait le caractère d’une mesure conservatoire et non pas d’une sanction disciplinaire et n’avait donc, en tout état de cause, pas à être précédée d’un entretien au cours duquel le salarié pouvait être assisté par une personne de son choix. Par suite également, le moyen tiré de ce que la procédure de licenciement serait entachée d’irrégularité du fait de l’irrégularité de la procédure de mise à pied est inopérant, dès lors que la procédure de mise à pied ne fait pas partie de la procédure disciplinaire.

En ce qui concerne la légalité interne :

7. En premier lieu, aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail : « Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. ». Ce délai commence à courir lorsque l’employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié protégé. (CE, 8 décembre 2014, société d’exploitation de la résidence Antinea n° 366630).

8. Il ressort des pièces du dossier que la direction de la MSA a été informée le 2 août 2013 des agissements de M. L== par M. Sudan C== délégué syndical central CFDT. Elle a saisi le président du tribunal de grande instance de Toulouse le 2 septembre 2013 aux fins d’obtenir l’autorisation de procéder à des investigations techniques sur les ordinateurs professionnel et personnel de M. L== destinées à vérifier le bien fondé de cette information. Elle a obtenu cette autorisation par une ordonnance du 3 septembre 2013 mandatant un huissier de justice en vue de copier les données des disques durs des ordinateurs professionnel et personnel de M. L==. Le 4 septembre 2013, elle a reçu une attestation sur l’honneur décrivant les faits reprochés au requérant. Le 11 septembre 2013, M. L== a eu notification de l’ordonnance du juge judiciaire. Le même jour, il a été procédé aux investigations techniques des ordinateurs. Ainsi, comme l’ont justement relevé les premiers juges, l’employeur n’a eu une connaissance exacte de l’ampleur des faits reprochés à M. L== que le 11 septembre 2013 au plus tôt. Les faits reprochés à ce dernier n’étaient donc susceptibles d’être prescrits que le 11 novembre 2013.

9. La MSA ayant engagé la procédure disciplinaire litigieuse à l’encontre de M. L== le 11 septembre 2013 par l’envoi d’une convocation à un entretien préalable, le délai de prescription de deux mois n’était pas arrivé à échéance et ne l’aurait pas été quand bien même ce délai serait décompté à partir du 2 août. Dans ces conditions, le requérant n’est pas fondé à soutenir que les faits fondant la demande de licenciement contestée auraient été prescrits à la date d’engagement de la procédure disciplinaire.

10. En second lieu, en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

11. Pour solliciter l’autorisation de licencier l’intéressé, la MSA-MPS a invoqué des « faits de détournements et diffusion commis par M. L== d’un nombre importants de courriels et informations se trouvant dans la messagerie électronique professionnelle du DRH, de ses collaborateurs et autres cadres et portant sur divers sujets concernant pour l’essentiel la gestion de carrière d’autres salariés de l’entreprise, des questions syndicales et des échanges avec la Direccte sur divers sujets (évaluation des risques professionnels, l’égalité hommes-femmes etc) ainsi que des projets relevant de la politique et de la stratégie de l’entreprise ». L’employeur a fait valoir que ces faits portaient sur des éléments confidentiels et constituaient ainsi un manquement grave du salarié à ses obligations de discrétion et de loyauté, obligations renforcées du fait du statut de cadre de M. L==.

12. Il ressort en effet des pièces du dossier que M. L==, cadre au sein de la MSA-MPS, y occupait les fonctions d’administrateur de réseaux et systèmes informatiques, spécialement chargé de la sécurité des réseaux et possédait donc des compétences techniques informatiques. Du 27 avril 2012 au 21 décembre 2012, il s’est introduit sans autorisation dans les messageries électroniques du directeur des ressources humaines et de ses collaborateurs ainsi que dans celles de cadres de la MSA. Détournant 24 courriels, il a transféré à un représentant syndical salarié de la MSA, des informations confidentielles portant notamment sur les sujets mentionnés par l’employeur dans sa demande de licenciement. Ces faits, qui ont été établis par un huissier assisté d’un expert en informatique désignés par l’ordonnance du 3 septembre 2013 évoquée au point 8 du présent arrêt, ont en outre été reconnus par M. L==. Par suite, la matérialité desdits faits comme leur imputabilité au requérant sont établies.

13. Pour soutenir que les faits qu’il reconnaît avoir commis ne constituent pas une faute d’une gravité suffisante à justifier son licenciement, M. L== fait valoir qu’il a en réalité agi sous la contrainte, exclusivement sur ordre du délégué central CFDT, syndicat auprès duquel il était également affilié, qu’il était novice dans l’engagement syndical, qu’il n’a transmis les courriels détournés qu’à ce seul délégué et ne les a absolument pas exploités lui-même ni à des fins personnelles ou syndicales, et que la messagerie du DRH n’était de toutes façons pas sécurisée, si bien que tout salarié de l’entreprise pouvait y avoir accès. Cependant, d’une part, le représentant syndical incriminé était un agent de service du département communication, fonction subalterne de celle exercée par M. L==, lequel occupait des fonctions d’encadrement en tant qu’administrateur réseau et système informatique et qui, contrairement à ce qu’il prétend, n’était pas un représentant syndical inexpérimenté puisqu’il était syndiqué depuis quatre ans et exerçait déjà son mandat syndical de site depuis quinze mois. D’autre part, à supposer que la boîte de messagerie électronique du DRH n’aurait pas été sécurisée par un mot de passe, il appartenait à M. L==, eu égard à ses fonctions, d’en informer le titulaire afin qu’il procède à la sécurisation de sa messagerie, et non d’en tirer parti pour la consulter et en détourner le contenu. Enfin, la circonstance que de graves dissensions seraient ensuite apparues entre le délégué central CFDT précité et lui-même, dont aurait profité la direction et qui auraient conduit ce délégué à le « dénoncer », sont sans incidence aucune sur la qualification des faits, lesquels, compte tenu des fonctions et de la qualité de cadre de M. L== révèlent un défaut de loyauté contraire à ses obligations. Dans ces conditions, c’est à bon droit que le tribunal administratif a considéré qu’en ayant estimé que les faits reprochés constituaient une faute d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. L==, le ministre du travail n’avait pas commis d’erreur d’appréciation.

14. M. L== invoque toutefois l’existence d’un lien avec ses mandats, en faisant valoir qu’il a été victime de discrimination syndicale de la part de son employeur.

15. Il fait tout d’abord valoir que, dans sa demande d’autorisation, la MSA-MPS a sciemment omis de mentionner ses fonctions de secrétaire du comité d’entreprise, ce qui a pu être de nature à fausser l’appréciation du ministre. Toutefois, alors qu’aucune disposition législative ou règlementaire n’impose à l’administration de préciser, dans sa décision, la fonction exercée au titre du mandat de représentant au comité syndical et que la qualité de secrétaire du CE ne correspond pas à un mandat distinct de celui de membre dudit comité, le recours hiérarchique adressé par le directeur général de la MSA au ministre du travail le 18 décembre 2013 mentionne en tout état de cause la qualité de secrétaire du comité d’entreprise de M. L== et la décision litigieuse mentionne bien l’ensemble des mandats détenus par celui-ci, lequel était délégué syndical, membre du comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail, membre du comité d’entreprise et délégué du personnel.

16. M. L== invoque ensuite la double circonstance que la direction l’aurait nommément rendu responsable du report d’une réunion du comité d’entreprise consulté pour une réorganisation du site, le mettant publiquement en cause à cette occasion dans ses fonctions de représentant syndical, et qu’une alliance opportune en sa défaveur entre la direction et une autre partie des membres de cette instance, notamment le délégué central qui aurait été le « donneur d’ordre » des détournements reprochés, serait intervenue lors d’une autre séance. Toutefois, ces circonstances ne suffisent pas, par elles-mêmes, à établir que la décision contestée aurait un lien avec l’exercice de ses mandats.

17. Enfin, le requérant soutient avoir été victime d’une rupture d’égalité de traitement, dès lors que le délégué syndical central, « donneur d’ordres » et receleur des informations détournées n’a pas fait l’objet des mêmes mesures d’investigation et n’a pas été l’objet d’une procédure de licenciement. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le niveau d’implication de l’intéressé était différent de celui de M. L== sans lequel ces détournements n’auraient pu avoir lieu et qu’en vertu du principe de l’individualisation des sanctions, il a fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire.

18. Ainsi, en l’absence de lien établi entre la demande d’autorisation de licenciement et les mandats détenus par M. L==, le ministre du travail a légalement pu autoriser son licenciement.

19. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les fins de non-recevoir opposée à la requête par la MSA-MPS, que M. L== n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les conclusions au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Ces dispositions font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. L== sur ce fondement. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de ce dernier une somme de 1 500 euros que demande la MSA-MPS sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. L== est rejetée.

Article 2 : M. L== versera à la caisse de Mutualité Sociale Agricole de Midi-Pyrénées Sud une somme de 1 500 euros (mille cinq cent euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.