Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A== A== S== a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler l’arrêté du 18 mai 2017 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1702955 du 12 octobre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2017, M. S== demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 octobre 2017 ;

2°) d’annuler l’arrêté contesté ;

3°) d’enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour « salarié » dans le délai d’un mois suivant la notification de l’arrêt à intervenir, ou subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois et de le munir dans le délai de huit jours d’une autorisation provisoire l’autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Considérant ce qui suit :

1. M. S==, de nationalité sénégalaise, est entré en France le 6 septembre 2013 sous couvert d’un visa valant titre de séjour « étudiant ». Le 20 mai 2016, il a sollicité son changement de statut et la délivrance d’un titre de séjour en qualité de salarié, en se prévalant d’un contrat de travail à durée indéterminée pour un poste de plongeur conclu avec la société Kaia, laquelle a présenté à cette fin une demande d’autorisation de travail auprès de la DIRECCTE. Cette autorisation ayant été refusée par une décision du préfet de la Gironde du 14 décembre 2016, confirmée le 28 mars 2017, M. S== a demandé sa régularisation exceptionnelle sur le fondement de l’article L. 313-14 du code, mais a vu cette demande également rejetée par un arrêté du préfet en date du 18 mai 2017. Il relève appel du jugement du 12 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d’annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. S== avait soulevé devant le tribunal un moyen tiré de l’erreur de droit commise par le préfet dans la mesure où celui-ci s’est abstenu d’examiner les éléments de sa situation personnelle tels que sa qualification, son expérience ou ses diplômes, susceptibles de caractériser des motifs d’admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié, sur le fondement de l’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ainsi qu’il le fait valoir, le tribunal n’a pas statué sur ce moyen, lequel n’était pas inopérant. En raison de cette omission à statuer, le jugement attaqué est irrégulier en tant qu’il statue sur les conclusions de M. S== dirigées contre le refus de titre de séjour et doit être annulé dans cette mesure.

3. Il y a lieu de statuer par la voie de l’évocation sur la légalité de l’arrêté préfectoral du 18 mai 2017 en tant que celui-ci refuse au requérant la délivrance d’un titre de séjour, et de statuer par l’effet dévolutif de l’appel pour le surplus.

Sur la légalité de l’arrêté du 18 mai 2017 :

En ce qui concerne la légalité externe du refus de séjour :

4. Aux termes de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (…) - restreignent l’exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (…) -refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir ». Et aux termes de l’article L. 211-5 du même code : « La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ».

5. L’arrêté contesté, qui vise les textes applicables, indique notamment que le contrat de travail pour un emploi de plongeur présenté par l’employeur de M. S== n’a pas obtenu le visa de l’autorité administrative compétente exigé pour la délivrance d’un titre de séjour « salarié », et que, par ailleurs, rien dans la situation personnelle de ce dernier ne justifie que lui soit délivré un titre de séjour à titre exceptionnel en application de l’article L. 313-14 du même code, tant au titre de la vie privée et familiale qu’en qualité de salarié. Dans ces conditions, l’arrêté du 18 mai 2017, qui comporte l’exposé des motifs de fait et de droit qui fondent le refus de titre de séjour contesté, est suffisamment motivé au regard des exigences du code des relations entre le public et l’administration.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision de refus de séjour :

6. Le requérant excipe, en premier lieu, pour contester le refus que lui a opposé le préfet sur le fondement de l’article L. 313-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, de l’illégalité du rejet de la demande d’autorisation de travail qui avait été présentée par son employeur sur le fondement de l’article R. 5221-11 du code du travail. Cependant, l’illégalité d’un acte administratif, qu’il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l’appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s’il en constitue la base légale. En l’occurrence, le refus de séjour contesté n’a pas été pris pour l’application du refus d’autorisation de travail opposé le 14 décembre 2016 à l’employeur de M. S== par le préfet, confirmé le 28 mars 2017 sur recours gracieux de l’intéressé, et n’en constitue pas la base légale. Par suite, l’exception tirée de l’illégalité de ce refus d’autorisation de travail ne peut être accueillie.

7. En second lieu, les stipulations du paragraphe 42 de l’accord susvisé du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires, dans sa rédaction issue de l’avenant signé le 25 février 2008 renvoyant à la législation française en matière d’admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière, rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Dès lors, le préfet, saisi d’une demande d’admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit à faire application des dispositions de l’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, aux termes duquel : « La carte de séjour temporaire mentionnée à l’article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l’article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, à l’étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l’admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu’il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l’article L. 313-2 (…) ».

8. D’une part, il résulte des termes mêmes de l’arrêté litigieux que le préfet de la Gironde, contrairement à ce que soutient M. S==, a bien pris en considération tant son expérience que ses qualification, au regard des caractéristiques du métier de plongeur et de l’extension de ses missions à des tâches consistant à préparer des produits et à participer au service. Le préfet, qui a également tenu compte de la durée du séjour en France du requérant et de sa situation familiale et personnelle, n’a ainsi pas entaché son arrêté d’une erreur de droit.

9. D’autre part, il ressort des pièces du dossier que M. S== est entré en France en qualité d’étudiant le 6 septembre 2013, à l’âge de vingt-six ans. Il est célibataire et sans charge de famille, ses parents vivant au Sénégal, et il ne justifie pas d’une intégration particulièrement aboutie en France. Par suite, et alors même que l’intéressé a accompli une partie de ses études sur le territoire national puis y a travaillé, le préfet n’a pas procédé à une appréciation manifestement erronée de sa situation en estimant qu’il ne justifiait pas de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant la délivrance d’une carte de séjour portant la mention «vie privée et familiale » ou de motifs exceptionnels justifiant la délivrance d’une carte de séjour en qualité de salarié.

En ce qui concerne la légalité interne de la mesure d’éloignement :

10. Compte tenu de ce qui précède, l’exception d’illégalité du refus de séjour doit être écartée.

11. Enfin, compte tenu de ce qui a été exposé au point 8, le préfet de la Gironde, en décidant l’éloignement de M. S== vers son pays d’origine, n’a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise, et le moyen tiré d’une méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. S== n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte :

13. Dès lors que le présent arrêt rejette les conclusions à fin d’annulation de la requête, les conclusions à fin d’injonction, sous astreinte, qu’elle contient ne peuvent qu’être également rejetées.

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

14. L’Etat n’étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. S== tendant à ce qu’une somme soit mise à la charge de l’Etat en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 octobre 2017 est annulé en tant qu’il statue sur les conclusions de la demande de M. S== dirigées contre la décision lui refusant un titre de séjour.

Article 2 : Ces mêmes conclusions sont rejetées ainsi que, pour le surplus, les conclusions présentées en appel par M. S==.