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Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. Pawel C== a demandé au tribunal administratif de Pau d’annuler l’arrêté du 24 mai 2017 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français pendant une durée d’un an.

Par un jugement n°1701062 du 8 juin 2017 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français pendant une durée d’un an et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 20 août 2017 sous le n° 17BX02844, M. C==, représenté par Me Massou dit Labaquère, demande à la cour :



1°) de réformer le jugement du magistrat du tribunal administratif de Pau du 8 juin 2017 en tant qu’il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi ;



2°) d’annuler les décisions du préfet des Pyrénées Atlantiques du 24 mai 2017 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi ;



3°) de mettre à la charge de l’Etat, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros.

Considérant ce qui suit :

1. M. C==, ressortissant polonais, né le 25 octobre 1981, est entré en France en 2011 selon ses déclarations. Le 6 octobre 2015, le tribunal correctionnel de Bayonne a condamné M. C== à une peine de 5 mois d’emprisonnement. Par un arrêté du 24 mai 2017, le préfet des Hautes-Pyrénées lui a fait obligation de quitter le territoire français, sans assortir cette mesure d’un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée d’un an. Par un arrêté du 7 juin 2017, le préfet a ordonné son assignation à résidence. M. C== relève appel du jugement du 8 juin 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau n’a fait que partiellement droit à sa demande d’annulation de l’arrêté du 24 mai 2017 en prononçant l’annulation de la seule décision portant interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée d’un an et en rejetant le surplus des conclusions de sa demande. Le préfet, par la voie de l’appel incident, demande la réformation du jugement en tant qu’il a annulé l’interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée d’un an.

Sur l’appel principal :

2. En premier lieu, et d’une part, par un arrêté du 3 octobre 2016 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, Mme Marie Aubert, secrétaire générale de la préfecture des Pyrénées-Atlantiques, a reçu délégation du préfet pour signer en son nom tous arrêtés, décisions, déférés, contrats, circulaires, rapports, documents et correspondances relevant des attributions de l’Etat dans le département, à l’exception de certains actes parmi lesquels ne figurent pas les décisions faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination en cas d’exécution d’office de la mesure d’éloignement. D’autre part, la circonstance que l’ampliation de cet arrêté serait revêtue de la signature d’un agent non habilité est, en tout état de cause, sans incidence sur sa légalité. Dès lors, le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte contesté doit être écarté.

3. En deuxième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment son article 8 ainsi que les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels elle se fonde. Le préfet précise que M. C== a fait l’objet d’une condamnation à une peine de cinq mois d’emprisonnement dont deux mois avec sursis simple par le tribunal correctionnel de Bayonne en date du 6 octobre 2015 pour des faits de violence aggravée, que l’intéressé est également connu des services de police pour des faits de vols en réunion avec récidive, vol à l’étalage, vols simples avec récidive et violence sur une personne chargée de mission de service public commis de juillet 2014 à juillet 2016, que son comportement constitue du point de vue de l’ordre public ou de la sécurité publique une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l’encontre d’un intérêt fondamental de la société française, qu’il ne justifie pas de ressources régulières propres issues d’une activité professionnelle stable, qu’il ne se prévaut pas d’une intégration sociale et culturelle en France et qu’il n’établit pas être dépourvu d’attaches familiales dans son pays d’origine. Le préfet ajoute que la décision contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l’intéressé au respect de sa vie privée ou familiale. Dans ces conditions, le préfet, qui n’était pas tenu de préciser de manière exhaustive l’ensemble des éléments de fait caractérisant la situation personnelle du requérant, a suffisamment motivé sa décision.

4. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 121-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Tout citoyen de l’Union européenne (…) ou les membres de sa famille qui ne peuvent justifier d’un droit au séjour en application de l’article L. 121-1 (…) ou dont la présence constitue une menace à l’ordre public peut faire l’objet, selon le cas, d’une décision de refus de séjour, d’un refus de délivrance ou de renouvellement d’une carte de séjour ou d’un retrait de celle-ci ainsi que d’une mesure d’éloignement prévue au livre V. » Aux termes de l’article L. 511-3-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : «L’autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne, d’un autre Etat partie à l’accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu’elle constate : / (...) 3° ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l’ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l’encontre d’un intérêt fondamental de la société. / L’autorité administrative compétente tient compte de l’ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l’intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l’intensité de ses liens avec son pays d’origine. / L’étranger dispose, pour satisfaire à l’obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d’un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à trente jours à compter de sa notification. A titre exceptionnel, l’autorité administrative peut accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / L’obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel il est renvoyé en cas d’exécution d’office. / Les articles L. 512-1 à L. 512-4 sont applicables aux mesures prises en application du présent article.»

5. Il appartient à l’autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d’une infraction à la loi, d’examiner, d’après l’ensemble des circonstances de l’affaire, si la présence de l’intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.

6. M. C== se prévaut du fait qu’il a exercé plusieurs emplois en tant qu’intérimaire entre le 26 septembre et le 27 octobre 2016, qu’il a signé un contrat de travail saisonnier le 21 avril 2017 avec la société Patrick Service, qu’il vit en concubinage avec une ressortissante espagnole depuis deux ans, que celle-ci est titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d’agent d’entretien à temps partiel depuis le 15 mai 2017 et que le couple, qui vit actuellement dans un foyer à Biarritz, envisage de s’installer prochainement dans un appartement. L’appelant fait également valoir que sa dernière condamnation remonte à l’année 2015. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. C==, qui a été condamné par le tribunal correctionnel de Bayonne le 6 octobre 2015 à une peine de cinq mois d’emprisonnement dont deux mois avec sursis simple pour des faits de violence aggravée suivie d’incapacité n’excédant pas huit jours et pour vol aggravé, est connu des services de police pour des faits de vols en réunion avec récidive, de vol à l’étalage, de vols simples avec récidive et de violence sur une personne chargée de mission de service public, faits délictueux commis entre juillet 2014 et juillet 2016. Dès lors, compte tenu de la réitération des faits délictueux, et alors même qu’ils n’ont pas tous fait l’objet de procédures pénales, le préfet a pu légalement, sans erreur d’appréciation, estimer que le comportement personnel de l’intéressé constituait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l’encontre de la sécurité publique, qui constitue un intérêt fondamental de la société au sens des dispositions précitées, et prononcer une obligation de quitter le territoire français à l’encontre de M. C== .

7. En quatrième lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».

8. M. C== soutient que ses intérêts privés et familiaux sont en France. Toutefois, il ne justifie pas qu’il vivait avec sa compagne, de nationalité espagnole, depuis deux ans à la date de l’arrêté contesté. Par ailleurs, et alors même qu’il a travaillé brièvement comme intérimaire, M. C== ne justifie pas d’une réelle intégration professionnelle ou sociale sur le territoire français. De plus, l’appelant n’établit pas qu’il serait dépourvu de tout lien dans son pays d’origine, où il a vécu jusqu’à l’âge de 30 ans. Dans ces conditions, l’obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français n’a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, elle n’a pas méconnu l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

9. En cinquième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire n’étant pas entachée d’illégalité, le moyen tiré de ce que les décisions refusant d’accorder un délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi seraient dépourvues de base légale doit être écarté.

Sur l’appel incident :

10. Aux termes de l’article L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français prononcée en application des 2° et 3° de l'article L. 511-3-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans (…) Les quatre derniers alinéas de l'article L. 511-3-1 sont applicables. »

11. La décision litigieuse vise l’article L. 511-3-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, indique que M. C== représente une menace réelle actuelle et suffisamment grave pour la sécurité publique et que compte tenu de ses conditions de séjour en France au regard de sa vie professionnelle et familiale, l’interdiction de circulation sur le territoire français ne méconnaît pas l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. L’interdiction de circulation se réfère expressément aux motifs précédemment opposés pour justifier l’obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la décision d’interdiction de circulation sur le territoire français pendant une durée d’un an ne pouvait être accueilli, et le préfet des Pyrénées-Atlantiques est fondé à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a retenu ce motif pour annuler cette décision.

12. Il appartient à la cour, en vertu de l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens invoqués par M. C== à l’appui de sa demande d’annulation de la décision d’interdiction de circulation sur le territoire français.

13. En premier lieu, et contrairement à ce que soutient M. C==, la motivation de cette décision révèle que le préfet des Pyrénées-Atlantiques a procédé à un examen circonstancié de sa situation personnelle et familiale.

14. En second lieu, pour assortir l’obligation de quitter le territoire prise à l’égard de M. C== d’une décision d’interdiction de circuler sur le territoire français pendant une durée d’un an, le préfet s’est fondé sur les faits délictueux reprochés à l’intéressé. Il ressort des pièces du dossier que ces faits sont établis et reconnus par le requérant, la circonstance qu’ils n’aient pas donné lieu à condamnations pénales ne faisant pas obstacle à ce que le danger qu’ils révèlent pour l’ordre et la sécurité publics soit retenu. Dans ces conditions, eu égard à la réitération des faits reprochés à M. C==, le préfet des Pyrénées-Atlantiques, en prenant une décision d’interdiction de circulation sur le territoire français, n’a pas méconnu les dispositions précitées. Il n’a pas davantage commis d’erreur d’appréciation au regard de ces mêmes dispositions.

15. Il résulte de tout ce qui précède que, d’une part, le préfet des Pyrénées-Atlantiques est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé son arrêté du 24 mai 2017 portant interdiction de circulation sur le territoire français pendant une durée d’un an, et d’autre part, M. C== n’est pas fondé à demander la réformation du même jugement en tant qu’il a rejeté ses conclusions tendant à l’annulation de l’obligation de quitter le territoire français, de la décision de refus d’octroi d’un délai de départ volontaire et de la décision fixant le pays de renvoi.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. L’Etat n’étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. C== ne peuvent qu’être rejetées.

DECIDE :





Article 1er : Le jugement n° 1701062 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau est annulé en tant qu’il a annulé la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français pendant une durée d’un an.

Article 2 : La demande présentée par M. C== devant le tribunal administratif de Pau tendant à l’annulation de la décision du préfet des Pyrénées-Atlantiques portant interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée d’un an et les conclusions de sa requête d’appel sont rejetées.

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