Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. M== M== a demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler la décision n° 2064 du 23 octobre 2013 par laquelle le ministre de la défense a résilié son contrat d’engagement en qualité d’engagé volontaire de l’armée de terre par mesure disciplinaire pour désertion.

Par un jugement n° 1400406 du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mai 2017, M. M==, représenté par Me Dominique Laplagne, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 4 avril 2017 ;

2°) d’annuler, pour excès de pouvoir, cette décision n° 2064 du 23 octobre 2013 du ministre de la défense portant résiliation de son contrat d’engagement ;

3°) d’enjoindre au ministre de la défense de le réintégrer dans ses droits, de le placer dans la position statutaire à laquelle il a droit et de lui verser rétroactivement sa solde à compter du 3 octobre 2013 ;

4°) de mettre à la charge de l’État une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 321-2 du code de justice militaire : « Est considéré comme déserteur à l'intérieur en temps de paix : 1° Six jours après celui de l’absence constatée, tout militaire qui s'absente sans autorisation de son corps ou détachement, de sa base ou formation (…) ». Aux termes de l’article L. 4137-1 du code de la défense, dans sa rédaction applicable au présent litige : « Sans préjudice des sanctions pénales qu'ils peuvent entraîner, les fautes ou manquements commis par les militaires les exposent : / 1° À des sanctions disciplinaires prévues à l'article L. 4137-2 ; (…) Le militaire à l'encontre duquel une procédure de sanction est engagée a droit à la communication de son dossier individuel, à l'information par son administration de ce droit, à la préparation et à la présentation de sa défense. ». Aux termes de l’article L. 4137-2 du même code : « Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : (…) 3° Les sanctions du troisième groupe sont : (…) b) La radiation des cadres ou la résiliation du contrat. ».

2. M. M== M== a souscrit un contrat d’engagement de cinq ans pour servir en qualité d’engagé volontaire de l’armée de terre à compter du 12 mai 2009. Du 1er au 7 octobre 2012, il a été placé en congé maladie ordinaire, puis, sans interruption, du 5 février au 16 août 2013 pour un syndrome anxio-dépressif. Après avoir été convoqué à plusieurs reprises à une visite médicale à laquelle il ne s’est pas rendu, par courriers réceptionnés le 19 août 2013, il a été informé qu’il avait atteint le plafond du nombre de jours de congés de maladie ordinaire et, placé en absence irrégulière le 31 juillet 2013 et en situation de désertion à compter du 8 août 2013, l’ordre lui a été intimé de rejoindre son unité sous peine de résiliation de son contrat d’engagement. Le 26 août 2013, M. M== s’est finalement présenté à son régiment et a été reçu en consultation par le médecin militaire qui l’a déclaré « apte à la reprise, sport à son rythme, inapte terrain 1 mois ». Il ne s’est toutefois pas présenté à son poste le lendemain et a été considéré en absence irrégulière à compter du 28 août et après qu’un délai de grâce lui a été accordé de six jours jusqu’au 2 septembre 2013, il a été déclaré déserteur pour la deuxième fois le 3 septembre 2013. Par lettre du 9 septembre suivant il a été mis en demeure de se présenter au régiment de soutien du combattant au plus tard le 30 septembre 2013. N’ayant pas rejoint son unité à la date fixée, par décision n° 2064 du 23 octobre 2013 le ministre de la défense a résilié son contrat d’engagement par mesure disciplinaire pour désertion et M. M== a été radié des cadres le 5 novembre 2013. Il relève appel du jugement n° 1400406 du 4 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision du 23 octobre 2013.

3. En premier lieu, aux termes de l’article R. 4137-92 du code de la défense : « En cas d'absence illégale ou de désertion du militaire au cours de la procédure, celle-ci se poursuit en l'absence de l'intéressé. Mention est faite de l'absence illégale ou de l'état de désertion du militaire dans chaque document établi au cours de la procédure. / En cas d'absence illégale ou de désertion avant la procédure, une sanction disciplinaire du troisième groupe peut être prononcée sans que soit demandé l'avis d'un conseil d'enquête. Dans ce cas, la décision prononçant la sanction disciplinaire doit être précédée de l'envoi à la dernière adresse connue du militaire d'une mise en demeure, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'enjoignant de rejoindre sa formation administrative et lui indiquant les conséquences disciplinaires de son abandon de poste. ».

4. M. M== soutient que la décision attaquée a été prise en méconnaissance des stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du principe général des droits de la défense, dès lors qu’il n’a pas reçu la convocation du 17 juillet 2013 devant le médecin chef des armées et n’a pas été en mesure de présenter ses arguments en défense dans le cadre de la procédure disciplinaire dont il n’aurait pas été informé. Toutefois, d’une part, il ressort des pièces du dossier que, conformément aux dispositions précitées de l’article R. 4137-92 du code de la défense, une mise en demeure datée du 9 septembre 2013 a été adressée par lettre recommandée à M. M==, qui en a accusé réception le 16 septembre suivant, lui intimant l’ordre de se présenter au régiment de soutien du combattant auprès de son unité au plus tard le 30 septembre 2013 afin de régulariser sa situation et lui indiquant clairement les conséquences statutaires de son abandon de poste, en particulier, la résiliation de son contrat d’engagement par mesure disciplinaire pour désertion sans pouvoir bénéficier de la procédure disciplinaire. M. M== n’ayant pas déféré à cet ordre alors qu’un médecin militaire l’avait déclaré apte à la reprise le 26 août 2013 après plus de 180 jours de congés de maladie, il a été regardé en situation d’absence illégale et s’est placé, par son fait, en dehors des garanties disciplinaires qu’il invoque. D’autre part, la circonstance qu’il n’ait pas été destinataire d’une lettre du 17 juillet 2013 l’invitant à se présenter à une visite médicale du médecin chef du régiment fixée au 1er août 2013 afin de déterminer son aptitude et n’a dès lors pu honorer ce rendez-vous, est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision du 23 octobre 2013 contestée portant résiliation de son contrat d’engagement au motif qu’il n’a pas rejoint son unité dans le délai fixé par la mise en demeure précitée après avoir été déclaré apte au service par un médecin militaire qui a pu l’examiner le 26 août 2013. Enfin, la procédure dont l’appelant a fait l’objet n’entre pas dans le champ d’application de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation des droits de la défense ne peut qu’être écarté.

5. En deuxième lieu et aux termes de l’article L. 713-12 du code de la sécurité sociale: « Les services de santé militaires restent seuls compétents pour toutes les décisions pouvant avoir des conséquences statutaires ou disciplinaires. ».

6. Il appartient à un militaire en situation d’absence de communiquer à son administration le ou les certificats médicaux le plaçant en arrêt de travail. Pour éviter d’être en situation de désertion le militaire doit procéder à cette communication avant la date limite fixée par la mise en demeure de reprendre son service que l’administration lui a adressée et à la condition qu’il n’ait pas été déclaré apte par la médecine militaire, seule compétente pour toutes les décisions aux conséquences statutaires ou disciplinaires, en vertu des dispositions précitées de l’article L. 713-12 du code de la sécurité sociale.

7. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu’il a été dit, que la décision du 23 octobre 2013 de résiliation du contrat d’engagement de M. M== a été précédée, conformément aux dispositions de l’article R. 138-92 du code de la défense, de l’envoi d’une mise en demeure à la dernière adresse connue du militaire, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, lui enjoignant de rejoindre son unité avant le 30 septembre 2013 et lui indiquant les conséquences disciplinaires de son abandon de poste. La circonstance que M. M== n’ait pas donné suite à plusieurs convocations au centre médical des armées, et notamment le 1er août 2013, est sans incidence sur la légalité de la décision contestée, prise au motif qu’il ne s’est pas présenté à son régiment à la date fixée dans cette mise en demeure et qui est sans lien avec son absence constatée à cette visite médicale. M. M== ne peut dès lors utilement invoquer la méconnaissance d’un délai de quinze jours entre la présentation de la lettre de convocation à cette visite et le rendez-vous devant le médecin chef du centre médical des armées prévue le 1er août 2013 qu’il n’a pu honorer.

8. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que M. M==, qui avait été convoqué à plusieurs reprises à des rendez-vous médicaux afin qu’il soit statué sur son aptitude et qui a été déclaré déserteur une première fois le 8 août 2013, s’est finalement présenté à son régiment le 26 août 2013 et a été reçu en consultation par un médecin militaire, qui l’a déclaré, à l’issue de son congé de maladie ordinaire de six mois, apte à reprendre le service. Il est constant qu’il n’a toutefois pas rejoint son unité et a été, pour la seconde fois, placé en situation irrégulière, le 28 août 2013, et en situation de désertion à compter du 3 septembre 2013. Si M. M== a adressé à sa hiérarchie, dans les délais prescrits, un arrêt de travail du 27 août 2013 de son médecin traitant couvrant la période du 27 août au 30 septembre 2013 et produit un certificat médical établi par ce dernier le 19 décembre 2013, soit postérieurement à la décision contestée, qui indique que « son état de santé ne lui permettait pas de reprendre son travail » et qu’il devait être prolongé jusqu’au 31 décembre 2013, il ne justifie toutefois d’aucun élément sérieux de nature à remettre en cause l’avis du médecin militaire établi après la visite médicale effectuée le 26 août 2013 et qui atteste qu’il était apte à une reprise. Il n’a, en outre, entamé aucune démarche pour le contester. Ainsi, et dans la mesure où les services de santé militaires restent seuls compétents pour toutes les décisions pouvant avoir des conséquences statutaires ou disciplinaires, le ministre est fondé à soutenir que l’arrêt de travail délivré par un médecin civil dans le cadre de congés de maladie ordinaire, que l’intéressé avait au demeurant épuisés, est sans incidence sur l’obligation à laquelle M. M== était tenu de reprendre son travail le lendemain du jour de la consultation du médecin militaire. En ne se présentant pas à son poste alors qu’un certificat médical établi par un médecin des armées l’avait déclaré apte, M. M== s’est placé en situation de désertion. Le moyen tiré d’un vice de procédure doit, dès lors, être écarté.

9. En troisième et dernier lieu, aux termes de l’article R. 4138-3 du code de la défense : « (…) Lorsque la durée des congés de maladie est, pendant une période de douze mois consécutifs, supérieure à six mois, le militaire qui ne peut pas reprendre ses fonctions est placé, selon l'affection présentée, en congé de longue durée pour maladie ou en congé de longue maladie dans les conditions prévues aux articles R. 4138-47 à R. 4138-58 ». Aux termes de cet article R. 4138-47 du même code : « Le congé de longue durée pour maladie est la situation du militaire, qui est placé, au terme de ses droits à congé de maladie, dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions pour l'une des affections suivantes :/ 1° Affections cancéreuses ;/ 2° Déficit immunitaire grave et acquis ;/ 3° Troubles mentaux et du comportement présentant une évolution prolongée et dont le retentissement professionnel ainsi que le traitement sont incompatibles avec le service. ». Et, en vertu des articles R. 4138-48 et R. 4138-58 du même code, l’autorité compétente se prononce au vu d'un certificat médical établi par un médecin ou un chirurgien des hôpitaux des armées.

10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de résiliation du contrat d’engagement de M. M== soit fondée sur le refus d’accorder à ce dernier un congé de longue durée ou un congé de longue maladie. Dès lors, le moyen tiré de l’exception d’illégalité d’un tel refus ne peut qu’être écarté.

11. Par ailleurs, si M. M== soutient qu’il aurait dû être placé en congé de longue durée pour maladie ou en congé de longue maladie et qu’un tel placement aurait fait obstacle à une situation d’absence irrégulière à partir du 28 août 2013 puis de désertion à compter du 3 septembre 2013, il n’apporte aucun élément de nature à établir que son état de santé relevait des dispositions précitées de l’article R. 4138-47 du code de la défense, et ne se prévaut d’aucun certificat médical établi par un médecin ou chirurgien militaire exigé par les dispositions de l’article R. 4138-48 du même code. Dans ces conditions, et dans la mesure où l’appelant, qui avait expiré ses droits à congé maladie ordinaire et était déclaré apte à la reprise de ses fonctions, ne justifie pas de son absence à compter du 30 septembre 2013, le ministre a pu légalement procéder à la résiliation de son contrat d’engagement.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. M== n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. M== est rejetée.