Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’association Le Clapotis a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d’une part, d’annuler la décision en date du 17 février 2014 par laquelle la préfète de la Charente-Maritime a délivré à l’Etat un certificat de permis tacite pour un permis de démolir tacite obtenu le 31 mai 2013 autorisant la démolition de deux habitations situées 104 avenue de l’Océan et 65 quai du 158ème RI sur les parcelles cadastrées section BM n°91 et 92 à Saint-Georges-d’Oléron et d’autre part, d’enjoindre à l'Etat de procéder à la reconstruction de ces ouvrages dans leur état d'origine dans un délai de 6 mois sous astreinte définitive de 3 000 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1400674 du 28 janvier 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 mars 2016 sous le n° 16BX00975, l’association Le Clapotis, représentée par Me Tardif, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 janvier 2016 ;

2°) d’annuler le permis de démolir obtenu tacitement le 31 mai 2013 ;

3°) d’enjoindre à l'Etat de procéder à la reconstruction de ces ouvrages dans leur état d'origine dans un délai de 6 mois sous astreinte définitive de 3 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. ……………………………………………………………………………………………………...

Considérant ce qui suit :

1. Le 31 janvier 2013, la préfète de la Charente-Maritime a présenté une demande de permis de démolir deux habitations situées 104 avenue de l’Océan sur une parcelle cadastrée section BM n°92, acquise par l’Etat dans le cadre d’une procédure amiable le 30 novembre 2010 sur le fondement des dispositions de l’article L. 561-3 du code de l’environnement, et 65 quai du 158ème RI sur une parcelle cadastrée section BM n°91, appartenant à l’Etat, au lieudit Boyardville à Saint-Georges-d’Oléron, dans le périmètre de la zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP) créée par arrêté du 11 décembre 2008. L'architecte des bâtiments de France, dont l’accord était requis en application des dispositions de l’article L. 642-6 du code du patrimoine, a été saisi de cette demande le 8 février 2013 et a émis le 20 février suivant un avis défavorable à la démolition au motif que les constructions concernées étaient identifiées en tant que bâti remarquable par le règlement et les documents graphiques de la ZPPAUP. La préfète de la Charente-Maritime a contesté cet avis auprès du préfet de la région Poitou-Charentes par recours en date du 25 février 2013. En l'absence de décision expresse de ce dernier dans le délai d’un mois prévu par les dispositions du b) du premier paragraphe de l’article R. 423-68 du code de l’urbanisme, ce recours a été réputé admis le 26 mars 2013. Par une décision en date du 17 février 2014, la préfète de la Charente-Maritime a délivré à l’Etat un certificat de permis tacite pour le permis de démolir ainsi obtenu le 31 mai 2013. L'association Le Clapotis relève appel du jugement du 28 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l’annulation des décisions des 17 février 2014 et 31 mai 2013.

2. Aux termes de l’article R. 451-2 du code de l’urbanisme : « Le dossier joint à la demande comprend : (…) b) Un plan de masse des constructions à démolir ou, s'il y a lieu, à conserver ; c) Un document photographique faisant apparaître (…) les bâtiments dont la démolition est envisagée (…) » La circonstance que le dossier de demande de permis de démolir ne comporterait pas l’ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l’urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n’est susceptible d’entacher d’illégalité le permis de démolir qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l’appréciation portée par l’autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

3. L’association requérante fait valoir que les documents joints à la demande de permis de démolir ne faisaient pas suffisamment apparaître l’insertion des constructions dont la démolition est envisagée dans les lieux environnants. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la demande de permis de démolir comportait cinq photographies faisant apparaître les bâtiments concernés et la rue dans laquelle ils sont situés ainsi qu’une vue aérienne de la zone accompagnée d’un plan de situation et d’un plan de masse, qui permettaient de voir que ces bâtiments étaient situés en zone relativement urbanisée, à proximité du chenal de La Perrotine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article R. 451-2 ne peut qu’être écarté.

4. Aux termes de l’article L. 642-5 du code du patrimoine : « Une instance consultative (…) est constituée par délibération de l'organe délibérant de l'autorité mentionnée au premier alinéa de l'article L. 642-1 lors de la mise à l'étude de la création ou de la révision d'une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine. Cette instance consultative a pour mission d'assurer le suivi de la conception et de la mise en œuvre des règles applicables à l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine. Dans le cadre de l'instruction des demandes d'autorisation de travaux, elle peut être consultée par l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation sur tout projet d'opération d'aménagement, de construction ou de démolition, notamment lorsque celui-ci nécessite une adaptation mineure des dispositions de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine. (…) » Aux termes de l’article L. 642-6 du même code : « Tous travaux (…) ayant pour objet ou pour effet de transformer ou de modifier l'aspect d'un immeuble, bâti ou non, compris dans le périmètre d'une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (…) sont soumis à une autorisation préalable délivrée par l'autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-8 du code de l'urbanisme. (…) L'autorité compétente transmet le dossier à l'architecte des Bâtiments de France. A compter de sa saisine, l'architecte des Bâtiments de France statue dans un délai d'un mois. En cas de silence à l'expiration de ce délai, l'architecte des Bâtiments de France est réputé avoir approuvé le permis ou la décision de non-opposition à déclaration préalable, qui vaut alors autorisation préalable au titre du présent article. Dans le cas contraire, l'architecte des Bâtiments de France transmet son avis défavorable motivé ou sa proposition de prescriptions motivées à l'autorité compétente. En cas de désaccord avec l'avis ou la proposition de l'architecte des Bâtiments de France, l'autorité compétente transmet le dossier accompagné de son projet de décision au préfet de région qui instruit le projet. A compter de sa saisine, ce dernier statue : (…) - dans un délai d'un mois s'il s'agit d'un permis et, après avoir entendu, le cas échéant, l'instance consultative prévue à l'article L. 642-5. En cas de silence à l'expiration des délais précités, le préfet de région est réputé avoir approuvé le projet de décision. (…) Le présent article est applicable aux zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager prévues par l'article L. 642-8 pour les demandes de permis (…) » Aux termes de l’article R. 425-2 du code de l’urbanisme : « Lorsque le projet est situé dans (…) une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, le permis (…) de démolir (…) tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 642-6 du code du patrimoine dès lors que cette décision a fait l'objet de l'accord, selon les cas prévus par cet article, de l'architecte des Bâtiments de France, du préfet de région ou du ministre chargé des monuments historiques et des espaces protégés. » Aux termes de l’article R. 423-68 de ce même code : « Le délai à l'issue duquel le préfet de région doit se prononcer sur un recours de l'autorité compétente contre l'avis émis par l'architecte des Bâtiments de France est, en l'absence d'évocation par le ministre chargé des monuments historiques et des espaces protégés : (…) b) D'un mois lorsque l'avis porte sur des travaux soumis à permis et situés dans (…) une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager ; (…) En l'absence de décision expresse du préfet de région à l'issue du délai mentionné aux alinéas précédents, le recours est réputé admis. Le recours doit être adressé au préfet de région par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans le délai de sept jours à compter de la réception par l'autorité compétente de l'avis émis par l'architecte des Bâtiments de France. Une copie du recours est également adressée à l'architecte des Bâtiments de France. Le préfet de région adresse notification du recours dont il est saisi au maire, lorsque celui-ci n'est pas l'auteur de la saisine, et au demandeur. Le préfet statue : a) Après avoir entendu, le cas échéant, l'instance consultative prévue par l'article L. 642-5 du code du patrimoine, lorsque le projet porte sur des travaux soumis à permis et est situé dans une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine ou une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (…). La décision expresse du préfet de région est notifiée à l'autorité compétente, ainsi qu'au maire et au demandeur. »

5. En premier lieu, et contrairement à ce que soutient l’association requérante, la consultation de l’instance consultative prévue par les dispositions des articles L. 642-5 et L. 642-6 du code du patrimoine ne revêt qu’un caractère facultatif. Par suite, la circonstance que le préfet de région n’ait pas saisi cette instance consultative est sans influence sur la régularité de la procédure suivie.

6. L’association Le Clapotis soutient également que la préfète de la Charente-Maritime n’a pas notifié à l’architecte des bâtiments de France le recours formé devant le préfet de région contre l’avis émis le 20 février 2013. De même, l’association requérante soutient que le préfet de région n’a pas notifié ce recours au maire de la commune. Toutefois, ces notifications n’ont pas été prévues à peine d’irrecevabilité et l’association requérante n’est dès lors pas fondée à soutenir que le préfet de région devrait être regardé comme n’ayant pas été saisi, ce qui ferait obstacle à la naissance d’une décision implicite autorisant le projet. Par ailleurs, et ainsi que l’ont relevé à juste titre les premiers juges, il ne ressort pas des pièces du dossier que dans les circonstances particulières de l’espèce, ces irrégularités aient été de nature à priver l’administration ou un tiers d’une quelconque garantie ou à exercer une influence sur le sens de la décision contestée.

7. Ainsi que l’a souligné le tribunal administratif, la seule circonstance qu’une décision implicite est née le 31 mai 2013 ne saurait signifier que le recours n’aurait pas été instruit par le préfet de région. Par ailleurs, le préfet de région n’a pas écarté comme illégal le règlement de la ZPPAUP mais s’est borné à faire prévaloir les considérations de sécurité publique qui avaient motivé le recours contre l’avis de l’architecte des bâtiments de France. Par suite l’association n’est pas fondée à soutenir que le préfet aurait dû expressément motiver sa décision.

8. Aux termes de l’article L. 421-6 du code de l’urbanisme : « (…) Le permis de démolir peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les travaux envisagés sont de nature à compromettre la protection ou la mise en valeur du patrimoine bâti, des quartiers, des monuments et des sites. » Aux termes du chapitre III du titre I du règlement de la zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager créée par arrêté du 11 décembre 2008, relatif aux règles applicables aux bâtis et aux espaces remarquables, les « constructions et (…) espaces repérés sur le plan règlementaire comme représentatifs des typologies décrites dans le rapport de présentation (…) ne peuvent être démolis ou détériorés. Ils doivent être restaurés et si nécessaire rétablis dans leur état d'origine. Ils pourront cependant recevoir des modifications mineures, sous réserves que celles-ci n’altèrent pas leur homogénéité architecturale, urbaine ou paysagère et restent cohérentes avec les dispositions décrites dans le rapport de présentation. Si ces constructions ou espaces sont trop dégradés pour être restaurés, il y aura lieu d’envisager une reconstruction reprenant la volumétrie et les espaces correspondants à l’état existant.»

9. Si de telles dispositions font en principe obstacle à la démolition des constructions qu’elles protègent pour des motifs patrimoniaux, elles doivent toutefois être conciliées avec les pouvoirs de police qui appartiennent aux autorités chargées de la protection des biens et des personnes. Aussi elles doivent être regardées comme inapplicables lorsque des motifs impérieux de sécurité publique exigent la démolition de constructions exposées à des risques qu’il n’est pas possible de prévenir. Il appartient à l’autorité préfectorale d’apprécier si, tant au regard de la qualité intrinsèque des bâtiments que de la gravité des risques auxquels ils sont exposés, leur démolition peut être ordonnée nonobstant la protection dont ils bénéficient.

10. L’article L. 561-3 du code de l’environnement, dans sa version alors en vigueur, dispose : « I. Le fonds de prévention des risques naturels majeurs est chargé de financer, dans la limite de ses ressources, les indemnités allouées en vertu des dispositions de l'article L. 561‑1 ainsi que les dépenses liées à la limitation de l'accès et à la démolition éventuelle des biens exposés afin d'en empêcher toute occupation future. En outre, il finance, dans les mêmes limites, les dépenses de prévention liées aux évacuations temporaires et au relogement des personnes exposées. / Il peut également, sur décision préalable de l'Etat et selon des modalités et conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, contribuer au financement des mesures de prévention intéressant des biens couverts par un contrat d'assurance mentionné au premier alinéa de l'article L. 125-1 du code des assurances. Les mesures de prévention susceptibles de faire l'objet de ce financement sont : / 1° L'acquisition amiable par une commune, un groupement de communes ou l'Etat d'un bien exposé à un risque prévisible de mouvements de terrain ou d'affaissements de terrain dus à une cavité souterraine ou à une marnière, d'avalanches, de crues torrentielles ou à montée rapide, de submersion marine menaçant gravement des vies humaines ainsi que les mesures nécessaires pour en limiter l'accès et en empêcher toute occupation, sous réserve que le prix de l'acquisition amiable s'avère moins coûteux que les moyens de sauvegarde et de protection des populations (...) ».

11. Le rapport d’expertise des « zones de solidarité Xynthia » en Charente-Maritime, dont le contenu n’est pas contesté par l’association requérante, après avoir relevé que toutes les constructions de l’îlot 1 sont dangereuses, recommande « de déconstruire complètement la partie centrale des îlots 1 (où sont situés les terrains d’assiette des parcelles à démolir) et 3 qui constituent les points bas du site pour n'y laisser que des aménagements compatibles avec la fonction de bassins de stockage des eaux d'orage ou de surverse que leur impose la topographie. » Il ressort des pièces du dossier, et notamment des photographies produites, qu’alors même que les immeubles situés au 104 avenue de l'Océan et 65 quai du 158ème RI sont identifiés par le plan règlementaire de la zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager créée par arrêté du 11 décembre 2008 comme des bâtis remarquables du XIXème siècle et du XXème siècle, ils ne présentent pas de caractère exceptionnel. Par suite, la préfète de la Charente-Maritime n’a pas méconnu les dispositions précitées et ne s’est pas davantage livrée à une appréciation manifestement erronée des faits de l’espèce en autorisant, par le permis tacite attaqué, la démolition de ces bâtiments.

12. Il résulte de ce qui précède que l’association Le Clapotis n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande l’association requérante en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l’association Le Clapotis est rejetée.