Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C== J== a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l’Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à réparer les préjudices subis résultant d’une myofasciite à macrophages à la suite d’une vaccination contre l’hépatite B et d’enjoindre à l’Office de diligenter une expertise médicale.

Par un jugement n° 1504273 du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2017, Mme J==, représentée par Me Pombieilh, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 octobre 2017 ;

2°) « d’annuler la décision du 16 juillet 2015 par laquelle l’ONIAM a rejeté sa demande tendant à l’indemnisation des préjudices subis à la suite de sa vaccination contre l’hépatite B au cours de l’année 1995 » ;

3°) de mettre à la charge de l’ONIAM le paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Considérant ce qui suit :

1. Mme J==, qui exerçait en qualité de préparatrice dans une officine libérale de pharmacie, indique avoir subi trois injections de vaccins contre l’hépatite B les 11 janvier, 8 février et 23 septembre 1995. Quelques années plus tard, elle a développé une myofasciite à macrophages, pathologie qui lui a été diagnostiquée en avril 2003. Le 22 mai 2015, Mme J== a adressé à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) un formulaire de demande d’indemnisation de ses préjudices résultant de la pathologie précitée qu’elle a imputée à la vaccination pratiquée en 1995. Par une décision du 16 juillet 2015, l’ONIAM a rejeté sa demande. Par un jugement du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de l’intéressée tendant à l’annulation de cette décision et, en réalité, à la condamnation de l’Office à réparer ses préjudices propres, physique et économique, et ceux de ses proches, tels qu’elle les avait exprimés, le 22 mai 2015, dans le formulaire d’indemnisation type pour les vaccinations obligatoires, pour lesquels elle demandait une expertise.

2. Mme J== relève appel de ce jugement, et doit être regardée comme en sollicitant l’annulation et comme demandant à la cour de condamner l’ONIAM à l’indemniser des préjudices résultant de la pathologie contractée dans les suites de sa vaccination contre l’hépatite B.

Sur les conclusions aux fins d’indemnisation par l’ONIAM :

3. Pour rejeter la demande d’indemnisation présentée par Mme J== au regard des préjudices résultant d’une myofasciite à macrophages qu’elle imputait à une vaccination obligatoire contre l’hépatite B, l’ONIAM, par sa décision du 16 juillet 2015, s’est fondé d’une part sur l’absence de preuve de la réalisation des injections contre le virus de l’hépatite B invoquées et d’autre part sur l’exercice, à la date alléguée des injections, de la profession de préparatrice dans une officine de pharmacie privée, qui n’est pas au nombre des établissements où les personnels doivent être obligatoirement vaccinés en application des dispositions de l’article L. 3111-4 du code de la santé publique et de l’arrêté du 15 mars 1991 modifié. Il a estimé que la vaccination de l’intéressée contre l’hépatite B ne présentant pas de caractère obligatoire, l’Office n’était pas compétent pour connaître de sa demande d’indemnisation. Mme J== a produit, en première instance, un certificat de vaccinations que les premiers juges ont regardé comme établissant la réalité et les dates des trois injections invoquées, les 11 janvier, 8 février et 23 septembre 1995, au titre de la vaccination contre l’hépatite B, ce que l’ONIAM ne conteste pas. Elle entend, en appel et au soutien de son recours de plein contentieux, contester la décision de l’Office rejetant sa demande indemnitaire en excipant du caractère illégal et inconstitutionnel des dispositions de l’arrêté du 15 mars 1991 modifié fixant la liste des établissements ou organismes publics ou privés de prévention ou de soins dans lesquels le personnel exposé doit être vacciné, sur lesquelles est fondée la décision en cause.

En ce qui concerne l’exception d’illégalité de l’arrêté du 15 mars 1991 modifié :

4. D’une part, aux termes de l’article L. 10 du code de la santé publique alors applicable et qui a été repris à l’article L. 3111-4 du même code : « Toute personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, exerce une activité professionnelle l'exposant à des risques de contamination doit être immunisée contre l'hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. (...) Un arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé du travail, pris après avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France, détermine les catégories d'établissements et organismes concernés. ». La sixième partie du code de la santé publique définit, par ailleurs, les établissements et services de santé, au nombre desquels ne figurent pas les officines de pharmacie, lesquelles relèvent du chapitre V du titre II de la cinquième partie de ce même code. Enfin, selon l’article L. 3111-9 du même code : « Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre, est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (...) au titre de la solidarité nationale. (…) ». Il résulte de ces dispositions du code de la santé publique que seules les vaccinations obligatoires explicitement prévues par ledit code ouvrent droit à une prise en charge au titre de la solidarité nationale, par l’ONIAM, des préjudices subis. Il résulte également de ces dispositions que l’obligation de vaccination prévue par le premier alinéa de l’article L. 10, devenu L. 3111-4 du code de la santé publique a pour objet de prévenir la contamination par certains virus, dont celui de l’hépatite B, de toute personne qui exerce, au sein d’un établissement ou d’un organisme public ou privé de soins, des fonctions comportant un risque d’exposition directe ou indirecte à des agents biologiques, quel que soit le cadre juridique dans lequel ces fonctions sont exercées.

5. D’autre part, l’article 1er de l’arrêté du 15 mars 1991 susvisé, prévoyait, dans sa rédaction alors en vigueur que : « : « Toute personne exposée à des risques de contamination doit être immunisée contre l'hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite lorsqu'elle exerce une activité professionnelle dans les catégories suivantes d'établissements ou d'organismes publics ou privés de prévention ou de soins: 1. Etablissements ou organismes figurant aux nomenclatures applicables aux établissements sanitaires et sociaux en exécution de l'arrêté du 3 novembre 1980 modifié susvisé : - établissements relevant de la loi hospitalière; dispensaires ou centres de soins ; - établissements de protection maternelle et infantile (P.M.I.) et de planification familiale ; - établissements de soins dentaires ; - établissement sanitaire des prisons ; - laboratoires d'analyses de biologie médicale ; - centres de transfusion sanguine ; - postes de transfusion sanguine ; - établissements de conservation et de stockage de produits humains autres que sanguins ; - établissements et services pour l'enfance et la jeunesse handicapées; établissements et services d'hébergement pour adultes handicapés ; - établissements d'hébergement pour personnes âgées ; - services sanitaires de maintien à domicile; établissements et services sociaux concourant à la protection de l'enfance ; - établissements de garde d'enfants d'âge préscolaire ; - établissements de formation des personnels sanitaires. 2. Autres établissements et organismes : - services communaux d'hygiène et de santé ; - entreprises de transport sanitaire ; - services de médecine du travail ; - centres et services de médecine préventive scolaire. ». Aux termes de l’article 2 du même arrêté : « Sont assimilés aux établissements et organismes mentionnés à l'article précédent, dans la mesure où ils participent à l'activité de ces derniers : - les blanchisseries ; - les entreprises de pompes funèbres ; - les entreprises de transport de corps avant mise en bière ».



6. De troisième part, l’article L. 5125-1-1-A du code de la santé publique, dans sa rédaction en vigueur, disposait que les pharmaciens d’officine : « (…) 1° Contribuent aux soins de premier recours définis à l'article L. 1411-11 ; 2° Participent à la coopération entre professionnels de santé ; 3° Participent à la mission de service public de la permanence des soins ; 4° Concourent aux actions de veille et de protection sanitaire organisées par les autorités de santé ; (…) 8° Peuvent proposer des conseils et prestations destinés à favoriser l'amélioration ou le maintien de l'état de santé des personnes. (…) » . Les missions dévolues aux pharmacies d’officine ne permettent pas d’assimiler ces pharmacies à des établissements de soins, dès lors que si cet article dispose que les pharmacies contribuent aux soins de premier recours, ces soins s’exerçaient dans le cadre défini par l’article L. 1411-11 du code de la santé publique alors en vigueur qui disposait, en son alinéa 2, que ces soins comprennent : « La dispensation et l'administration des médicaments, produits et dispositifs médicaux, ainsi que le conseil pharmaceutique ».

7. Mme J== fait valoir qu’elle a subi une vaccination contre l’hépatite B dans le cadre de son activité professionnelle de préparatrice d’officine de pharmacie et que cette activité doit être regardée comme relevant d’une profession de santé ou exercée dans un établissement de prévention ou de soins, au sens des dispositions législatives précitées, pour lesquels cette vaccination est obligatoire. Toutefois, il résulte de ce qui vient d’être exposé aux points 4, 5 et 6 que la liste exhaustive fixée par l’arrêté du 15 mars 1991 précité, pris pour l’application de l’article L. 3111-4 du code de la santé publique, anciennement article L. 10 de ce code, ne comprenait pas les officines de pharmacie parmi les établissements ou organismes publics ou privés de prévention ou de soins dans lesquels le personnel exposé doit être vacciné notamment contre l’hépatite B. Ainsi, l’activité professionnelle de préparatrice en pharmacie exercée par Mme J== au sein d’une officine de pharmacie, qui ne constituait pas un établissement de soins au sens des dispositions légales alors en vigueur, n’était pas, à la date de la décision en litige, au nombre de celles qui, prévues à l’article L. 3111-4 du code de la santé publique, donnaient droit, en cas de préjudice, à une prise en charge par l’ONIAM dans le cadre des dispositions de l’article L. 3111-9 de ce même code. Mme J== n’est, par suite, pas fondée à exciper de l’illégalité de l’arrêté du 15 mars 1991 en tant qu’il n’inclut pas dans le champ des établissements de soins les pharmacies d’officine et, par suite, les préparateurs en pharmacie y exerçant.

En ce qui concerne l’exception d’inconstitutionnalité de l’arrêté du 15 mars 1991 modifié :

8. Aux termes de l’article 1er de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». L’article 6 de cette Déclaration dispose, en outre, que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Pour assurer le respect du principe d’égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose.

9. L’article L. 4241-1 du code de la santé publique dispose, s’agissant de l’exercice de la profession de préparateur en pharmacie d’officine : « Les préparateurs en pharmacie sont seuls autorisés à seconder le titulaire de l'officine et les pharmaciens qui l'assistent dans la préparation et la délivrance au public des médicaments destinés à la médecine humaine et à la médecine vétérinaire. / Ils assument leurs tâches sous la responsabilité et le contrôle effectif d'un pharmacien. (...) ». Et l’article L. 4241-3 ajoute que : « Les préparateurs en pharmacie ne peuvent, en aucun cas, se substituer à la personne du pharmacien quant aux prérogatives attachées au diplôme de pharmacien (...) ».

10. Mme J==, qui exerçait l’activité de préparatrice en pharmacie dans une officine privée ne relève, ainsi qu’il a été dit, d’aucune des catégories d’établissements et organismes limitativement énumérés par l’arrêté du 15 mars 1991 modifié. La requérante excipe de l’inconstitutionnalité de cet arrêté au motif qu’il instaure, selon elle, une différence de traitement en méconnaissance du principe d’égalité devant la loi entre les préparateurs en pharmacie d’officine et les autres professionnels de santé concernés par cet arrêté. Toutefois, et ainsi que l’ont précisément souligné les premiers juges, eu égard à la nature des fonctions susceptibles de lui être confiées dans l’exercice de sa profession telles qu’elles résultent en particulier des dispositions citées au point 8, Mme J== ne se trouvait pas dans la même situation que les personnels de santé soumis à une obligation légale de vaccination à raison des fonctions qu’ils exercent dans les établissements de soins visés par cet arrêté. Ainsi, dans le cadre d’un exercice en pharmacie d’officine, elle ne pouvait être regardée comme exposée, au regard de ses missions propres, à un risque de contamination par le virus de l’hépatite B, ce virus ne se transmettant que par contact avec le sang ou des liquides biologiques d’une personne infectée, par le biais d’actes invasifs notamment, et non par simple contact avec des clients potentiellement porteurs de cette infection à l’occasion d’activités de dispensation de médicaments et produits pharmaceutiques.

11. En outre, contrairement à ce que persiste à soutenir Mme J== à l’appui de ce moyen, l’arrêté du 15 mars 1991 ne concernait pas davantage les pharmaciens d’officine, qui ne sont pas au nombre des catégories de personnes visées par cet arrêté, alors, au demeurant, que les fonctions exercées par un pharmacien sont distinctes de celles du préparateur en pharmacie d’officine dont l’activité et les missions, ainsi qu’il vient d’être dit, ne l’exposaient pas, par elles-mêmes, à un risque de contamination. Enfin, si Mme J== semble se prévaloir de l’alinéa 4 de l’article L. 3111-4 du code de la santé publique selon lequel l’étudiant d’un établissement préparant à l’exercice d’une profession de santé est soumis à l’obligation vaccinale, l’arrêté du 23 août 1991 auquel s’est substitué celui du 6 mars 2007, qui fixe la liste des professions soumises à l’obligation vaccinale, ne vise pas davantage les étudiants qui préparent un diplôme de préparateur en pharmacie mais seulement les étudiants en pharmacie amenés à effectuer, dans le cadre de leurs études, des stages dans les établissements de soins, publics ou privés, établissements figurant parmi ceux auquel renvoie l’arrêté du 15 mars 1991. Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré par Mme J== de ce que l’arrêté du 15 mars 1991 serait contraire au principe constitutionnel d’égalité devant la loi.

12. Il suit de là que, comme l’ont justement souligné les premiers juges, alors même que son employeur aurait incité Mme J== à se faire vacciner et que la myofasciite à macrophages dont elle souffre aurait été reconnue comme accident du travail, elle ne pouvait être regardée comme s’étant soumise à une vaccination obligatoire au sens et pour l’application des dispositions précitées, qui aurait été de nature à lui ouvrir droit au régime de réparation par la solidarité nationale prévu par l’article L. 3111-9 du code de la santé publique. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme J== n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’ONIAM à réparer les préjudices subis à la suite de sa vaccination contre l’hépatite B.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Ces dispositions font obstacle à ce que l’ONIAM, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à Mme J== la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.



DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme J== est rejetée.