Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme V== et autres ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Parentis-en-Born à les indemniser des préjudices causés notamment par l’adoption du nouveau plan local d'urbanisme, à raison de 1 450 482 euros à verser à Mmes C==, 1 450 400 euros à verser aux indivisaires L== et B== et 30 000 euros à verser à Mme C==.

Par un jugement n° 1300325 du 4 novembre 2014, le tribunal administratif de Pau a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 décembre 2014, Mme V==et autres, représentés par Me Cornille, demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau en date du 4 novembre 2014 ;

2°) de condamner la commune de Parentis-en-Born à les indemniser des préjudices causés notamment par l’adoption du nouveau plan local d'urbanisme à raison de 1 450 482 euros à verser à Mmes C==, 1 450 400 euros à verser aux indivisaires L== et B== et 30 000 euros à verser à Mme C== ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Parentis-en-Born la somme de 4 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Considérant ce qui suit :



1. Le conseil municipal de Parentis-en-Born a, par une délibération du 14 janvier 2004, décidé de réaliser un nouveau carrefour giratoire au niveau de l’entrée Ouest de la commune en contact avec la voie desservant le secteur du Lac. Ces travaux affectant partiellement les parcelles cadastrées section AH 26, AH 29 et AH 368 appartenant à Mme C==, la commune de Parentis-en-Born a contacté cette dernière afin d’engager la procédure d’acquisition des emprises foncières requises. Par un courrier du 7 février 2005 reçu par la commune le 9 mai suivant, Mme C== a déclaré accepter de céder les emprises foncières requises, soit 3 907 m² au prix de 350 euros, et autoriser la prise de possession anticipée pour permettre l’engagement des travaux au cours du premier semestre 2005, sous réserve d’être en possession des documents officiels attestant que les parcelles en cause seraient « lotissables au moment de la signature de l’acte de cession ». Puis, par un courrier du 22 février 2005, Mme C== a sollicité, en lieu et place de la vente, un échange de parcelles et a précisé qu’elle n’accepterait la cession qu’en étant titulaire de permis de lotir les trois parcelles en cause. Par ailleurs, dans le cadre de la réalisation d’un projet de lotissement dénommé « Les Écureuils » composé de 57 lots pouvant supporter une surface hors œuvre nette maximum de 17 119 m², situé sur les parcelles cadastrées section AH 19, appartenant à l’indivision L==, AH 367p, appartenant à l’indivision B==, et AH 368, appartenant à Mme C==, le préfet des Landes a délivré, par un arrêté en date du 22 octobre 2007, une autorisation de défrichement de la parcelle cadastrée section AH 368, et, le 5 mars 2008, un récépissé de déclaration de travaux concernant le rejet d’eaux pluviales pour ce lotissement. Puis, le maire de Parentis-en-Born a, par un arrêté en date du 24 avril 2008, accordé à Mme C== et aux indivisions B== et L== le permis d’aménager ce lotissement, en précisant dans le courrier accompagnant cet arrêté qu’eu égard à l’avis émis par le service de la police de l’eau de la direction départementale de l’agriculture et de la forêt, l’autorisation portant sur la mise en vente des lots ne pourrait intervenir qu’après la réalisation par la commune des travaux de doublement de la filière de traitement de la station d’épuration, travaux nécessaires au raccordement des 57 lots. Le terrain d’assiette du projet était situé en zone 1AUc du plan local d'urbanisme adopté en 2006 alors en vigueur. Or, avant l’inauguration de la station d’épuration début 2010, le plan local d'urbanisme de Parentis-en-Born a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Pau en date du 1er décembre 2009. Selon le plan d'occupation des sols remis en vigueur en application de l’article L. 121-8 du code de l'urbanisme et selon le projet de nouveau plan local d'urbanisme alors en cours d’élaboration, le terrain d’assiette du projet était classé en zone NS, non constructible. Mme C== et les indivisions B== et L== ont, par un courrier daté du 26 novembre 2012, adressé au maire de Parentis-en-Born une réclamation préalable afin d’obtenir le versement d’une indemnité de 30 000 euros au profit de Mme C== en réparation du préjudice causé par l’emprise, sans cession préalable, du carrefour giratoire sur 3 907 m² de sa propriété, et de deux indemnités d’un montant de 1 450 482 euros chacune, au profit d’une part de Mme C== et, d’autre part, des indivisions B== et L==, en réparation du préjudice causé par la perte du bénéfice escompté de la réalisation du lotissement « Les Écureuils ». Cette réclamation ayant été implicitement rejetée, l’indivision Barrère, composée de MM. B== et de Mme V==, l’indivision L==, composée de Mmes L== et de M. L==, Mme =C== et Mme C== ont réitéré leur demande devant le tribunal administratif de Pau en réduisant le montant de l’indemnité réclamée au profit des indivisions B== et L== à la somme de 1 450 400 euros. L’ensemble de ces personnes relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Pau en date du 4 novembre 2014 rejetant leurs demandes.

Sur la demande indemnitaire afférente à la réalisation du carrefour giratoire :

2. Dans le cas d'une décision administrative portant atteinte à la propriété privée, le juge administratif, compétent pour statuer sur le recours en annulation d'une telle décision, l'est également pour connaître de conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de cette décision administrative, hormis le cas où elle aurait pour effet l'extinction du droit de propriété. Si la décision d’édifier un ouvrage public sur la parcelle appartenant à une personne privée porte atteinte au libre exercice de son droit de propriété par celle-ci, elle n’a, toutefois, pas pour effet l’extinction du droit de propriété sur cette parcelle.

3. Ainsi que cela a été énoncé au point 1, il n’est pas contesté et il résulte de l’instruction que le carrefour giratoire réalisé au niveau de l’entrée Ouest de la commune en contact avec la voie desservant le secteur du Lac empiète, à raison de 3 907 m², sur la propriété de Mme C==. Il n’est pas davantage contesté que la cession projetée de ce terrain n’a pas été réalisée. Dans ces conditions, Mme C== demeurant propriétaire de ce terrain, la réalisation d’un ouvrage public sur celui-ci n’emporte pas l’extinction de son droit de propriété. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande indemnitaire comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. Par suite, le jugement attaqué doit, dans cette mesure, être annulé. Il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur cette demande.

4. En l’absence d’extinction du droit de propriété, la réparation des conséquences dommageables résultant de la décision d’édifier un ouvrage public sur une parcelle appartenant à une personne privée ne saurait donner lieu à une indemnité correspondant à la valeur vénale de la parcelle, mais uniquement à une indemnité moindre d’immobilisation réparant le préjudice résultant de l’occupation irrégulière de cette parcelle.

5. En l’espèce, il résulte de l’instruction, et notamment du courrier du 16 novembre 2011 du maire de Parentis-en-Born, que la valeur vénale des 3 907 m² en cause a été estimée par le service des domaines à 6 000 euros. Si Mme C== soutient que la valeur vénale de ce terrain est de 30 000 euros, elle ne produit aucun élément justifiant cette allégation. Il résulte également de l’instruction, et notamment du courrier du maire de Parentis-en-Born en date du 27 avril 2005, que les travaux sur le terrain de Mme C== n’ont pas démarré avant le second semestre 2005. Dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant de l’implantation d’une partie du carrefour giratoire sur la propriété de Mme C== en condamnant la commune de Parentis-en-Born à lui verser une indemnité de 2 500 euros.

Sur les demandes indemnitaires afférentes au projet de lotissement « Les Ecureuils » :

6. Aux termes de l’article L. 121-8 du code de l'urbanisme alors applicable : « L'annulation (…) d'un plan local d'urbanisme (…) a pour effet de remettre en vigueur (…) le document d'urbanisme en tenant lieu (…) immédiatement antérieur. ». Aux termes de l’article L. 442-14 de ce code dans sa rédaction en vigueur à la date du permis d’aménager : « Dans les cinq ans suivant l'achèvement d'un lotissement, constaté dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à l'autorisation du lotissement (…) ». Il résulte de ces dispositions que la règlementation d’urbanisme applicable au permis de construire est, dans le délai susmentionné, celle en vigueur à la date du permis d’aménager, lequel emporte autorisation de lotir. Par conséquent, le bénéficiaire d’un permis d’aménager se trouve titulaire, dès la délivrance de cette autorisation, d’une garantie de stabilité des règles d’urbanisme en vigueur à la date de sa délivrance. Cette garantie fait obstacle à ce que soient opposées les règles d’urbanisme intervenues postérieurement à l’autorisation du lotissement, y compris lorsque cette intervention résulte de l’annulation d’un plan local d’urbanisme remettant en vigueur les dispositions antérieures à ce document.

7. Les requérants recherchent la responsabilité de la commune de Parentis-en-Born pour leur avoir fait perdre une chance de réaliser le projet de lotissement « Les Écureuils » en raison d’un changement de classement du terrain d’assiette du projet en zone non constructible, qui ferait obstacle à la réalisation des travaux, et d’une incitation à différer la vente des lots . Ainsi que cela a été énoncé au point 1, il résulte de l’instruction que le permis d’aménager afférent à ce projet a été délivré le 24 avril 2008. A cette date, le plan local d'urbanisme de Parentis-en-Born classant le terrain d’assiette du projet en zone constructible n’avait pas encore été annulé par le juge administratif et demeurait donc applicable. Il résulte de ce qui est énoncé au point précédent que dans ces circonstances ni le plan d'occupation des sols antérieur, lequel n’était pas remis en vigueur en l’absence d’annulation du plan local d'urbanisme, ni le nouveau plan local d'urbanisme adopté en 2013 n’auraient été opposables aux demandes de permis de construire qui auraient été présentées dans le délai mentionné à l’article L. 442-14 du code de l'urbanisme, lequel ne commence à courir qu’à compter de l’achèvement du lotissement. Si les requérants soutiennent que la commune avait accompagné cette autorisation d’une information sur le délai de réalisation du dispositif d’assainissement qui conditionnerait la vente des lots, lequel ne serait pas achevé avant la fin de l’année 2009, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que les travaux autorisés soient entrepris afin de faire courir le délai prévu par les dispositions précitées de l’article L. 442-14 du code de l’urbanisme. Il est constant qu’ils ne l’ont pas été, et que le fait des requérants est ainsi à l’origine de l’absence de réalisation de leur projet. Dans ces conditions, les requérants ne démontrant pas que le changement de classement du terrain d’assiette du projet ou le délai annoncé d’autorisation de vente aurait compromis la réalisation du lotissement, ils ne rapportent pas la preuve qui leur incombe de l’existence d’un lien de causalité direct et certain entre le manque à gagner et les vaines dépenses dont ils se prévalent et l’annulation du plan local d’urbanisme en 2009. Ils ne peuvent pas davantage se prévaloir de la méconnaissance par la commune de prétendues promesses non tenues, les décisions dont ils étaient bénéficiaires ne pouvant recevoir cette qualification, ni par suite d’une espérance légitime.

8. Si les requérants se prévalent également de l’illégalité des classements opérés par le nouveau plan local d’urbanisme adopté en 2013, la circonstance qu’une société titulaire comme eux d’un permis d’aménager sur des parcelles redevenues inconstructibles à la suite de l’annulation du plan local d’urbanisme ait bénéficié d’une évolution favorable de la constructibilité de son terrain dans ce nouveau plan local d’urbanisme ne démontre pas de faute de la commune, au regard notamment des différences de situation des parcelles par rapport aux zones construites. Par ailleurs les difficultés d’acquisition par la commune des terrains de Mme C== nécessaires à la réalisation du giratoire ne révèlent pas à elles seules un détournement de pouvoir dans le classement en zone inconstructible des parcelles où le lotissement était projeté, qui ne sont pas en continuité du cœur bâti de la commune. Par suite, les requérants ne peuvent invoquer une illégalité fautive pour engager la responsabilité de la commune.

9. Enfin, les requérants invoquent la responsabilité sans faute de la commune sur le fondement des dispositions de l'article L. 105-1 du code de l'urbanisme, aux termes desquelles : « N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code (...) concernant, notamment, (...) l'interdiction de construire dans certaines zones (...)./ Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain (...) ». Ils rappellent que cet article ne fait pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d'une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en œuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi. Cependant, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque les propriétaires bénéficient d’une garantie concernant leurs droits acquis, telle que celle prévue par les dispositions précitées de l’article L. 442-14 du code de l'urbanisme, et qu’ils ne se sont pas mis en mesure de la faire jouer de leur propre fait. En l’espèce, le droit acquis résultant de la délivrance du permis d’aménager a pris fin du fait de l’expiration du délai de validité de celui-ci, en l’absence de réalisation des travaux autorisés et de tout obstacle mis par la commune à leur réalisation, comme indiqué au point 7. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le classement de leurs terrains en zone N leur ferait supporter une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec les justifications d'intérêt général sur lesquelles reposait le nouveau plan local d’urbanisme adopté en 2013.

10. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté leurs demandes indemnitaires afférentes au projet de lotissement « Les Écureuils ».

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

11. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Parentis-en-Born une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme C== et non compris dans les dépens. Il y a lieu de rejeter les autres conclusions des parties présentées à ce titre.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 3 du jugement du tribunal administratif de Pau en date du 4 novembre 2014 sont annulés.

Article 2 : La commune de Parentis-en-Born versera à Mme C== une indemnité de 2 500 euros en réparation du préjudice causé par l’emprise irrégulière sur sa propriété.

Article 3 : La commune de Parentis-en-Born versera à Mme C== une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.