Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Ouest concassage immobilier (OCIMMO) a demandé au tribunal administratif de La Réunion d’annuler l’arrêté du 13 mars 2014 par lequel le préfet de La Réunion a déclaré d’utilité publique le projet de constitution de réserves foncières en vue de la réalisation d’une opération d’aménagement urbain « Cambaie-Oméga » - Ecocité sur le territoire de la commune de Saint-Paul.

Par un jugement n° 1400407 du 15 octobre 2015, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 16 décembre 2015, le 28 octobre 2016 et le 17 janvier 2017, la société Ouest concassage immobilier (OCIMMO), représentée par Me Mathieu, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement n° 1400407 du tribunal administratif de La Réunion du 15 octobre 2015 ;

2°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté préfectoral du 13 mars 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 13 mars 2014, le préfet de la Réunion a déclaré d’utilité publique la constitution, au profit de la communauté d'agglomération du Territoire de la Côte Ouest (TCO), de réserves foncières d’une superficie de 179 hectares en vue de la réalisation, sur les territoires des communes de Saint-Paul, du Port et de la Possession, de l’opération d’aménagement urbain dite « Cambaie-Oméga » Ecocité. La société civile Ouest Concassage Immobilier (OCIMMO), qui possède plusieurs parcelles incluses dans le périmètre de la déclaration d'utilité publique, relève appel du jugement rendu le 15 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande d’annulation de l’arrêté du 13 mars 2014.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l’article R. 741-2 du code de justice administrative : « La décision (…) contient (…) l'analyse des conclusions et mémoires (…) ». Conformément à ces dispositions, le jugement attaqué vise les deux mémoires complémentaires à la requête introductive d’instance que la société OCIMMO avait présentés le 29 juillet 2015 et le 4 septembre 2015. Il n’est, par suite, entaché d’aucune irrégularité sur ce point.

3. En deuxième lieu, dans le cadre du contrôle de l’utilité publique du projet litigieux, les premiers juges ont, au point 22 de leur jugement, répondu au moyen de la société OCIMMO et tiré de ce que la délimitation du périmètre de la déclaration d'utilité publique est entachée d’erreur manifeste d'appréciation, notamment en ce qu’elle inclut des parcelles qui n’ont pas vocation à faire partie du projet « Ecocité » selon le plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Paul. Par suite, le jugement attaqué n’est pas entaché d’une omission à statuer sur un moyen.

4. En troisième lieu, et contrairement à ce que soutient la société requérante, les premiers juges ont, aux points 5, 6 et 7 de leur décision, suffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de l’irrégularité des délibérations des 24 juin 2013 et 4 novembre 2013 adoptées par le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du TCO. Le tribunal a également apporté, au point 17 de son jugement, une réponse circonstanciée au moyen selon lequel l’appréciation sommaire des dépenses avait été manifestement sous-évaluée dans le dossier soumis à l’enquête publique. Par suite, le jugement du tribunal administratif de La Réunion est suffisamment motivé.

5. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n’est entaché d’aucune irrégularité.

Sur la légalité de la déclaration d'utilité publique du 13 mars 2014 :

En ce qui concerne la légalité externe :

6. Aux termes de l’article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : « L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I. - Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : 1° Une notice explicative ; 2° Le plan de situation ; 3° Le plan général des travaux ; 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; 6° L'étude d'impact définie à l'article R. 122-3 du code de l'environnement (…) ; (…) II. - Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de l'acquisition d'immeubles, ou lorsqu'elle est demandée en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'urbanisme importante et qu'il est nécessaire de procéder à l'acquisition des immeubles avant que le projet n'ait pu être établi : 1° Une notice explicative ; 2° Le plan de situation ; 3° Le périmètre délimitant les immeubles à exproprier ; 4° L'estimation sommaire des acquisitions à réaliser. (…) ».

7. Il est constant que les terrains concernés par la réserve foncière dont l’acquisition a été déclarée d’utilité publique sont inclus dans le périmètre de la zone d’aménagement différé (ZAD) « Cambaie-Oméga » instituée par arrêté préfectoral du 20 avril 2001. En vertu de l’article L. 213-4 du code de l’urbanisme et de l’article L. 13-15 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, l’évaluation de la valeur des terrains compris dans le périmètre d’une ZAD doit être effectuée en fonction de l’état du marché immobilier existant à la date de publication de l’acte créant ladite ZAD, soit en l’espèce le 15 mai 2001. Ainsi, la société OCIMMO n’est pas fondée à soutenir que l’évaluation du coût des acquisitions foncières contenue dans le dossier d’enquête publique était manifestement sous-évaluée au regard des prix auxquels certaines ventes immobilières ont été conclues en 2004, soit trois ans après l’année de référence. Par ailleurs, si le dossier d’enquête contient une estimation de la valeur des biens à acquérir fondée sur un avis de France Domaine du 7 juin 2013, il est constant que ce service s’est placé, pour procéder à cette évaluation, à la date de référence du 15 mai 2001. Enfin, la société OCIMMO n’établit pas que l’estimation du coût des acquisitions foncières contenue dans le dossier d’enquête, laquelle doit rester sommaire selon les termes du II de l’article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, a été manifestement minorée.

En ce qui concerne la légalité interne :

S’agissant de la méconnaissance de l’article L. 123-14 du code de l'urbanisme :

8. Aux termes de l’article L. 123-14 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : « Lorsque la réalisation d'un projet public ou privé de travaux, de construction ou d'opération d'aménagement, présentant un caractère d'utilité publique ou d'intérêt général, nécessite une mise en compatibilité d'un plan local d'urbanisme, ce projet peut faire l'objet d'une déclaration d'utilité publique (…) Dans ce cas, l'enquête publique porte à la fois sur l'utilité publique ou l'intérêt général du projet et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence. La déclaration d'utilité publique ou la déclaration de projet d'une opération qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan local d'urbanisme ne peut intervenir qu'au terme de la procédure prévue par l'article L. 123-14-2. ».

9. La société OCIMMO soutient que le projet déclaré d’utilité publique est incompatible avec le plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Paul et qu’ainsi, en application de l’article L. 123-14 du code de l'urbanisme, l’arrêté du 13 mars 2014 ne pouvait intervenir sans que l’enquête publique porte également sur la mise en compatibilité dudit plan avec le projet en cause.

10. Il résulte des dispositions précitées de l’article L. 123-14 du code de l'urbanisme qu’une opération qui fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique ne peut être regardée comme compatible avec un plan local d'urbanisme, au sens de l’article L. 123-14 du code de l'urbanisme, qu’à la double condition qu’elle ne soit pas de nature à compromettre le parti d’aménagement retenu par la commune dans ce plan et qu’elle ne méconnaisse pas les dispositions du règlement de la zone du plan dans laquelle sa réalisation est prévue.

11. En revanche, les dispositions précitées de l’article L. 123-14 ne peuvent trouver application que si les utilisations des sols qu'implique la réalisation de l'opération déclarée d'utilité publique sont définies avec suffisamment de précision pour emporter de nouvelles dispositions du plan local d’urbanisme. Elles ne sont pas applicables lorsque l'administration qui projette la réalisation d'une opération d'aménagement impliquant normalement, d'une part, l'acquisition des terrains et, d'autre part, la réalisation de travaux et d'ouvrages, se borne à procéder dans un premier temps à la seule acquisition des terrains sans avoir défini le plan des aménagements envisagés

12. Ainsi qu’il a déjà été dit, l’arrêté du 13 mars 2014 a seulement pour objet de déclarer d’utilité publique la constitution de réserves foncières en vue de permettre la réalisation ultérieure d’une opération d’aménagement. A cet égard, et contrairement à ce que soutient la société requérante, la communauté d'agglomération du TCO disposait simplement, aussi bien à la date de l’enquête publique qu’à celle de la décision attaquée, d’une esquisse urbaine de cette opération d’aménagement réalisée par le lauréat du concours de maîtrise d’œuvre. Ce document ne lui permettait pas de connaître précisément, à l’échelle du projet d’aménagement, le plan général des travaux et les caractéristiques principales des ouvrages, concernant notamment leur taille et leur localisation exacte. Il ressort d’ailleurs des pièces du dossier que la mise en œuvre du projet implique au contraire la création future de plusieurs zones d’aménagement concerté dont la première, prévue en 2015, ne porte elle-même que sur la définition du schéma d’aménagement des espaces publics. Ainsi, les utilisations du sol qu’impliquera la réalisation du projet « Cambaie- Oméga » n’étaient pas définies avec suffisamment de précisions, pour que la déclaration de son utilité publique soit soumise à la mise en conformité du plan local d'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de ce que l’enquête publique et la déclaration d’utilité publique auraient également dû porter sur la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Paul ne peut qu’être écarté.

13. Par un arrêt rendu le 17 janvier 2017, sous le n° 15BX00950,15BX01039, la cour d'administrative d'appel de Bordeaux a partiellement annulé la délibération du 27 septembre 2012 par laquelle le conseil municipal de la commune de Saint-Paul a approuvé son plan local d'urbanisme et rejeté le surplus des conclusions dont elle était saisi, notamment celles tendant à l’annulation du classement en zone d’urbanisation future des terrains dont l’acquisition a été déclarée d’utilité publique par l’arrêté du 13 mars 2014. Il en résulte que la société OCIMMO ne peut utilement soutenir que cette annulation partielle, qui est sans effet sur le classement des terrains concernés par la déclaration d'utilité publique, a pour effet de remettre en vigueur le précédent document d’urbanisme, lequel classait ces mêmes terrains en zone inconstructible. Ainsi, le moyen tiré de l’incompatibilité du projet en litige avec le plan d'occupation de sols antérieur à celui approuvé le 27 septembre 2012 est, en tout état de cause, inopérant.

14. Il résulte de ce qui précède que la société OCIMMO n’est pas fondée à soutenir que l’arrêté du 13 mars 2014 en litige est intervenu en méconnaissance des dispositions précitées de l’article L. 123-14 du code de l'urbanisme.

S’agissant des autres moyens :

15. Pour demander l'annulation de l’arrêté du 13 mars 2014 en litige, la société OCIMMO reprend en appel les autres moyens déjà soulevés en première instance sans se prévaloir, devant la cour, d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la société OCIMMO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande d’annulation de l’arrêté du 13 mars 2014. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de la société OCIMMO la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la communauté d'agglomération du TCO et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La requête présentée par la société civile Ouest Concassage Immobilier (OCIMMO) est rejetée.

Article 2 : La société civile Ouest Concassage Immobilier versera à la communauté d'agglomération du Territoire de la Côte Ouest la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.