Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D== B== et autres ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d’annuler la délibération du 23 septembre 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune de Poitiers a, par décisions distinctes, constaté la désaffectation de certaines parties de l’immeuble situé 1 place du Maréchal Leclerc dont elle est propriétaire et prononcé leur déclassement, autorisé la cession de ces parties pour un montant de 510 000 euros et inscrit cette recette au budget principal de la ville, et autorisé le maire ou son représentant à signer le compromis de vente, ensemble les décisions du 7 janvier 2014 par lesquelles le maire de Poitiers a rejeté les recours gracieux tendant au retrait de cette délibération.

Par un jugement n° 1400667, 1400685, 1400686, 1400688, 1400691, 1400692, 1400693 du 26 mars 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 mai 2015 sous le n° 15BX01775 et des mémoires enregistrés le 1er avril 2016, le 5 mai 2016 et le 22 juin 2016, M. D== B== et autres demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 26 mars 2015 ;

2°) d’annuler la délibération n° 63 du conseil municipal de Poitiers en date du 23 septembre 2013 ;

3°) d’enjoindre au maire de la commune de Poitiers de saisir le tribunal de grande instance aux fins d’annulation de la vente dans un délai de deux semaines à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en application des articles L. 911-1 à L .911-3 du code de justice administrative ;

3°) de condamner la commune de Poitiers à leur verser la somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 23 septembre 2013, le conseil municipal de la commune de Poitiers a, par décisions distinctes, en premier lieu constaté la désaffectation de certaines parties de l’immeuble situé 1 place du maréchal Leclerc dont elle est propriétaire, ancien théâtre construit dans les années 1950, devenu cinéma lorsqu’un nouveau théâtre a été inauguré en 2008, et prononcé leur déclassement, en deuxième lieu autorisé la cession de ces parties pour un montant de 510 000 euros et inscrit cette recette au budget principal de la ville, et enfin autorisé le maire ou son représentant à signer le compromis de vente, l’état descriptif de division en volumes à réaliser ainsi que tout document à intervenir. M. D== B== et autres relèvent appel du jugement n° 1400667, 1400685, 1400686, 1400688, 1400691, 1400692, 1400693 du 26 mars 2015, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes tendant à l’annulation de cette délibération.

Sur la légalité de la délibération du 23 septembre 2013 :

2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques : «Un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui n'est plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement». L’article 2 de l’ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles prévoit que : «(…) Aucune salle de spectacles publics spécialement aménagée de façon permanente pour y donner des concerts, des spectacles de variétés ou des représentations d'art dramatique, lyrique ou chorégraphique ne peut recevoir une autre affectation ni être démolie sans que le propriétaire ou l'usager ait obtenu l'autorisation du ministre chargé de la culture. En cas d'infraction aux prescriptions du paragraphe ci-dessus, le propriétaire ou l'usager sera tenu de rétablir les lieux dans leur état antérieur sous peine d'une astreinte prononcée par le tribunal civil à la requête du ministre chargé de la culture ; le montant de l'astreinte sera versé au Trésor ».

3. Il résulte des dispositions de l’ordonnance précitée que si l’autorisation du ministre chargé de la culture doit être sollicitée avant qu’une salle de spectacle ne reçoive une nouvelle affectation ou fasse l’objet d’une démolition, une telle autorisation n’est pas requise préalablement à l’édiction d’une décision d’une collectivité publique relative à la sortie d’un bien du domaine public communal, laquelle n’implique pas en elle-même un changement d’affectation. Toutefois, en l’espèce, par la délibération attaquée, le conseil municipal de la commune de Poitiers a non seulement constaté la désaffectation de certaines parties de l’ancien théâtre et prononcé leur déclassement, mais aussi autorisé la cession de ces parties pour un montant de 510 000 euros à des conditions définies dans un avis d’appel à projet. L’avis d’appel à projet prévoyait bien un changement d’affectation du bien dès lors que la partie cédée devait être affectée à une activité commerciale. Ainsi, et nonobstant la circonstance que la salle de spectacle avait déjà été transformée en salle de cinéma depuis 2008, la délibération attaquée, en tant qu’elle autorise la cession aux conditions définies dans l’avis d’appel à projet, doit être regardée comme donnant une nouvelle affectation à la salle de spectacle au sens des dispositions de l’article 2 de l’ordonnance précitée et la commune de Poitiers, en qualité de propriétaire du bien, devait obtenir l’autorisation du ministre chargé de la culture avant de décider ce changement d’affectation.

4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie.

5. Il ressort des pièces du dossier que la ministre de la culture n’a donné l’autorisation requise que le 14 février 2014, soit 5 mois après la délibération attaquée. L’absence de cette autorisation, laquelle présente un caractère impératif et a d’ailleurs été précédée d’un avis défavorable de la commission compétente sur ce point, ne peut être regardée comme dépourvue d’incidence sur le sens de la délibération attaquée. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que la délibération attaquée a été prise à l’issue d’une procédure irrégulière en raison de la méconnaissance des dispositions de l’article 2 de l’ordonnance du 13 octobre 1945.

6. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : «Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal». Un moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions a trait à la procédure d’élaboration et d’adoption de la délibération attaquée, et procède d’une cause juridique, en l’occurrence de la légalité externe, identique à celle à laquelle se rattachaient le moyen développé par les requérants devant les premiers juges et tenant à l’insuffisance de façon générale de l’information des conseillers municipaux. Par suite, la commune de Poitiers n’est pas fondée à soutenir que ce moyen serait irrecevable.



7. Il résulte de ces dispositions que la convocation aux réunions d’un conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour. Le défaut de note explicative lors de l’envoi de la convocation aux conseillers municipaux entache donc d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n'ait fait parvenir aux intéressés, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et d’apprécier les implications de leurs décisions. Elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés, à qui il est au demeurant loisible de solliciter des précisions ou explications conformément à l'article L. 2121-13 du même code, une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.

8. Il ressort des pièces du dossier que par courrier en date du 15 juillet 2013, les conseillers municipaux ont été convoqués aux commissions thématiques qui se déroulent avant la séance du conseil municipal pour préparer les délibérations qui y seront votées et à la séance du conseil municipal du 23 septembre 2013. Cette convocation ne mentionne pas que la cession de l’ancien théâtre sera évoquée lors de la commission des finances du 16 septembre 2013. Si la commune de Poitiers fait valoir que, lors de la séance de la commission des finances, un projet de cession détaillé de l’ancien théâtre a été présenté, comprenant notamment une répartition indicative des futurs espaces publics et privés, il ne ressort pas des pièces produites au dossier qu’à cette occasion, les conseillers municipaux participant à cette réunion de la commission des finances aient été informés de l’évaluation effectuée par le service des Domaines permettant de justifier le prix de cession proposé. Par ailleurs, si la commune produit une attestation indiquant qu’un dossier de séance a été remis à l’ensemble des participants à la réunion de la commission des finances comportant l’avis du service des Domaines et adressé par courrier sous forme de clé USB aux membres du conseil municipal qui n’ont pas participé à la commission des finances, les pièces produites au dossier montrent seulement qu’un projet de délibération figurait dans ce dossier de séance, lequel indiquait seulement que l’avis du service des Domaines avait été sollicité. Ainsi il n’est pas établi que l’avis du 9 septembre 2013 et le projet détaillé de cession présenté devant la commission des finances figuraient bien dans ce dossier. Par suite, le projet de délibération relatif à la cession de l’ancien théâtre produit dans le dossier de séance ne peut être regardé comme équivalent à une note de synthèse permettant aux conseillers municipaux d’apprécier l’ensemble des éléments du dossier et notamment le prix de la cession.

9. S’il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de la séance du conseil municipal, que l’adjoint à l’urbanisme a donné des explications portant notamment sur l’avis du service des Domaines, sur le prix de l’opération et sur le coût des travaux à charge de l’acquéreur isolant la partie de l’orchestre devant rester à la ville des volumes supérieurs, il n’apparaît pas que tous les conseillers municipaux auraient bénéficié en temps utile d’informations suffisantes qui les auraient mis à même de pouvoir réellement délibérer sur le projet de cession soumis à leur vote, alors qu’il ressort également du procès-verbal de la séance que la question du prix de l’immeuble était particulièrement sensible. Les conseillers municipaux se sont ainsi trouvés privés de la garantie que constitue pour eux une complète et préalable information. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que la délibération en litige a été adoptée à l’issue d’une procédure méconnaissant l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales.

10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que M. D== B== et autres sont fondés à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à l’annulation de la délibération du 23 septembre 2013.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

11. Les requérants demandent que la cour enjoigne au maire de la commune de Poitiers de saisir le tribunal de grande instance aux fins d’annulation de la vente dans un délai de deux semaines à compter de la notification de la décision à intervenir. Il ne résulte toutefois pas de l’instruction que la vente de l’immeuble situé 1 place du Maréchal Leclerc soit intervenue. Par suite, et en tout état de cause, ces conclusions à fin d’injonction ne peuvent qu’être rejetées.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

12. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas la partie perdante à la présente instance, la somme que la ville de Poitiers demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la ville de Poitiers une somme globale de 2.000 euros au titre de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1400667, 1400685, 1400686, 1400688, 1400691, 1400692, 1400693 du 26 mars 2015 du tribunal administratif de Poitiers et la délibération du 23 septembre 2013 sont annulés.

Article 2 : La ville de Poitiers versera à M. D== B== et autres une somme globale de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.