Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d’intérêt collectif agricole (SICA) Atlantique a demandé par trois requêtes présentées au greffe du tribunal administratif de Poitiers de prononcer la réduction de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011, et la réduction des cotisations de taxe foncières sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 dans les rôles de la commune de La Rochelle.



Par un jugement n° 1102680-1300299-1300316 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a joint les demandes qui présentaient à juger des questions semblables et les a rejetées.



Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 19 janvier 2016, le 22 novembre 2016, et le 23 février 2018 et le 8 mars 2018, la SICA Atlantique, représentée par Me Scholtes, demande à la cour : 1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 novembre 2015 en tant qu’il a rejeté sa demande en réduction de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011.

2°) de prononcer la réduction des impositions susmentionnées ;



3°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.




Considérant ce qui suit :



1. La société d’intérêt collectif agricole (SICA) Atlantique a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 (requête n° 1300299) et des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties (requête n° 1102680 et n° 1300316) auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012 dans le rôles de la commune de La Rochelle pour ses installations de La Pallice.

2. Par un jugement n° 1102680-1300299-1300316 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a joint les demandes qui posaient une question commune relative à la base des deux impositions et les a rejetées.

3. La SICA Atlantique relève appel du jugement du 19 novembre 2015 en tant qu’il a rejeté sa demande en décharge des compléments de cotisation foncière des entreprises.



4. La SICA Atlantique s’est également pourvue devant le Conseil d’Etat contre le jugement en tant qu’il a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties. Par une décision n° 396231, 396232 du 20 décembre 2017, le Conseil d’Etat a annulé le jugement et renvoyé les affaires au tribunal administratif.



Sur la demande de réduction de la cotisation foncière des entreprises :

5. Il résulte notamment de l’article 1467 du code général des impôts que la cotisation foncière des entreprises est assise sur la valeur foncière des biens passibles d’une taxe foncière situés en France, à l’exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l’article 1382 du même code dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité.

6. La SICA Atlantique soutient que les installations de stockage des céréales qu’elle exploite à La Rochelle dans le port de La Pallice peuvent bénéficier d’une exonération de plein droit de cotisation foncière des entreprises en raison du caractère agricole de l’activité. L’administration soutient au contraire que la valeur locative des installations doit être déterminée en fonction du caractère industriel des équipements.

7. S’il est vrai que la SICA Atlantique, tout comme l’administration, argumente en fonction des dispositions applicables en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties, en raison du renvoi opéré par l’article 1467 du code général des impôts susmentionnés et compte tenu que les litiges qui opposent la SICA Atlantique à l’administration portent aussi bien sur la cotisation foncière des entreprises que sur la taxe foncière sur les propriétés bâties, sa demande tendant au bénéfice de l’exonération de cotisation foncière des entreprises est également fondée, dans son dernier mémoire, sur les dispositions de l’article 1450 du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.

8. En vertu de cet article : « Les exploitants agricoles (…) sont exonérés de la cotisation foncière des entreprises. / En sont également exonérés les groupements d'employeurs constitués exclusivement d'exploitants individuels agricoles ou de sociétés civiles agricoles bénéficiant de l'exonération, et fonctionnant dans les conditions fixées au chapitre III du titre V du livre II de la première partie du code du travail ainsi que les groupements d'intérêt économique constitués entre exploitations agricoles (…) ». Ces dispositions, dans les mêmes termes, exonéraient les exploitants agricoles de la taxe professionnelle avant l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2010.

9. Par ailleurs, l’article L 531-1 du code rural et de la pêche maritime dispose que : « Les sociétés d’intérêt collectif agricole ont pour objet de créer ou de gérer des installations et équipements ou d’assurer des services soit dans l’intérêt des agriculteurs d’une région rurale déterminée, soit de façon plus générale dans celui des habitants de cette région sans distinction professionnelle. / Les sociétés d’intérêt collectif agricole ont le statut de société coopérative … ». Aux termes de l’article L. 311-1 du même code : « Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation ».

10. Doit être regardée comme un exploitant agricole au sens de l’article 1450 précité du code général des impôts une société d’intérêt collectif agricole dont l’activité constitue le prolongement normal de celle de ses membres.

11. Il en est de même si l’activité de la SICA Atlantique conduite pour le compte de tiers non coopérateurs, même commerciale, a pour seul objet de compenser, à activité globale inchangée et dans des conditions normales de fonctionnement des équipements, une réduction temporaire des besoins de ses coopérateurs, ou si la mise des équipements de la SICA Atlantique à la disposition de tiers contre rémunération, tout en demeurant temporaire ou secondaire, n’a d’autre raison que de contribuer à l’exploitation optimale de ces équipements. En tout état de cause, ceux-ci ne peuvent bénéficier de l’exonération de cotisation foncière que si leur capacité n’est pas supérieure à celle qu’exige la satisfaction des seuls besoins habituels des agriculteurs membres de la SICA Atlantique.

12. Il résulte de l’instruction et il n’est d’ailleurs pas contesté par l’administration que les silos de stockage en litige ont été installés pour répondre aux besoins de chargement sur des navires, dans le port de La Pallice, des céréales produites par les agriculteurs adhérents de la SICA Atlantique. Aussi bien, les capacités de stockage sont réparties entre adhérents et il n’existe pas de capacités réservées en permanence à des tiers. Les besoins de stockage des adhérents supérieurs à leur quota font l’objet d’une facturation particulière. Le stockage de céréales par des tiers est exceptionnel et ne se produit que lorsque les besoins de stockage des adhérents sont inférieurs au quota qui leur est réservé. Moins de 5 % des céréales stockées peuvent ainsi provenir de tiers, agriculteurs non adhérents ou coopératives agricoles principalement.

13. Dans ces conditions, l’activité exploitée par la SICA Atlantique au moyen des installations en litige doit être regardée comme constituant le complément normal et même indispensable de la production céréalière ayant vocation à être exportée sans que, pour autant, l’utilisation secondaire au bénéfice de tiers excède la limite fixée au point 11 ci-dessus.

14. Enfin, il y a lieu d’admettre au bénéfice de l’exonération les terrains, bâtiments, hangars ou bureaux, qui concourent dans leur ensemble à l’activité de stockage de la SICA Atlantique dans le port de La Pallice, ainsi que le constate d’ailleurs l’administration.

15. Dès lors, la SICA Atlantique est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande de réduction de la cotisation foncière des entreprises en litige.

16. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1102680-1300299-1300316 du 19 novembre 2015 du tribunal administratif de Poitiers est annulé en tant qu’il rejette la demande de la SICA Atlantique dans l’instance n° 1300299 tendant à la réduction des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 dans les rôles de la commune de La Rochelle au titre de ses installations de La Pallice.

Article 2 : La SICA Atlantique est déchargée des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie dans les rôles de la commune de La Rochelle au titre des années 2010 et 2011 à hauteur respectivement de 144 478 euros et de 146 769 euros.

Article 3 : L’Etat versera à la SICA Atlantique une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.