Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J==-L== D==, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de mandataire des candidats du groupement « CAP CCI Guyane 2016 », a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées du 20 octobre au 2 novembre 2016 pour l'élection des membres de la chambre de commerce et d'industrie de la Guyane et dont les résultats ont été proclamés le mardi 8 novembre 2016 dans les catégories Cl, C2, Il, 12, SI, S2 et de suspendre le mandat de l'ensemble des candidats élus de la liste menée par M. R== G== « Ensemble Donnons de 1'Energie à notre Economie ».



Par un jugement n° 1600796 du 13 janvier 2017, le tribunal administratif de la Guyane a prononcé l’annulation de ces élections et rejeté le surplus des conclusions de la protestation présentée par M. D==.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés respectivement les 10 février et 24 mai 2017 à 12 h 06 puis à 18 h32, M. R== G==, qui a été désigné représentant unique des candidats de la liste « Ensemble Donnons de l'Energie à Notre Economie » (E.D.D.E.A.N.E.), représentés par Me Gondran de Robert, demande à la cour d’annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 12 janvier 2016.




Par des mémoires en défense et des pièces nouvelles, enregistrés les 24 et 25 avril et le 7 juin 2017, M. J==-L== D==, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de mandataire des candidats du groupement « CAP CCI Guyane 2016 », représenté par Me Marcault-Derouard, conclut au rejet de la requête.


Considérant ce qui suit :

1. A l’issue du dépouillement en séance publique le 7 novembre 2016, du scrutin qui s’est déroulé du 20 octobre au 2 novembre 2016, pour la désignation des membres de la chambre de commerce et d’industrie de la région Guyane, ont été recensés 4 269 votants, dont 3 751 par correspondance et 518 par voie électronique pour 4 165 votes exprimés. Le groupement de candidats « Ensemble donnons de l’énergie à notre économie » (EDDEANE), conduit par M. R== G==, a obtenu 31 sièges et le groupement de candidats « CAP CCI Guyane 2016 », conduit par M. J==-L== D==, a obtenu 3 sièges. M. D==, agissant tant en son nom personnel qu’en tant que mandataire des candidats du groupement « CAP CCI Guyane 2016 », a demandé au tribunal administratif de la Guyane l’annulation du scrutin ainsi que la suspension du mandat de l’ensemble des candidats du groupement EDDEANE. Le tribunal administratif de Guyane ayant prononcé, par jugement du 13 janvier 2017, l’annulation de ces opérations électorales, M. G==, mandataire du groupement EDDEANE, en relève appel.

Sur la régularité du jugement :

2. Le fait que des pièces produites par une partie aient été obtenues de façon illicite ou déloyale, ne suffit pas pour que le juge administratif refuse de les prendre en compte dans le cadre de la procédure, dès lors qu’elles ne constituent que des moyens de preuve dont la valeur peut être discutée contradictoirement. Il entre donc, dans l’office du juge électoral, de contrôler l’appréciation de la valeur probante de l’ensemble des témoignages recueillis ainsi que des attestations, pièces ou justificatifs qui lui sont présentés lors du débat contentieux. En l’espèce, le tribunal administratif de Guyane, en l'absence de certaines pièces sous séquestre judiciaire du fait de l'enquête pénale en cours, a formé sa conviction à partir de l'ensemble des éléments qui lui étaient soumis, et s'est livré, ainsi qu'il lui appartenait à une appréciation de la valeur probante des justifications apportées par M. D== et figurant au dossier qui lui était alors soumis. La circonstance que les premiers juges se soient fondés, pour regarder la manœuvre comme établie notamment sur un procès-verbal de dépôt de plainte portant constat des déclarations de M. D== et sur les échanges d’un groupe par la voie d'un réseau social sur Internet, ne peut être regardée comme ayant privé les parties des moyens de contester la fiabilité des preuves ainsi produites et restreint de ce fait leurs droits en méconnaissance du principe d’égalité des armes. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré d’une violation des stipulations de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit, en tout état de cause, être écarté.

3. Il résulte des dispositions des articles R. 119 et R. 120 du code électoral auxquels renvoie expressément l’article R. 713-28 du code du commerce que, par dérogation aux dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, les tribunaux administratifs ne sont pas tenus d'ordonner la communication des mémoires en défense des candidats aux élections des membres des chambres de commerce et d’industrie dont l'élection est contestée aux auteurs des protestations, ni des autres mémoires ultérieurement enregistrés et qu'il appartient seulement aux parties, si elles le jugent utile, de prendre connaissance de ces défenses et mémoires ultérieurs au greffe du tribunal administratif. Ainsi, le défaut de communication de ces mémoires n’entache pas la décision juridictionnelle d’irrégularité, même s’ils contiennent des éléments nouveaux. Dès lors, M. G== et autres, ne sauraient utilement soutenir que, du fait de l’absence de communication de mémoires, ils n’ont pas été mis en mesure de répondre aux mémoires et que cette circonstance porterait atteinte au principe d’égalité des armes, au caractère contradictoire de la procédure ou, en tout état de cause, aux stipulations de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Sur les opérations électorales :

4. Pour annuler les opérations électorales tendant au renouvellement des membres de la chambre de commerce et d’industrie de la région Guyane, le tribunal administratif de Guyane a jugé que la sincérité du scrutin avait été altérée, en retenant qu’une collecte à domicile de matériels de vote par correspondance avaient été organisée notamment par des militants du groupement « Ensemble donnons de l’énergie à notre économie », (EDDEANE), dans une sorte de compétition à qui recueillerait le plus d’enveloppes et ce par le biais d'un réseau social sur Internet.

5. Il appartient au juge de l’élection, lorsqu’il constate une ou plusieurs manœuvres, de rechercher si, eu égard aux résultats des opérations électorales, elles ont altéré la sincérité du scrutin dans son ensemble. Il résulte de l’instruction, notamment de conversations, commentaires et photographies, alors même qu’elles ne comporteraient pas de date, issues de l’application Whatsapp, que des membres de l’équipe « Ensemble donnons de l’énergie à notre économie », (E.D.D.E.A.N.E) ont participé à un système de collecte de matériel de vote dans des endroits où se situaient des boites à lettres qui accueillaient de très nombreux sièges d’entreprises, afin que ce matériel de vote puisse être utilisé pour voter en lieu et place des représentants légaux desdites entreprises tel que cela ressort des indications portées sur le procès verbal de recensement général des opérations électorales, corroborées par des attestations produites par M. D==. En effet, contrairement à ce que soutient le requérant, la teneur des propos échangés sur l’application « Whatsapp », sans que la plainte déposée le 27 janvier 2017 par les membres du groupement E.D.D.E.A.N.E ne remette en cause la véracité du contenu des échanges, reflète, à tout le moins, l’organisation d’une collecte systématisée de matériel électoral. Au surplus, les plis contenant les matériels qui ne sont pas parvenus à leur destinataire se devaient d’être retournés par les entreprises chargées de l’acheminement du courrier à la préfecture qui, en ce cas, les conserve jusqu’à l’expiration des délais de recours contre les élections. Or, en l’espèce, il est constant que de nombreux courriers revenus « NPAI » ne sont pas parvenus jusqu’à la préfecture, sans que leur nombre ne puisse être déterminé avec exactitude. Il ressort d’ailleurs d’attestations produites par le défendeur que des électeurs ont été obligés de se déplacer en préfecture, qui a été obligée de mettre en place des astreintes afin que les électeurs intéressés puissent se voir délivrer de nouveau du matériel nécessaire au vote, comme l’indique le préfet dans son mémoire de première instance. Il résulte également de l’instruction, qu’un tract à destination d’un public ciblé indiquait expressément que les votes des commerçants chinois devaient être remis à des personnes nommément désignées. Enfin, comme cela est indiqué de façon précise dans le procès-verbal de dépôt de plainte qui n’est pas utilement contesté sur ce point, les boites aux lettres de quelques 300 sociétés dont la plupart ont été crées afin de pouvoir bénéficier d’une défiscalisation ouverte par des dispositions législatives spécifiques, installées au 58 rue Bois de Fer à Matoury, ont été forcées pour dérober le matériel de vote. La même opération a été menée au centre commercial Hyper U de Montjoly 2 tel que cela apparaît sur des images de vidéo surveillance. Dès lors, compte tenu de ces irrégularités consistant dans une collecte systématique à domicile de votes par correspondance qui ont été commises par les partisans de certains candidats, ces irrégularités ont manifestement constitué des manœuvres qui, eu égard au nombre très élevé des votes par correspondance, et quelque soit l’écart des voix, et alors même que les éléments produits par le défendeur ne permettent d’identifier précisément le nombre d’électeurs qui auraient été victimes de ces manœuvres, caractérisent une fraude d’une ampleur telle qu’elle a été de nature à altérer la sincérité du scrutin dans son ensemble.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les fins de non-recevoir tirées de l’irrecevabilité de la protestation opposées en défense, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Guyane a annulé les opérations électorales ayant eu lieu du 20 octobre au 2 novembre 2016 pour l’élection des membres de la chambre de commerce et d’industrie de la Guyane.



DECIDE :

Article 1er : La requête de M. G== et autres est rejetée.