Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Convergences Public-Privé a demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler le marché conclu le 11 juin 2012 entre la communauté de communes de Val’Aïgo et M. B== ayant pour objet l’aide au développement et à la prospection économique et de condamner ladite communauté de communes à lui verser la somme de 244 717 euros en réparation des préjudices causés par son éviction irrégulière.

Par un jugement n°1203483 du 15 décembre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires présentés le 16 février 2016, le 10 juillet 2017 et le 29 avril 2018, la SARL Convergences Public-Privé, représentée par Me Herrmann, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 15 décembre 2015 ;

2°) d’annuler le marché signé le 11 juin 2012 entre la communauté de communes de Val’ Aïgo et M. B== ou, subsidiairement, d’en prononcer la résiliation ;

3°) de condamner la communauté de communes de Val’Aïgo à lui verser une somme de 244 717 euros à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts légaux à compter du 31 juillet 2012 ;

4°) de lui allouer une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………………………….

Considérant ce qui suit :

1. En mars 2012, la communauté de communes du canton de Villemur-sur-Tarn, devenue la communauté de communes de Val’Aïgo, a lancé une consultation pour l’attribution d’un marché public de services portant sur l’aide au développement, la prospection économique et la commercialisation de la zone d’intérêt régional de Pechnauquié. Par une lettre du 29 mai 2012, la communauté de communes de Val’Aïgo a informé la société Convergences Public-Privé que son offre a été écartée au profit de celle de M. B==, lequel a reçu notification de son marché le 11 juin 2012. La société Convergences Public-Privé a saisi le tribunal administratif de Toulouse d’une demande tendant à l’annulation de ce marché public et à la condamnation de la communauté de communes à lui verser la somme de 244 717 euros à titre de dommages et intérêts. Elle relève appel du jugement rendu le 15 décembre 2015 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la validité du contrat :

2. Selon les principes en vigueur à la date de signature du marché litigieux, tout concurrent évincé de la conclusion d’un contrat administratif est recevable à former devant le juge du contrat, dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses qui en sont divisibles, afin d’en obtenir la résiliation ou l’annulation. Il appartient au juge saisi de telles conclusions, lorsqu’il constate l’existence de vices entachant la validité du contrat, d’en apprécier les conséquences. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l’illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit enfin, après avoir vérifié si l’annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l’intérêt général ou aux droits du cocontractant, d’annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat.

3. Au nombre des principes généraux du droit qui s’imposent au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative figure le principe d’impartialité, dont la méconnaissance est constitutive d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.

4. Le marché attribué à M. B== était composé d’une mission M 1 « diagnostic économique et propositions stratégiques » consistant à recenser les outils économiques du territoire de la communauté de communes, à identifier les enjeux économiques prioritaires et les porteurs de projets susceptibles de venir s'implanter sur la zone d’intérêt régional (ZIR) de Pechnauquié. Le marché comportait également une mission M2 « commercialisation de la ZIR Pechnauquié » dans le cadre de laquelle l’attributaire devait promouvoir le territoire auprès d'entreprises, d'investisseurs ou de porteurs de projets et procéder à la commercialisation des terrains de la ZIR. Enfin, une mission M3 « animation et conseil aux entreprises » exigeait de l’attributaire d’assurer un service d'accompagnement des entreprises désireuses de s’implanter sur le territoire intercommunal en mobilisant les acteurs publics et privés à même d’assurer un soutien le plus efficace à tous porteurs de projets de développement économique.

5. Il résulte de l’instruction que, lors de la consultation et de l’attribution du marché litigieux, M. B== était membre du conseil municipal de Mirepoix-sur-Tarn, commune membre de la communauté de communes de Val’Aïgo, et qu’il participait, au sein dudit conseil, aux commissions chargées des « finances », des « appels d’offres et marchés publics » et des « lotissements finances », lesquelles intervenaient par conséquent sur des questions qui n’étaient pas étrangères aux actions qui lui ont été confiées par le marché litigieux. De plus, il ressort du dossier de première instance que M. B==, qui était délégué suppléant de la commune de Mirepoix-sur-Tarn au conseil communautaire de la communauté de communes de Val’Aïgo, a été élu par cette instance, le 20 janvier 2012, membre titulaire de la commission de développement économique de cet établissement public de coopération intercommunale, commission dont le champ d’intervention ne peut, lui non plus, être regardé comme étranger aux actions confiées par le marché litigieux.

6. Il résulte également de l’instruction que le maire de la commune de Mirepoix sur Tarn est M. O==, président de la communauté de communes de Val’Aïgo, autorité adjudicatrice. De plus, M. O== n’est autre que l’auteur de l’analyse technique des offres et en particulier de celle de M. B==, qu’il a classée en première position dans le rapport d’analyse des offres sur ce critère de la valeur technique, lequel était pondéré à 60 %.

7. Enfin, même si M. B== a cessé d’exercer en juin 2012 son mandat de délégué suppléant de la commune de Mirepoix-sur-Tarn au sein du conseil communautaire de la communauté de communes de Val’Aïgo, il n’en demeure pas moins qu’il était toujours investi de ce mandat durant les négociations qu’il a menées avec cette collectivité publique antérieurement à sa démission.

8. Il résulte de tout ce qui précède qu’à raison de ses différents mandats et fonctions, M. B== entretenait des liens étroits avec la communauté de communes de Val’Aïgo et en particulier avec le président de celle-ci, de sorte que les conditions de sa participation à la procédure d’attribution du marché litigieux pouvaient légitimement faire naître un doute sur l’impartialité de la procédure suivie. L’attribution du marché à M. B== révèle, dès lors, un manquement de la part du pouvoir adjudicateur au principe d’impartialité constitutif d’une méconnaissance aux principes de publicité et de mise en concurrence qui régissent la commande publique.

9. Par suite, c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les conclusions présentées par la société Convergences Public-Privé à l’encontre du marché litigieux.

10. Eu égard à la particulière gravité du vice entachant le contrat, qui a affecté le choix de l’attributaire, il y a lieu, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, de prononcer l’annulation du marché dès lors qu’il ne résulte pas de l’instruction qu’une telle mesure porterait une atteinte excessive à l’intérêt général.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de Toulouse doit être annulé, sans qu’il soit besoin d’examiner sa régularité.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir :

12. Par un courrier motivé du 17 août 2012, que la communauté de communes de Val’Aïgo a réceptionné le 20 août, la société Convergences Public-Privé a demandée à être indemnisée des préjudices résultant pour elle de son éviction du marché litigieux. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense et tirée de l’absence de demande préalable liant le contentieux doit être écartée.

En ce qui concerne la réparation du préjudice :

13. Lorsqu’un candidat à l’attribution d’un contrat public demande la réparation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait de l’irrégularité ayant, selon lui, affecté la procédure dont il a été évincé, il appartient au juge, si cette irrégularité est établie, de vérifier quelle est la cause directe de l’éviction du candidat et, par suite, qu’il existe un lien direct entre la faute en résultant et le préjudice dont le candidat demande l’indemnisation.



14. Comme il a été dit aux points 5 à 8, la communauté de communes de Val’Aïgo a entaché d’irrégularité la procédure dès lors qu’en laissant concourir M. B== dans les conditions sus-rappelées et en lui attribuant le marché litigieux, elle a méconnu le principe d’impartialité et, par là-même, ses obligations de publicité et de mise en concurrence. Eu égard à leur nature, de tels manquements sont directement à l’origine de l’éviction de la société Convergences Public-Privé.

15. Lorsqu’une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce marché, il appartient au juge de vérifier d’abord si l’entreprise était dépourvue de toute chance de remporter le marché. Dans l’affirmative, l’entreprise n’a droit à aucune indemnité. Dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu’elle a engagés pour présenter son offre. Dans le cas où l’entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché, elle a droit à l’indemnisation de l’intégralité du manque à gagner qu'elle a subi.

16. En l’espèce, la société requérante demande seulement à être indemnisée du manque à gagner que lui a causé son éviction irrégulière de l’attribution du marché. De telles conclusions ne peuvent être satisfaites que si la société avait une chance sérieuse d’obtenir le marché.

17. En vertu de l’article 5 du règlement de la consultation, le marché devait être attribué en fonction de deux critères, à savoir le prix proposé et la valeur technique de l’offre, respectivement pondérés à 40 % et à 60 %.

18. Il résulte de l’instruction que l’offre de la société Convergence Public Privé n’était pas défaillante sur le plan technique dès lors qu’elle a été notée 3/5 ou 4/5 par le pouvoir adjudicateur sur les différents critères permettant d’évaluer la valeur technique des offres présentées par les candidats. Et à l’issue des négociations qu’elle a engagées avec trois candidats, la communauté de communes de Val’Aïgo a classé l’offre de la société Convergences Public Privé en deuxième position derrière celle de M. B==, dont l’offre, eu égard aux conditions dans lesquelles elle a été examinée, n’aurait pas dû être retenue compte tenu des exigences du principe d’impartialité. Par suite, et alors même que le prix proposé par M. B== était moins élevé que celui de la société requérante, cette dernière justifiait de chances sérieuses de remporter le marché. La société Convergences Public-Privé est dès lors fondée à demander une indemnisation de son manque à gagner résultant de sa non désignation comme titulaire du marché.



19. En réponse à la mesure d’instruction de la cour lui demandant de fournir tous éléments utiles permettant de déterminer son manque à gagner, la société requérante a produit son compte de résultat de l’exercice 2013, lequel fait apparaître un résultat net de 9 222 euros représentant 6,60 % du chiffre d’affaires réalisé au cours du même exercice, soit 139 553 euros. Dès lors que la société ne justifie nullement ses allégations selon lesquelles son manque à gagner devrait être fixé à 90 % du prix du marché non obtenu, il y a lieu d’évaluer à 6,60 % de ce prix son préjudice indemnisable au titre du manque à gagner. Eu égard aux montants des recettes attendues des trois missions concernées, soit, selon les derniers chiffres non contestés dont la société fait état, 14 053 euros TTC s’agissant de la mission 1, 175 000 euros TTC s’agissant de la mission 2 et 41 680 euros TTC s’agissant de la mission 3, il s’ensuit que la communauté de communes Val’Aïgo doit être condamnée à verser à la société Convergences Public-Privé la somme de 15 228 euros TTC à titre de dommages et intérêts. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 20 août 2012, date de réception de la demande préalable de la société.

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. En application de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté de communes de Val’Aïgo, partie perdante, une somme de 3 000 euros au titre des frais, non compris dans les dépens, exposés par la société Convergences Public-Privé en première instance et en appel. Ces mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de la défenderesse présentées à l’encontre de la société requérante qui n’est pas la partie perdante à l’instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n°1203483 du 15 décembre 2015 et le marché conclu entre la communauté de communes de Val’Aïgo et M. B== sont annulés.

Article 2 : La communauté de communes de Val’Aïgo est condamnée à verser à la société Convergences Public-Privé la somme de 15 228 euros TTC à titre de dommages et intérêts, ladite somme portant intérêts au taux légal à compter du 20 août 2012.

Article 3 : La communauté de communes de Val’Aïgo versera à la société Convergences Public Privé la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par la communauté de communes de Val’Aïgo au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.