Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les syndicats professionnels le X*, l’Y* et l’Z* ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer l’annulation du courrier du 22 juin 2018 de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) de Nouvelle-Aquitaine et de la délégation territoriale Aquitaine Poitou-Charentes de l’institut national de l’origine et de la qualité (INAO) relatif à l’« Utilisation de noms d’AOC dans des dénominations commerciales » et la décision implicite rejetant, comme non fondée, leur demande de retrait de ce courrier présentée le 30 août 2018.

Par un jugement n° 1805770 du 3 juillet 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2020 et un mémoire enregistré le 14 décembre 2020, le X*, l’Y* et l’Z*, représentés par la SEL d’avocats interbarreaux R*, demandent à la cour : 1°) d’annuler le jugement du 3 juillet 2020 du tribunal administratif de Bordeaux ; 2°) d’annuler la décision conjointe du 22 juin 2018 de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) de Nouvelle-Aquitaine et de la délégation territoriale Aquitaine Poitou-Charentes de l’institut national de l’origine et de la qualité (INAO) relative à l’Utilisation de noms d’AOC dans des dénominations commerciales et la décision implicite rejetant leur demande de retrait de cette décision ; 3°) de mettre à la charge de la DIRECCTE et de l’INAO le versement à chacun des requérants de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 octobre 2020 et le 14 juin 2021, l’institut national de l’origine et de la qualité (INAO), représenté par Me D* et Me P*, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge du X*, de l'Y* (UMVIN) et l'Z* (UMB) au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2020, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 21 janvier 2021, la SAS HPO* et la SAS Les NdeM* et M. Pascal O*, représentés par Me V* et Me A*, demandent à la cour : 1°) à titre principal de constater l’inexistence de la lettre du 22 juin 2018 ; 2°) subsidiairement de poser à la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) la question préjudicielle suivante : « Le seul fait d'appartenir à une zone d'AOP ou d'IGP permet-il à l'administration de considérer qu'une dénomination telle que Le Bordeaux de M* ou Le Haut-Médoc de M* désigne nécessairement une unité géographique plus petite que la zone en question au sens de l'art. 55-3 du règlement délégué n° 2019/33 de la Commission du 17 octobre 2018 ? » ; 3°) de mettre à la charge solidaire de l’Etat et de l’INAO une somme de 2 000 euros à verser à chacun des intervenants sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. .......................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................

Considérant ce qui suit :

1. En 2016, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Nouvelle-Aquitaine et la délégation territoriale Aquitaine Poitou-Charentes de l'Institut national de l'origine et de la qualité (DT INAO Bordeaux), ont constaté l’utilisation de dénominations commerciales utilisant les noms d’appellations d’origine protégées ou d’une indication géographiques protégée (IGP). Par courrier du 22 juin 2018, alors que leur avis avait été sollicité par des producteurs et des négociants en vin, elles ont informé les syndicats professionnels des vins de Bordeaux afin qu’ils informent leurs adhérents, de la position juridique retenue par l’administration au regard de la réglementation applicable, du lancement d’un recensement et d’un contrôle systématique de l’utilisation de ces marques de vin et de l’engagement par la DIRECCTE d’une action de remise en conformité de l’ensemble des opérateurs accompagnées le cas échéant de poursuites pénales pour les cas concernant des pratiques commerciales douteuses. Par un courrier du 29 août 2018, le X*, l’Y* et l’Z* ont demandé, en vain, à la DIRECCTE de Nouvelle-Aquitaine et à délégation territoriale Aquitaine-Poitou-Charente de l’INAO de retirer cette décision du 22 juin 2018. Ils relèvent appel du jugement du 3 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande d’annulation du rejet de leur recours gracieux et de la décision du 22 juin 2018. Sur la recevabilité : 2. Les documents de portée générale émanant d’autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices. Il appartient au juge d’examiner les vices susceptibles d’affecter la légalité du document en tenant compte de la nature et des caractéristiques de celui-ci ainsi que du pouvoir d’appréciation dont dispose l’autorité dont il émane. Le recours formé à son encontre doit être accueilli notamment s’il fixe une règle nouvelle entachée d’incompétence, si l’interprétation du droit positif qu’il comporte en méconnaît le sens et la portée ou s’il est pris en vue de la mise en œuvre d’une règle contraire à une norme juridique supérieure. 3. Par la lettre du 22 juin 2018, la DIRECCTE Nouvelle-Aquitaine et la délégation territoriale Aquitaine-Poitou-Charente de l’INAO ont indiqué aux syndicats professionnels du secteur du vin, en vue de l’information de l’ensemble de leurs adhérents, que l’utilisation de noms d’appellation dans des dénominations commerciales de vin était irrégulière et leur ont annoncé que les services compétents de la DIRECCTE Nouvelle-Aquitaine engageaient une action de remise en conformité de l’ensemble des opérateurs par l’émission d’avis défavorables aux projets présentés et, pour ce qui concerne les marques déjà commercialisée, par des demandes de mises en conformité éventuellement accompagnées de poursuites pénales en cas de pratiques commerciales trompeuses. Un tel document de portée générale, comporte une interprétation du droit positif susceptible, compte tenu des mesures annoncées, d’avoir une incidence directe sur les acteurs économiques concernés. Il exprime une prise de position de portée générale et impérative, susceptible d’avoir des effets sur la situation et d’influencer le comportement des vignerons et des négociants en vins, ainsi que le soutiennent les requérants. Eu égard aux effets notables que cet acte est susceptible d’emporter sur leur situation, il peut donc faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir contrairement à ce que soutient l’administration en défense.

Sur l’intervention :

4. La DIRECCTE Nouvelle-Aquitaine a, le 5 décembre 2016, enjoint à la SAS HPO* de cesser d’utiliser les marques « Le Bordeaux de M* » et « Le Haut-Médoc de M* ». Dès lors, cette société justifie d’un intérêt suffisant pour intervenir à l’appui de la requête n° 20BX02993. L’intervention de cette société, de M. Pascal O* et de la SAS Les NdeM* doit donc être admise.

Sur les conclusions à fin d’annulation : S’agissant de la légalité externe :

5. D’une part, aux termes de l’article 1er du décret du 10 novembre 2009 relatif à l’organisation et aux missions des DIRECCTE : « Les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi sont des services déconcentrés communs au ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et au ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville./ Dans chaque région, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi exerce, sous l'autorité du préfet de région et, pour les missions relevant de sa compétence, sous l'autorité fonctionnelle du préfet de département, les missions définies à l'article 2, à l'exception de celles relatives aux actions d'inspection de la législation du travail mentionnées au 1° dudit article, d'une part, et, d'autre part, des pouvoirs d'enquête et d'investigation exercés sous le contrôle de l'autorité judiciaire. ». Aux termes de l’article 2 du même décret : « Sous réserve des compétences attribuées à d'autres services ou établissements publics de l'Etat, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi est chargée : (…) / 3° Des actions de contrôle du bon fonctionnement des marchés et des relations commerciales entre entreprises, de protection économique des consommateurs et de sécurité des consommateurs ainsi que de contrôle dans le domaine de la métrologie légale. / En relation, le cas échéant, avec d'autres administrations compétentes, la direction régionale assure le pilotage des politiques de l'Etat susmentionnées, au besoin en élaborant un plan d'action régional, et évalue la performance de leur application ./ A ce titre, elle est chargée de la planification, de la programmation et du suivi des actions mentionnées au 3° qui sont mises en œuvre dans la région sous l'autorité des préfets de département et coordonne celles de ces actions exercées au niveau interdépartemental, notamment dans le cadre d'un schéma régional de mutualisation des compétences professionnelles. (…) / Elle concourt à la mise en œuvre des missions de protection économique et de sécurité des consommateurs. ». L’article 3 de ce décret dispose que : « I. Chaque direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi comprend les pôles suivants :/ (…) /- un pôle concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie, chargé des actions mentionnées au 3° de l'article 2. (…) ». Enfin, le pôle concurrence, consommation, répression des fraudes a été référencé, en application de l'article 79 du règlement (CEE) n° 822/87 du Conseil, du 16 mars 1987 portant organisation commune du marché viti-vinicole, dès 1999, par la commission européenne comme instance compétente, désignée par l’Etat français, pour exercer le contrôle du respect des dispositions communautaires dans le secteur viti-vinicole. 6. D’autre part, aux termes de l’article L. 642-5 du code rural et de la pêche maritime : « L'Institut national de l'origine et de la qualité, dénommé "INAO", est un établissement public administratif de l'Etat chargé de la mise en œuvre des dispositions législatives et réglementaires relatives aux signes d'identification de la qualité et de l'origine énumérés au 1° de l'article L. 640-2. / A ce titre, l'Institut, notamment : / 1° Propose la reconnaissance des produits susceptibles de bénéficier des signes d'identification de la qualité et de l'origine et la révision de leurs cahiers des charges ; (…) / 5° S'assure du contrôle du respect des cahiers des charges et, le cas échéant, prend les mesures sanctionnant leur méconnaissance ; / 6° Donne son avis sur les dispositions relatives à l'étiquetage et à la présentation de chacun des produits relevant de sa compétence ; / 7° Peut être consulté sur toute question relative aux signes d'identification de la qualité et de l'origine et peut proposer toute mesure concourant au bon fonctionnement, au développement ou à la valorisation d'un signe dans une filière ; / 8° Contribue à la défense et à la promotion des signes d'identification de la qualité et de l'origine tant en France qu'à l'étranger ; (…) ». 7. Il résulte des dispositions précitées que les questions relatives à l'étiquetage, la présentation des produits bénéficiant des signes d'identification de la qualité et de l'origine et la loyauté des pratiques commerciales concernant ces derniers entrent dans les attributions respectives des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi et de l'Institut national de l'origine et de la qualité. En indiquant que selon leur analyse, et sous réserve de l’appréciation souveraine des juridictions compétentes, l’utilisation de noms d’appellations d’origine dans des dénominations commerciales était irrégulière en application des dispositions applicables et qu’ils allaient engager les actions nécessaires pour remettre en conformité l’ensemble des opérateurs du secteur concerné, les services territorialement compétents de la DIRECCTE et de l’INAO n’ont pas fixé de règle nouvelle par l’adoption d’une circulaire réglementaire mais se sont bornés à appliquer la législation applicable au secteur économique viti-vinicole qu’ils sont chargés de contrôler dans le cadre de leurs missions respectives de respect des règles de concurrence, de protection et d’information des consommateurs et de protection et de respect des dispositions applicables aux signes de la qualité et de l’origine des produits. Par suite, les moyens tirés de l’incompétence des signataires de l’acte du 22 juin 2018, de la méconnaissance du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, des principes fondamentaux d’indépendance et d’impartialité, issus de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, et du principe de la séparation entre les fonctions d’édiction d’une norme, de contrôle de l’application de la norme et de sanction de sa violation doivent être écartés. S’agissant de la légalité interne : 8. En premier lieu, aux termes de l’article 103 « protection » du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 susvisé : « 1. Une appellation d'origine protégée et une indication géographique protégée peuvent être utilisées par tout opérateur commercialisant un vin produit conformément au cahier des charges correspondant. / 2. Une appellation d'origine protégée et une indication géographique protégée, ainsi que le vin qui fait usage de cette dénomination protégée en respectant le cahier des charges correspondant, sont protégés contre : / a) toute utilisation commerciale directe ou indirecte de cette dénomination protégée : / i) pour des produits comparables ne respectant pas le cahier des charges lié à la dénomination protégée; ou / ii) dans la mesure où ladite utilisation exploite la réputation d'une appellation d'origine ou indication géographique ; / b) toute usurpation, imitation ou évocation, même si l'origine véritable du produit ou du service est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite, transcrite, translittérée ou accompagnée d'une expression telle que "genre", "type", "méthode", "façon", "imitation", "goût", "manière" ou d'une expression similaire ; / c) toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, à l'origine, à la nature ou aux qualités substantielles du produit figurant sur le conditionnement ou l'emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit vitivinicole concerné, ainsi que contre l'utilisation pour le conditionnement d'un contenant de nature à créer une impression erronée sur l'origine du produit ; / d) toute autre pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit. / 3. Les appellations d'origine protégées et les indications géographiques protégées ne deviennent pas génériques dans l'Union au sens de l'article 101, paragraphe 1. ». Par ailleurs, aux termes de l’article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle : « Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment : (…) / d) A une appellation d'origine protégée ou à une indication géographique (…) ». L’article L. 643-1 du code rural et de la pêche maritime dispose enfin que : « L'appellation d'origine ne peut jamais être considérée comme présentant un caractère générique et tomber dans le domaine public. / Le nom qui constitue l'appellation d'origine ou toute autre mention l'évoquant ne peuvent être employés pour aucun produit similaire, sans préjudice des dispositions législatives et réglementaires en vigueur le 6 juillet 1990. Ils ne peuvent être employés pour aucun établissement et aucun autre produit ou service, lorsque cette utilisation est susceptible de détourner ou d'affaiblir la notoriété de l'appellation. 9. Les requérants et les intervenants soutiennent que l’utilisation d’une AOC au sein d’une marque complexe n’est pas susceptible de constituer une atteinte aux appellations d’origine ni de nature à induire les consommateurs en erreur, dès lors qu’elle ne constitue pas une atteinte à l’appellation d’origine ni une appropriation privative de cette appellation. 10. Toutefois, ainsi que l’a estimé à juste titre le tribunal administratif, dont les motifs peuvent être adoptés sur ce point, « en faisant précéder le nom qualifiant l’AOC d’un article défini, dont l’usage précède dans le langage courant les noms communs, la mention en litige est de nature à ôter au produit ses propriétés spécifiques, liées à un territoire géographique et à des procédés d’exploitation et à lui conférer un caractère banal et sans références » et ce, alors même que les vins commercialisés par les opérateurs qui font usage d’une marque commerciale sous cette forme, peuvent prétendre à l’AOC. Par suite, en indiquant que l’utilisation d’une appellation d’origine dans une dénomination commerciale telle que « Le Bordeaux de » ou « Le Bordeaux by » constituait une « privatisation » de l’emploi de cette appellation et que l’exploitation commerciale du nom de cette appellation en la faisant précéder d’un article indéfini, était susceptible de constituer un détournement de celle-ci, la DIRECCTE Nouvelle-Aquitaine et la délégation territoriale de l’INAO Aquitaine-Poitou-Charente n’ont pas méconnu le sens ni la portée des dispositions précitées de l’article 103 du règlement du règlement n° 1308 2013 susvisé et de l’article L. 643-1 du code rural et de la pêche maritime et de l’article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle. 11. En deuxième lieu, l’article 67 du règlement (CE) n° 607/2009 de la commission du 14 juillet 2009 susvisé dispose que : « Nom d'une unité géographique plus petite ou plus grande que la zone qui est à la base de l'appellation d'origine ou de l'indication géographique et références de la zone géographique / (…) 3. Le nom d'une unité géographique plus petite ou plus grande que la zone qui est à la base de l'appellation d'origine ou de l'indication géographique ou les références d'une zone géographique consistent en : a) une localité ou un groupe de localités ; b) une zone administrative locale ou une partie de cette zone ; c) une sous-région viticole ou une partie de sous-région viticole ; d) une zone administrative. » Aux termes de l’article 70 de ce règlement : « Pour les vins bénéficiant d’une appellation d’origine protégée ou d’une indication géographique protégée produits sur leur territoire, les indications visées aux articles 61, 62 et 64 à 67 peuvent être rendues obligatoires, interdites ou limitées en ce qui concerne leur utilisation par l’introduction de conditions plus strictes que celles fixées dans le présent chapitre au moyen des cahiers des charges correspondant à ces vins ». Par ailleurs, aux termes de l’article 5 du décret du 4 mai 2012 : « L'étiquetage des vins bénéficiant d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée peut mentionner le nom d'une unité géographique plus petite que la zone qui est à la base de l'appellation d'origine protégée ou de l'indication géographique protégée si les conditions suivantes sont remplies : b) Cette possibilité est prévue dans le cahier des charges de l'appellation d'origine protégée ou de l'indication géographique protégée. (…) ». Enfin, aux termes de l’article 1er du cahier des charges de l’AOP « Bordeaux » homologué par décret n° 2015-1193 du 28 septembre 2015 relatif à l’AOC « Bordeaux » alors en vigueur à la date de la décision attaquée : « Seuls peuvent prétendre à l’appellation d’origine contrôlée « Bordeaux », initialement reconnue par le décret du 14 novembre 1936, les vins répondant aux conditions particulières fixées ci-après. ». Aux termes de l’article II du même cahier « Dénominations géographiques et mentions complémentaires » de ce cahier : « 1°- Le nom de l’appellation d’origine contrôlée peut être suivi de la dénomination géographique « Haut-Benauge » pour les vins répondant aux conditions de production fixées pour cette dénomination géographique dans le présent cahier des charges. / 2°- Le nom de l’appellation d’origine contrôlée peut être complétée par les mentions « clairet » et « claret » pour les vins répondant aux conditions de production fixées pour ces mentions dans le présent cahier des charges. ». Enfin, aux termes de l’article XII « Règles de présentation et étiquetage » de ce cahier : « 1°- Dispositions générales/ Les vins pour lesquels, aux termes du présent cahier des charges, est revendiquée l’appellation d’origine contrôlée « Bordeaux » et qui sont présentés sous ladite appellation ne peuvent être déclarés, après la récolte, offerts au public, expédiés, mis en vente ou vendus sans que dans la déclaration de récolte, dans les annonces, sur les prospectus, étiquettes, factures, récipients quelconques l’appellation d’origine contrôlée susvisée soit inscrite./ 2°- Dispositions particulières/ a) Les vins blancs (…) sont présentés avec la mention correspondant à la teneur présente dans le vin, telle qu’elle est définie par la règlementation communautaire./ b) La dénomination géographique « Haut-Benauge » est inscrite immédiatement après le nom de l’appellation d’origine contrôlée « Bordeaux » en caractères dont les dimensions, aussi bien en hauteur qu’en largeur, ne devront pas dépasser celles des caractères de ladite appellation d’origine contrôlée./ c) L’étiquetage des vins bénéficiant de l’appellation d’origine contrôlée peut préciser l’unité géographique plus grande « Vin de Bordeaux ». (…) ». 12. Les requérants soutiennent que le nom d’un domaine viticole ou d’une exploitation ne constitue pas une unité géographique plus petite, au sens de l’article 67 précité du règlement 607/2009, dès lors qu’une exploitation viticole ne constitue pas un ensemble homogène et continu et ne relève pas d’un découpage administratif. Toutefois, si les dispositions précitées du décret du 4 mai 2012 relatif à l’étiquetage et la traçabilité des produits vitivinicoles précisent que l’étiquetage des vins bénéficiant d’une appellation d’origine peuvent, sous certaines conditions, comporter des mentions désignant l’exploitation dont ils proviennent, c’est à juste titre que le tribunal a considéré, au regard des dispositions précitées, que l’utilisation du nom d’une exploitation viticole en complément du nom d’une AOP, et notamment lorsque le nom de cette exploitation est directement issu d’un toponyme ou d’un détournement de lieu-dit, comme par exemple « Le Bordeaux de X » ou « Le Saint-Emilion de X », tend à faire croire à l’existence d’une mention géographique complémentaire plus petite dans l’appellation « Bordeaux ». La circonstance que le nom d’un domaine viticole ou d’une exploitation ne saurait constituer, en droit, une unité géographique plus petite au sens des points a) à d) du 3. de l’article 67 du règlement (CE) n° 607/2009 est indifférente sur la possibilité qu’une telle dénomination commerciale induise un consommateur raisonnablement averti en erreur et l’amène à considérer qu’existe une telle mention géographique plus petite. Par suite le moyen doit être écarté. 13. En dernier lieu, aux termes de l’article L. 121-2 du code de la consommation : « Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes : 1° Lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d'un concurrent ; 2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants : a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ; b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service (…) ». 14. Ainsi que le soutiennent les requérants et intervenants, si la qualification du délit de pratique commerciale douteuse résulte d’une décision effectuée, au cas par cas, par les juridictions répressives, la lettre du 22 juin 2018 n’a, contrairement à ce qui est soutenu, méconnu ni le sens ni la portée des dispositions de l’article L. 121-2 du code de la consommation en considérant, « sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux » que des dénominations commerciales comme « Le Bordeaux de Y » marquent l’origine et l’appartenance ou la correspondance de ce vin à « Y » ou au « château Y » pour un consommateur raisonnablement averti, et que l’utilisation d’une telle dénomination commerciale, par le risque de confusion qu’elle pouvait créer dans l’esprit du consommateur était susceptible de relever du délit de pratique commerciale trompeuse sur l’origine du vin, ses qualités substantielles et sa compositions au sens de l’article L. 121-2 du code de la consommation lorsque ces vins résultent d’assemblage de vins de différentes origines, eu égard notamment aux conditions d’usage d’une appellation d’origine qui sont distinctes des conditions d’utilisation d’une marque collective. 15. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de saisir la CJUE d’une question préjudicielle, que le X* et autres ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande. Sur les frais liés à l’instance : 16. La SAS HPO*, la SAS Les NdeM* et M. Pascal O*, qui ont présenté des observations dans la présente instance, n’ont pas la qualité de partie. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à leur charge le versement de la somme que demande l’INAO au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées au titre de ces mêmes dispositions par la SAS HPO*, la SAS Les NdeM* et M. Pascal O* doivent également être rejetées. 17. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de l’Etat et de l’INAO, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, au titre des frais exposés par le X*, l’Y* et l’Z* et non compris dans les dépens. 18. Il y a lieu, en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge du X*, de l’Y* et de l’Z*, la somme de 1 500 euros à verser à l'Institut national de l'origine et de la qualité.

DECIDE :

Article 1er : L’intervention de la SAS HPO*, de la SAS Les NdeM* et de M. Pascal O* est admise. Article 2 : La requête du X*, de l’Y* et de l’Z* est rejetée. Article 3 : Le X*, l’Y* et l’Z*, pris ensemble, verseront à l'Institut national de l'origine et de la qualité la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties et des intervenants est rejeté.