Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par cinq requêtes distinctes, le comité d’entreprise de la société Fenwal France SAS et autres ont demandé au tribunal administratif de Limoges d’annuler la décision du 22 juin 2015 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi du Centre a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) de la société Fenwal France SAS.

Par un jugement n° 1501366, 1501372, 1501401, 1501427, 1501433 du 29 octobre 2015, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2015 sous le n° 15BX03992, le comité d’entreprise de la société Fenwal France SAS et autres, représentés par Me Campagnolo, demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 29 octobre 2015 ;

2°) d’annuler la décision du 22 juin 2015 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi du Centre a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l’emploi de la société Fenwal France SAS ;

3°) de mettre solidairement à la charge de l’Etat et de la société Fenwal France SAS, au profit de chacun des requérants, le versement de la somme de 1 200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

II. Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2015 sous le n° 15BX04215, Mme A==, Mme C== et Mme V==, salariées de la société, représentées par Me Campagnolo, demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 29 octobre 2015;

2°) d’annuler la décision du 22 juin 2015 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi du Centre a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l’emploi de la société Fenwal France SAS ;

3°) de mettre solidairement à la charge de l’Etat et de la société Fenwal France SAS, au profit de chacune des requérantes, le versement de la somme de 1 200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

………………………………………………………………………………………

Considérant ce qui suit :

1. La société Fenwal France SAS, située à La Châtre (Indre), appartient à la division « medical devices » (dispositifs médicaux) de la branche Fresenius Kabi du groupe Fresenius, spécialisé dans les produits et services de santé. Elle a pour activité la fabrication de poches à sang et, en qualité de sous-traitante d’une autre société, de produits d’inactivation d’éléments pathogènes. Le 18 novembre 2014, la société Fenwall France SAS a informé l’unité territoriale de l’Indre de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi du Centre, de l’ouverture de la procédure d’information-consultation en vue d’un licenciement économique collectif concernant 338 des 461 emplois permanents, lié à l’abandon de l’activité de fabrication de poches à sang dans le but de préserver sa compétitivité. En cours de procédure, l’employeur a modifié son projet, ramenant à 293 le nombre d’emplois concernés, dont 203 postes d’opérateurs, après avoir identifié de nouvelles activités pouvant être développées sur le site, consistant notamment dans un processus d’homologation d’un nouveau dispositif de poches à sang en vue de participer à un appel d’offres de l’Etablissement français du sang et dans le transfert sur le site de La Châtre de la production de solutions ACDA, antérieurement fabriquées sur un autre site du groupe. Le 29 avril 2015, l’administration a refusé d’homologuer le document unilatéral élaboré en ce sens par la société Fenwal France SAS, au motif que le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient reçu tardivement, le jour même de leurs dernières réunions respectives, les documents nécessaires à leur consultation, concernant les modifications apportées en cours de procédure au plan de sauvegarde de l’emploi. Après une nouvelle consultation de ces instances, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi du Centre a homologué, par décision du 22 juin 2015, le document unilatéral déposé par l’entreprise. Le comité d’entreprise de la société Fenwal France SAS ainsi que 274 salariés de l’entreprise, dont l’emploi est impacté par le projet, ont demandé au tribunal administratif de Limoges l’annulation de la décision du 22 juin 2015. Par une requête, enregistrée sous le n° 15BX03992, le comité d’entreprise de la société Fenwal France SAS et 233 autres requérants demandent l’annulation du jugement du tribunal administratif de Limoges du 29 octobre 2015, qui a rejeté leur demande tendant à l’annulation la décision du 22 juin 2015 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi du Centre a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l’emploi de la société Fenwal France SAS. Par une requête, enregistrée sous le n° 15BX04215, Mmes A==, C== et V== concluent aux mêmes fins. Ces deux requêtes étant dirigées contre la même décision et le même jugement, présentant à juger des questions semblables et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne la procédure d’élaboration du plan de sauvegarde pour l’emploi :

2. D’une part, aux termes de l’article L. 1233-61 du code du travail : «Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l’employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. (…) ». Les articles L. 1233 24-1 et L. 1233-24-4 du même code prévoient que le contenu de ce plan de sauvegarde de l’emploi peut être déterminé par un accord collectif d’entreprise et qu’à défaut d’accord, il est fixé par un document élaboré unilatéralement par l’employeur. Enfin, aux termes de l’article L. 1233-57-3 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : « En l'absence d'accord collectif (…) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233 24 4, après avoir vérifié (…) la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (…) ».

3. D’autre part, il résulte des dispositions de l’article L. 1233 28 du code du travail que l’employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique d’au moins dix salariés dans une même période de trente jours doit réunir et consulter, selon le cas, le comité d’entreprise ou les délégués du personnel. A ce titre, le I de l’article L. 1233-30 du même code dispose, s’agissant des entreprises ou établissements qui emploient habituellement au moins cinquante salariés, que : « (…) l'employeur réunit et consulte le comité d'entreprise sur : / 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-15 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi. (…) Le comité d'entreprise tient au moins deux réunions espacées d'au moins quinze jours ». Aux termes de l’article L. 1233-31 du même code : « L’employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. / Il indique: / 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; 2° Le nombre de licenciements envisagé ; 3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ; 4° Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ; 5° Le calendrier prévisionnel des licenciements ; 6° Les mesures de nature économique envisagées » ; que l’article L. 1233-32 dudit code dispose que, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, l’employeur adresse « outre les renseignements prévus à l’article L. 1233-31 (…) le plan de sauvegarde de l’emploi (…) ». Enfin, l’article L. 2323-15 du même code dispose que : « Le comité d’entreprise est saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs. / Il émet un avis sur l’opération projetée et ses modalités d’application dans les conditions et délais prévus à l’article L. 1233-30, lorsqu’elle est soumise à l’obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi. (…) ». En application de l’article L. 1233-34 du même code, le comité d’entreprise peut recourir à l’assistance d’un expert-comptable.

4. Par ailleurs, aux termes de l’article L. 1233-57 du code du travail : « L'autorité administrative peut présenter toute proposition pour compléter ou modifier le plan de sauvegarde de l'emploi, en tenant compte de la situation économique de l'entreprise. / Ces propositions sont formulées avant la dernière réunion du comité d'entreprise. Elles sont communiquées à l'employeur et au comité d'entreprise (…) ». L’article L. 1233-57-7 du même code dispose : « En cas de décision de refus de validation ou d'homologation, l'employeur, s'il souhaite reprendre son projet, présente une nouvelle demande après y avoir apporté les modifications nécessaires et consulté le comité d'entreprise ».

5. Enfin, aux termes de l’article L. 4612-8 du code du travail : « Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail ». En application de l’article L. 4614-12 du même code, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert.

S’agissant de la procédure d’information-consultation des instances représentatives des salariés :

6. Il résulte de l’ensemble des dispositions citées ci-dessus que, lorsqu’elle est saisie par un employeur d’une demande d’homologation d’un document élaboré en application de l’article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d’un plan de sauvegarde de l’emploi, il appartient à l’administration de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, que la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l’homologation demandée que si ces instances ont été mises à même d’émettre régulièrement un avis, d’une part sur l’opération projetée et ses modalités d’application et, d’autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l’emploi. Il appartient à ce titre à l’administration de s’assurer que l’employeur a adressé au comité d’entreprise, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu’il formule ses deux avis en toute connaissance de cause.

7. Il ressort des pièces du dossier que le CHSCT de la société Fenwal France SAS, qui a fait appel à un expert dont le rapport a été rendu le 5 mars 2015, a été réuni à huit reprises entre le 20 novembre 2014 et le 30 mars 2015, date à laquelle il a émis un avis défavorable. Le comité d’entreprise de la société, dont l’expert-comptable a rendu son rapport le 13 mars 2015, a, lui, été réuni à seize reprises entre le 7 novembre 2014 et le 31 mars 2015, date à laquelle il a émis des avis défavorables. Ainsi, dès le début de la procédure, ces instances ont été destinataires d’informations précises et complètes quant aux raisons économiques du projet de licenciement collectif et quant aux modalités des suppressions d’emplois et aux mesures sociales d’accompagnement. Il ressort également des pièces du dossier que ces instances ont reçu en cours de procédure les informations qu’elles ont demandées sur certains points particuliers. En outre, le motif retenu par l’administration pour refuser, le 29 avril 2015, d’homologuer le document unilatéral de l’employeur était tiré de ce que les instances consultées avaient reçu tardivement, le jour même de la réunion, les éléments d’information concernant la version modifiée du plan de sauvegarde de l’emploi sur laquelle elles devaient se prononcer les 30 et 31 mars 2015. Postérieurement à ce refus, le CHSCT et le comité d’entreprise ont été à nouveau consultés, respectivement, les 19 et 28 mai 2015.

8. S’agissant plus particulièrement du CHSCT, il ressort des pièces du dossier que, le 6 novembre 2014, il s’est vu communiquer une note détaillée présentant les objectifs du projet de l’entreprise, les choix d’organisation envisagés, leurs impacts sur les conditions de travail et sur les risques psychosociaux ainsi que les mesures de prévention de ces risques. Tout au long de la procédure, le CHSCT a été destinataire d’informations actualisées sur ces points, notamment par le biais d’une note du 20 janvier 2015 et d’une note du 19 mars 2015. Conformément à l’article L. 4614-12 du code du travail, il a pu avoir recours à un expert, qui a rendu son rapport le 5 mars 2015, le CHSCT ayant ensuite rendu son avis, défavorable, comme cela a été dit ci-dessus, le 30 mars 2015. Par suite, cette instance doit être regardée, lorsqu’elle a à nouveau été consultée le 19 mai 2015 à l’issue du premier refus d’homologation, comme disposant des informations suffisantes lui permettant de rendre un avis éclairé, le fait qu’elle n’ait pas bénéficié d’un rapport d’expertise complémentaire ne l’ayant pas, dans ces conditions, privée d’une information substantielle nécessaire à la prise de son avis, dès lors qu’elle a été parfaitement informée de toutes les modifications apportées au projet au fur et à mesure de son évolution, notamment au moyen de la note complémentaire précitée du 19 mars 2015.

9. S’agissant plus particulièrement du comité d’entreprise, il résulte de ce qui vient d’être dit que le moyen tiré de ce que sa consultation aurait été irrégulière du fait de l’irrégularité de la consultation du CHSCT doit être écarté comme manquant en fait. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le comité d’entreprise a reçu, le 31 mars 2015, une note d’information détaillée sur le nouveau projet de l’employeur. Les circonstances que la société Fenwal aurait été en mesure de proposer plus tôt l’implantation de nouvelles activités et n’a pas fourni d’engagements sur la pérennité des emplois créés ne sont pas de nature à entacher la procédure d’irrégularité quant à l’information du comité d’entreprise. Si les requérants font valoir que le budget du PSE n’ayant été déposé par la société Fenwal que le 20 mars 2015, soit postérieurement à la remise, le 13 mars 2015, du rapport de l’expert-comptable auquel a eu recours le comité d’entreprise, privant ainsi cet expert de certaines informations nécessaires à la rédaction de son rapport, il est constant que l’administration n’a pas été saisie d’une demande d’injonction de la part du comité d’entreprise visant à la communication desdites informations à l’expert. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que le comité d’entreprise a été destinataire du projet de budget adressé le 20 mars 2015 par la société à l’administration. Dans ces conditions, la circonstance que le budget ait été remis par l’entreprise postérieurement au rapport de l’expert-comptable du comité d’entreprise n’est pas de nature à avoir privé cette instance d’éléments nécessaires à la prise de son avis, l’administration soutenant en outre sans être contredite que le budget du PSE est resté constant après la diminution des suppressions de postes. Les requérants font également valoir que ce n’est qu’après le 13 mars 2015 que la société a intégré au projet de réorganisation des solutions d’activités supplémentaires et a fait évoluer certains postes ou certaines catégories socioprofessionnelles et qu’ainsi, l’expert-comptable du comité d’entreprise n’a pu bénéficier de l’ensemble de ces nouveaux éléments, privant ainsi cette instance d’une complète information. Cependant, d’une part, il est constant, que, dès la phase du projet initial, le comité d’entreprise avait été informé des perspectives de développement d’activités nouvelles impactant le nombre de licenciements ainsi que des catégories socio-professionnelles concernées. D’autre part, alors que le processus d’élaboration d’un PSE peut entraîner des évolutions du projet, ni le comité d’entreprise ni son expert-comptable ne peuvent demander à l’employeur la communication de documents qui n’existent pas ou qu’il n’est pas tenu d’établir. Il ne peut ainsi être reproché à la société Fenwal ne leur avoir pas communiqué, dès le début de la procédure, un document décrivant la stratégie vis-à-vis des marchés à développer, un tel document n’ayant pas encore été élaboré et alors qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit la nécessité pour l’expert-comptable du comité d’entreprise d’établir un rapport complémentaire en cas de modification du projet de PSE. Toutefois, si le comité d’entreprise s’était estimé dans l’impossibilité d’émettre un avis lors de la nouvelle consultation du 28 mai 2015, il avait la possibilité de refuser de rendre son avis et de solliciter un rapport complémentaire de l’expert-comptable, faculté dont, aux termes du procès-verbal de ladite réunion, il n’a pas usé. Dans ces conditions, la circonstance que l’expert-comptable ait rendu son rapport avant la modification du projet n’est pas de nature à entraîner une absence d’information du comité d’entreprise sur ces modifications, qui l’aurait mis dans l’impossibilité d’émettre un avis en toute connaissance de cause, ledit comité ayant, comme cela a été dit ci-dessus, été réuni et consulté à de multiples reprises tout au long du processus d’élaboration du PSE et ayant été, au fur et à mesure, informé des évolutions proposées.

10. Les requérants soutiennent encore que les documents soumis au comité d’entreprise ne comportaient pas les courriers de saisine de la commission paritaire nationale pour l’emploi (CPNE), et que l’employeur n’aurait pas informé ladite commission des contours de la modification du PSE. Cependant, il ressort des pièces du dossier, d’une part, que, conformément aux dispositions de l’article 5 de l’accord interprofessionnel du 10 février 1969 relatif à la sécurité de l’emploi, la société Fenwal a saisi la CPNE des industries de la santé, mais également le LEEM, organe représentatif des entreprises du médicament, par courriers du 18 novembre 2014. Alors qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que le défaut de communication au comité d’entreprise des courriers de saisine de ces deux organismes serait constitutif d’un vice de procédure, il ne ressort pas des pièces du dossier que le comité, qui a par ailleurs saisi la Direccte de deux demandes d’injonction, en ait demandé la communication. Il ressort également des pièces du dossier, d’autre part, que, par courrier du 24 mars 2015, la société Fenwal a informé la CPNE des modifications apportées au PSE en vue de la réunion de cette commission le 26 mars 2015.

11. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés d’une insuffisance de l’information du CHSCT, du comité d’entreprise et de la CNPE, ou de ce que la procédure aurait été viciée du fait de l’irrégularité de la consultation du CHSCT et du comité d’entreprise, doivent être écartés.

S’agissant de l’absence de reprise de la procédure d’information-consultation dans son intégralité à la suite de la première décision de refus d’homologation :

12. Les requérants critiquent l’absence de reprise, dans son intégralité, de la procédure d’information-consultation des instances, comité d’entreprise et CHSCT, à la suite de la décision de refus d’homologation du 29 avril 2015, dès lors que l’entreprise se serait contentée de reprendre la procédure « de façon formelle » sans tenir compte des observations formulées par les deux instances précitées.

13. Il résulte des dispositions précitées que le plan de sauvegarde de l’emploi présenté au comité d'entreprise peut être modifié et amélioré dans son contenu, au cours des réunions du comité d'entreprise ou sur proposition de l’administration. La procédure d’information et consultation doit être entièrement reprise si le plan initial proposé ne comporte pas, dès l'origine, des mesures concrètes et précises pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre, en particulier par des mesures de reclassement ; que la procédure doit également être entièrement reprise si la nouvelle version du plan de sauvegarde de l’emploi comporte des modifications substantielles apportées à l’initiative de l’employeur, notamment dans un sens défavorable aux salariés.

14. La version définitive du plan de sauvegarde de l’emploi, amélioré à plusieurs reprises dans le cadre du dialogue avec les instances consultées et avec l’administration, comporte notamment le projet d’implantation de nouvelles activités sur le site de La Châtre conduisant à réduire de 338 à 293 le nombre des emplois impactés par la réorganisation du groupe sans réduction concomitante du budget global de l’opération. Certes, cette nouvelle version prévoit également que les périodes de volontariat, initialement prévues du 28 mai au 8 juillet 2015 pour la première vague et du 21 juillet au 21 septembre pour la seconde vague, sont réduites, respectivement, de douze et vingt jours. Elle prévoit encore la suppression d’un poste d’« expert développement RH » qu’il était initialement prévu de conserver, en compensation du maintien d’un poste de « gestionnaire administratif RH », et la suppression d’un poste d’assistante, catégorie professionnelle qui n’était pas impactée par la version initiale du plan. Toutefois, comme l’ont relevé à bon droit les premiers juges, ces modifications, soit vont dans le sens d’une amélioration du plan initial, soit ne présentent pas un caractère substantiel justifiant la reprise entière de la procédure d’information et consultation impliquant, notamment, deux consultations du comité d’entreprise et du CHSCT, sous réserve que les instances consultées aient été mises en mesure de se prononcer sur ces points en connaissance de cause. En effet, en l’espèce, avant d’introduire une seconde demande d’homologation, la société Fenwal France SAS a procédé à une seule consultation nouvelle de chacune des instances, afin de respecter les délais de communication applicable. La Direccte a, à bon droit, approuvé cette démarche, dans la mesure, d’une part, où ni les motifs de la première décision de refus d’homologation ni les évolutions, favorables aux salariés comme cela vient d’être dit, ne justifiaient une reprise de la procédure depuis le début, et d’autre part, où, comme cela a également été dit ci-dessus, l’information et la consultation du comité d’entreprise et du CHSCT ont été suffisantes et où, comme cela sera exposé ci-dessous, le plan initial comportait des mesures concrètes et précises pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre.

S’agissant de l’insuffisance du projet initial de PSE, tel qu’il a été présenté au comité d’entreprise et au CHSCT:

15. Les requérants font valoir que le projet initial était insuffisant, en ce qu’il ne comprenait pas d’études sur les alternatives possibles au licenciement, sur les possibilités de création d’activités nouvelles par l’entreprise, sur les actions susceptibles de faciliter le reclassement externe ou encore sur les possibilités de diminution du temps de travail et des heures supplémentaires.

16. Il ressort des pièces du dossier que le projet initial a été présenté par la société Fenwal au comité d’entreprise le 16 octobre 2014, sous la forme d’un « Livre I » et d’un « Livre II ». Le premier document présentait les critères et le calendrier des licenciements, ainsi que les mesures d’accompagnement et de reclassement des salariés. Le second, quant à lui, présentait le groupe Fresenius et son activité, le marché des poches à sang et ses tendances ainsi que le projet de cessation des opérations de fabrication desdites poches sur le site de La Châtre. Le 26 mars 2015, le comité d’entreprise a en outre été destinataire d’une note comportant des informations complémentaires au Livre II. De son côté, le CHSCT a également bénéficié d’une note d’information complémentaire le 19 mars 2015.

17. Ainsi, et alors qu’il n’appartient pas au juge administratif de se prononcer sur le motif économique du projet de licenciement collectif, dont il n’appartient qu’au juge du licenciement, le cas échéant ultérieurement saisi, d’apprécier le bien-fondé, il est néanmoins constant, comme l’ont déjà relevé les premiers juges, que cette première version du PSE comportait, notamment à travers son Livre I, un dispositif de départs volontaires avec l’accompagnement d’un cabinet de reclassement, donnant lieu au versement d’indemnités égales à l’indemnité conventionnelle de licenciement à laquelle s’ajoutaient notamment une indemnité supplémentaire de 0,25 mois de salaire brut par année d’ancienneté ainsi qu’une indemnité différentielle de salaire, une aide à la formation ou une aide à l’embauche. Il comportait également un dispositif de fin de carrière avec le versement d’une rente mensuelle pouvant s’étendre sur une durée de six ans maximum. Il comportait aussi des mesures de reclassement interne au groupe sur des postes précisément identifiés en annexe 6, en France et à l’étranger, assorties d’aides à la mobilité géographique, ainsi que des mesures destinées à faciliter et accompagner le reclassement externe des salariés. Par ailleurs, si l’administration, ainsi que le CHSCT et le comité d’entreprise ont demandé notamment que soient étudiées et mises en œuvre une ré-industrialisation du site et des possibilités supérieures de reclassement interne, en particulier sur le site de La Châtre, l’employeur a proposé au mois de mars 2015 une nouvelle version du PSE en ce sens, en prévoyant le développement de nouvelles activités sur le site, consistant notamment dans un processus d’homologation d’un nouveau dispositif de poches à sang en vue de participer à un appel d’offres de l’Etablissement français du sang et dans le transfert sur le site de La Châtre de la production de solutions ACDA, antérieurement fabriquées sur un autre site du groupe. Ainsi, quand bien même ce premier projet tel que modifié une première fois au mois de mars 2015 n’aurait-il pas prévu de mesures de réduction ou d’aménagement du temps de travail, le plan de sauvegarde de l’emploi dans sa version initiale, ne peut être regardé comme n’ayant pas comporté de mesures précises et concrètes, alors en tout état de cause que l’objectif de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi est de renforcer le dialogue social tout au long de la procédure d’élaboration du PSE, que le contenu dudit plan est donc susceptible d’évoluer et d’être renforcé tout au long de cette procédure et que la Direccte contrôle et homologue le document final, c’est-à-dire tel qu’issu de la toute dernière consultation du comité d’entreprise. Par suite, les éventuelles insuffisances dont serait entaché le projet initial sont sans incidence sur la légalité du contrôle opéré in fine par l’administration.

En ce qui concerne le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi :

18. Comme cela a été dit au point précédent, la légalité de la décision contestée doit s’apprécier au regard du contenu du plan de sauvegarde de l’emploi dans sa version définitive et non dans ses versions antérieures.

S’agissant du contrôle de proportionnalité aux moyens du groupe Fresenius :

19. Il résulte des dispositions du code du travail et notamment de l’article L. 1233-57-3 de ce code aux termes duquel « (…) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié (…) le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1 », que, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’homologation d’un document élaboré en application de l’article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l’administration, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l’emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables, en s’assurant notamment du respect par le plan de sauvegarde de l’emploi des dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du même code. A ce titre elle doit, au regard de l’importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l’emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu, d’une part, des efforts de formation et d’adaptation déjà réalisés par l’employeur et, d’autre part, des moyens dont disposent l’entreprise et, le cas échéant, l’unité économique et sociale et le groupe.

20. A ce titre, il revient notamment à l’autorité administrative de s’assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l’emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité. L’employeur doit, à cette fin, avoir identifié dans le plan l’ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l’entreprise. En outre, lorsque l’entreprise appartient à un groupe, l’employeur, seul débiteur de l’obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe. Pour l’ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l’employeur doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation.

21. Les requérants font valoir que l’administration n’aurait fait porter son contrôle qu’au regard des moyens de la seule division Fresenius Kabi et non de l’ensemble du groupe Fresenius, dont elle est une des quatre filiales et qu’il en aurait également été de même en ce qui concerne les reclassements.

22. La décision attaquée fait état de ce que de ce que le PSE porte sur 293 suppressions d’emploi, dès lors que le nombre initial de 338 licenciements a été minoré par les offres de reclassement interne « proposées par le groupe Fresenius ». Quand bien même cette décision ne détaille pas les moyens qui ont été mis en œuvre ou pris en compte, elle mentionne également que les mesures contenues dans le PSE sont adaptées « aux moyens dont disposent l’entreprise Fenwal et le groupe Fresenius ». Par ailleurs, il est constant que le coût prévisionnel de ce plan est entièrement financé par le groupe Fresenius et s’élève à plus de 34,5 millions d’euros. Il ressort également des pièces du dossier que l’administration, pour exercer son contrôle, avait à sa disposition, outre les informations extraites du rapport annuel du groupe Fresenius, toutes activités confondues, disponibles sur internet, les données figurant dans le Livre II du plan de sauvegarde de l’emploi, qui décrit la structure de l’ensemble du groupe et contient un tableau de présentation des résultats dudit groupe, et dans le tome I du rapport du cabinet Apex, expert du comité d’entreprise, concernant le chiffre d’affaires, le bénéfice net, le bénéfice avant impôts et intérêts, et la trésorerie disponible du groupe Fresenius, sur une période de trois ans, ainsi que le nombre approximatif de ses collaborateurs dans le monde. L’administration soutient sans être contredite que ces données n’ont pas été contestées au cours de la procédure d’information et consultation et qu’elle a, pour apprécier le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, opéré une comparaison entre, d’une part, le coût moyen prévisionnel par salarié du plan de sauvegarde de l’emploi, évalué à 122 856 euros en divisant le budget global prévisionnel du plan par le nombre d’emplois supprimés, et d’autre part, le bénéfice avant impôts et intérêts de la société Fenwal France SAS et de la division Fresenius Kabi rapporté au nombre de collaborateurs de ces structures, soit, respectivement, 1 301 et 29 728 euros. Si les requérants font ainsi reproche à la Direccte d’avoir opéré cette comparaison au regard des résultats de la seule filiale Fresenius Kabi, le ministre du travail fait valoir sans être contredit qu’en 2013, année de la comparaison, le résultat avant intérêts et impôts (EBIT) par salarié était plus élevé au sein de la filiale Fresenius Kabi (29 728 euros) qu’au sein du groupe Fresenius pris dans sa globalité (17 074 euros). L’administration soutient également avoir relevé que le coût du plan dépassait largement les capacités de la société et avoir pris en compte les moyens de l’entreprise et du groupe. Elle soutient encore avoir, notamment, pris en considération la réponse positive du groupe Fresenius, en particulier en la personne d’un membre de son directoire, en vue d’abonder le plan. Il ressort en effet des pièces du dossier, ainsi que le soutiennent les requérants, que le chiffre d’affaires et le bénéfice avant impôts et intérêts du groupe Fresenius, qui employait 216 275 collaborateurs en 2014, sont en progression depuis plusieurs années et atteignaient, pour l’exercice clos en 2014, 23 231 000 000 euros et 3 158 000 000 euros, alors que, s’agissant de la société Fenwal France, son chiffre d’affaires a été en 2014 de 58 132 000 euros et son résultat net de 600 000 euros. En outre, le plan en litige propose, ainsi que le relève la décision d’homologation contestée, plus de 100 postes en France, plus de 100 postes dans les autres pays d’Europe et plus de 400 postes aux Etats-Unis au titre du reclassement interne au groupe et il ne ressort pas des pièces du dossier que d’autres emplois disponibles dans l’ensemble du groupe Fresenius auraient été omis dans les propositions établies par l’employeur.

23. Dans ces conditions, d’une part, le PSE doit être regardé comme ayant été mis en œuvre au regard des moyens de l’entreprise, de la filiale Fresenius Kabi et de l’ensemble du groupe. D’autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’administration n’aurait pas exercé son contrôle au regard des données de l’entreprise et de la filiale Fresenius Kabi, mais aussi de l’ensemble du groupe Fresenius, comme en a déjà jugé le tribunal administratif qui n’a pas, à cet égard, renversé la charge de la preuve. Par suite, l’administration n’a ainsi pas méconnu de ce point de vue les dispositions de l’article L. 1233 57-3 du code du travail.

S’agissant de l’existence de mesures précises et concrètes et de l’appréciation qu’en a menée l’administration :

24. En premier lieu, le plan de sauvegarde de l’emploi soumis à l’administration, propose, comme cela a été dit ci-dessus, plus de 100 postes en France et plus de 500 postes à l’étranger au titre du reclassement interne à l’ensemble du groupe Fresenius. La société soutient que 40 des postes proposés en France s’adressent à des salariés titulaires au plus d’un niveau CAP ou bac, dont 18 ne nécessitent aucune qualification et que 235 de ceux proposés aux Etats-Unis correspondent à un faible niveau de qualification, tandis que les salariés de la société sont à 9 % sans qualification, à 15 % titulaires d’un niveau CEP/BEPC, à 40,6 % titulaires d’une qualification CAP/BEP et à 18 % titulaires d’un niveau bac. Si les requérants contestent ces données, ils n’apportent aucun élément de nature à remettre en cause ces chiffres qui ne sont démentis ni par les fiches de postes figurant au plan ni par l’étude réalisée par l’expert du comité d’entreprise quant au niveau de qualification des salariés. Dans ces conditions, l’employeur ne peut être regardé comme n’ayant pas procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement interne compatibles avec le profil des salariés concernés.

25. En deuxième lieu, le plan prévoit également un dispositif de reclassement interne comportant notamment une prime d’installation de 5 000 euros, la prise en charge des frais de déménagement, l’accompagnement du conjoint, la prise en charge de formations d’adaptation, une indemnité différentielle de salaire et une indemnité incitative représentant trois mois de salaire brut. Il prévoit également des structures d’accompagnement et notamment un espace information conseil animé par un cabinet spécialisé, une permanence psychologique et un espace mobilité emploi en vue d’accompagner les projet de reclassement externe, notamment en matière de formation et d’aide à la recherche d’emploi. Le cabinet chargé d’animer l’espace mobilité emploi s’est engagé à proposer à chaque salarié recherchant un emploi deux offres fermes d’emploi.

26. En troisième lieu, le plan en litige met en place un dispositif de départ volontaire, avec notamment la prise en charge de formations, une indemnité différentielle de salaire et une aide à la création ou la reprise d’entreprise et un dispositif transitoire de fin de carrière permettant aux opérateurs de plus de 55 ans et aux autres salariés de plus de 57 ans de disposer d’un revenu égal à 80 % de leur salaire brut de base dans la limite de 2 500 euros bruts, jusqu’à l’âge de leur départ à la retraite, pendant une durée maximale de sept ans, dispositif de fin de carrière qui ne peut être regardé comme insuffisamment incitatif comme le font valoir les requérants.

27. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les dispositifs de formation sont définis avec précision par le plan, les requérants ne précisant d’ailleurs pas en quoi le plan entretiendrait une confusion entre bilan de compétences et bilan professionnel.

28. En cinquième lieu, le plan prévoit un congé de reclassement de douze mois pour les salariés de moins de 50 ans et de quinze mois pour les salariés de 50 ans et plus avec une possibilité de prolongation en cas de difficultés de retour à l’emploi.

29. Il résulte de ce qui précède que, comme l’ont estimé à juste titre les premiers juges, si le groupe Fresenius dispose d’importants moyens, si la période de volontariat a été réduite de plusieurs jours dans la dernière version du plan de sauvegarde de l’emploi et si la prolongation du congé de reclassement est subordonnée à une décision finale de la direction de la société Fenwal France SAS et à supposer même que, comme le soutiennent les requérants, certains salariés n’auraient pas eu régulièrement des entretiens professionnels, l’administration, qui a, comme cela a déjà été dit, tenu compte des moyens dont disposent l’entreprise et le groupe, a pu légalement estimer qu’au regard de l’importance du projet de licenciement, les mesures contenues dans le plan étaient précises et concrètes et qu’elles étaient, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire aux objectifs de maintien dans l’emploi et de reclassement des salariés, compte tenu, notamment, des moyens de l’entreprise et du groupe et n’a, ainsi, pas méconnu à cet égard les dispositions de l’article L. 1233 57-3 du code du travail.

S’agissant des critères d’ordre des licenciements :

30. Aux termes de l’article L. 1233-5 du code du travail : « Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. / Ces critères prennent notamment en compte : 1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ; 2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ; 3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; 4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. / L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article (…) ».

31. Aucune disposition législative ou réglementaire, et, en particulier aucune disposition du code du travail, n’interdit que la pondération des critères d’ordre définis par le plan de sauvegarde de l’emploi avantage les salariés ayant des charges de famille par rapport aux salariés les plus âgés. Au demeurant, la pondération prévue dans la version définitive du plan n’attribue une faible pondération du critère d’âge que pour les salariés pouvant bénéficier du dispositif transitoire de fin de carrière (deux points) et attribue une forte pondération (huit points) aux salariés les plus âgés mais ne pouvant bénéficier de ce dispositif. En tout état de cause, comme l’a déjà relevé le tribunal administratif, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces modalités de pondération des critères d’ordre, tels qu’ils ont été établis dans la version définitive du document unilatéral soumis à l’homologation de l’administration méconnaîtraient des engagements pris par l’employeur au cours de la réunion du comité d’entreprise du 26 février 2015.

S’agissant des autres moyens :

32. En premier lieu, le ministre du travail et la société Fenwal France SAS soutiennent sans être contredits que le coût prévisionnel du plan de sauvegarde de l’emploi, d’un montant global de plus de 34,5 millions d’euros, n’a pas été modifié après le 3 mars 2015, date à laquelle il a été communiqué à l’administration, malgré la réduction ultérieure du nombre des suppressions de postes. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’administration n’aurait pas eu à sa disposition un budget actualisé pour opérer le contrôle qui lui incombe et prendre sa décision.

33. En second lieu, en indiquant que la deuxième vague de licenciement interviendrait à partir du 10 octobre 2015, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi n’a pas entaché sa décision d’erreur de fait, dès lors que le plan de sauvegarde de l’emploi, en page 16, dans sa version définitive, mentionnait que cette deuxième vague interviendrait au dernier trimestre 2015.

34. Il résulte de tout ce qui précède que le comité d’entreprise de la société Fenwal France SAS et les 236 autres salariés appelants ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leurs demandes.

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

35. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat et de la société Fenwal France SAS, qui ne sont pas les parties perdantes dans les présentes instances, le versement des sommes que demandent les requérants au titre des frais d’instance exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge des requérants les sommes que demande la société Fenwal France SAS sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes du comité d’entreprise de la société Fenwal France SAS et des 236 salariés sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de la société Fenwal France SAS tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.