Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 9 septembre 2013, M. M== P== a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler l’arrêté du maire de Bordeaux en date du 1er juillet 2013 décidant d’exercer son droit de préemption sur l’immeuble situé 85 quai de Brazza.

Par un jugement n° 13603234 en date du 7 mai 2015, le tribunal, statuant au fond, a annulé l’arrêté de préemption du 1er juillet 2013.

Procédures devant la cour :

I°) Par une requête, enregistrée au greffe de la cour sous le n° 15BX02085 le 19 juin 2015, la commune de Bordeaux, représentée par Me Borderie, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1303234 du 7 mai 2015 ;

2°) de rejeter la demande de M. P== devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

3°) de mettre à la charge de M. P== la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Considérant ce qui suit :

1. La commune de Bordeaux, par un arrêté du 1er juillet 2013, a exercé le droit de préemption urbain que lui a délégué la communauté urbaine de Bordeaux sur un ancien site industriel situé sur la parcelle cadastrée section AD 20 au niveau du 85 quai de Brazza et dont la vente a été ordonnée par le tribunal de commerce de Bordeaux, dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire de l’exploitant, au profit de M. P==. La commune de Bordeaux relève appel du jugement du 7 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé, sur la demande de M. P==, la décision du 1er juillet 2013, et demande le sursis à exécution de ce jugement.



2. Les requêtes enregistrées sous les numéros 15BX02085 et 15BX02227 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur la régularité du jugement :

3. La commune de Bordeaux soutient que le jugement n’est pas suffisamment motivé dans la mesure où les premiers juges n’ont pas indiqué en quoi l’exercice du droit de préemption serait exclu de la définition de la « gestion du patrimoine immobilier communal » pour laquelle le signataire de l’arrêté en litige dispose d’une délégation de signature du maire parfaitement régulière.

4. Toutefois, il ressort des termes mêmes du jugement que les premiers juges ont annulé l’arrêté du 1er juillet 2013 en relevant que par arrêté du 1er février 2011, le maire de la commune de Bordeaux a donné délégation de signature à M. Hugues Martin, adjoint au maire et signataire de l’arrêté attaqué, à l’effet de signer « tous les actes relevant de son champ de délégation », à savoir les « finances et l’administration générale (notamment état civil, recensement, organisation des élections, cimetières, la gestion du patrimoine immobilier communal, les affaires juridiques et informatiques) ». En en concluant que M. Martin n’était pas compétent pour signer la décision du 1er juillet 2013 « faute de disposer d’une délégation de signature incluant précisément le droit de préemption urbain », les premiers juges ont nécessairement reconnu qu’une telle délégation devait porter expressément sur ce droit, et ainsi suffisamment répondu au moyen dont ils étaient saisis en défense par la commune.

Sur la légalité de la décision du 1er juillet 2013 :

5. Aux termes de l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales: « Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (…) 15° d’exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l’urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l’exercice de ces droits à l’occasion de l’aliénation d’un bien selon les dispositions prévues au premier alinéa de l’article L. 213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal (…) » . Aux termes de l’article L.2122-18 du même code : « Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d'une délégation à des membres du conseil municipal. ».

6. Il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 21 mars 2008, le conseil municipal de Bordeaux a délégué au maire l’exercice « au nom de la commune des droits de préemption définis par le code de l’urbanisme dont la ville peut être délégataire en application de l’article L. 213-3 de ce même code. ». Par un arrêté du 26 juin 2013, la communauté urbaine de Bordeaux a délégué à la commune de Bordeaux son droit de préemption urbain en vue de l’acquisition du terrain cadastré section AD 20 situé au niveau du 85 quai de Brazza. L’arrêté du 1er juillet 2013 en litige exerçant le droit de préemption de la ville sur ce terrain a été signé par M. Hugues Martin, auquel le maire de Bordeaux a donné délégation par un arrêté du 1er février 2011, en sa qualité d’« adjoint au maire chargé des finances, de l’administration générale (notamment état civil, recensement, organisation des élections, cimetières, gestion du patrimoine immobilier communal, affaires juridiques et informatiques) » aux fins de signer « tous actes relevant de son champ de délégation ». Cette délégation ne mentionne pas l’exercice du droit de préemption, lequel ne constitue pas, contrairement à ce que soutient la commune, une modalité de gestion du patrimoine immobilier communal, mais un mode d’accroissement de ce patrimoine, soumis au demeurant, compte tenu de l’atteinte qu’il porte aux libertés individuelles, à une procédure spéciale qui encadre ses conditions d’exercice et justifie qu’en cas de délégation consentie pour l’exercice de ce droit, il en soit fait mention expresse dans la décision. Dans ces conditions, les premiers juges, qui ne se sont pas crus tenus par la décision du Conseil d’Etat du 2 mai 2014 ayant suspendu, dans le cadre de l’office du juge des référés, l’exécution de l’arrêté du 1er juillet 2013, ont pu estimer à juste titre, dans les circonstances de l’espèce, que le signataire de cet arrêté ne disposait pas d’une délégation portant sur l’exercice du droit de préemption.

7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bordeaux n’est pas fondée à demander l’annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er juillet 2015.

Sur les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement :

8. Le présent arrêt statue au fond sur les conclusions de la commune de Bordeaux. Par suite, les conclusions de cette commune tendant au sursis à exécution du jugement attaqué ont perdu leur objet.

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties sur le fondement de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 15BX02085 de la commune de Bordeaux est rejetée.

Article 2 : Il n’y a pas lieu de statuer sur la requête n° 15BX02227.

Article 3 : Les conclusions de M. P== au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.