Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés Nofram, Guiban, Direco et Thyssen ont demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner le centre hospitalier du Lamentin et la société d’équipement de la Martinique (SODEM) à leur verser diverses sommes au titre du règlement du marché afférent à la construction d’un bâtiment destiné à abriter notamment les services de néphrologie, correspondant à des intérêts moratoires, à des retenues de garantie et aux demandes indemnitaires figurant dans les mémoires en réclamation.

Par un jugement n° 0200435 en date du 19 juillet 2013, le tribunal administratif de la Martinique a condamné le centre hospitalier du Lamentin à verser, outre les frais d’expertise, d’une part, à la société NFI les sommes, majorées des intérêts et de la capitalisation des intérêts, de 553 985,54 euros à titre d’indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires induites par la prolongation des délais de construction du bâtiment destiné à héberger le service de néphrologie, hémodyalise et hématologie, de 17 454,05 euros au titre de la révision des prix et de 28 804,68 euros au titre de la retenue de garantie non libérée et, d’autre part, à la société Guiban, les intérêts et la capitalisation des intérêts sur les situations mensuelles de travaux répertoriées à l’annexe VII-2 du rapport de l’expert.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2013, et des mémoires, enregistrés les 4 août 2014 et 7 décembre 2014,le centre hospitalier régional de la Martinique, venant aux droits du centre hospitalier du Lamentin, représenté par Me Mbouhou, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0200435 en date du 19 juillet 2013 du tribunal administratif de Martinique ;

2°) de donner acte du désistement des sociétés Thyssen et Direco ;

3°) de rejeter les demandes des sociétés Guiban, Nofram et NFI ;

4°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l’attente de la décision de la juridiction judiciaire afférente à la cession de créances, et de limiter les condamnations aux intérêts moratoires sur les situations mensuelles, à l’indemnisation des renforts d’effectifs entre le 24 septembre et le 30 novembre 1997 et à une révision de prix jusqu’à la réception ;

5°) d’ordonner la production de la liste des créances de la société Nofram arrêtée dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire, ainsi que la production des compte-rendus des opérations d’ordonnancement, de coordination et de pilotage du chantier.

6°) de condamner in solidum la maîtrise d’œuvre, les sociétés SODEM et Egis et le contrôleur technique à le relever de toute condamnation prononcée à son encontre ;

7°) de mettre les dépens à la charge, in solidum, de l’ensemble des intimés ;

8°) de mettre à la charge de la société NFI la somme de 7 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 35 euros en remboursement du droit de timbre ;

9°) de mettre à la charge de chaque partie appelée en garantie la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier.

Vu : - le code civil ; - le code de commerce ; - le code général des impôts, notamment son article 1635 bis Q ;

- le code des marchés publics
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- l’arrêté du 17 janvier 1991 relatif aux intérêts moratoires dus en application du code des marchés publics ; - le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Paul-André Braud, - les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public, - les observations de Me Baudelot, avocat de la société Guiban, de la société Thyssen, de la société Nouvelle Direco Antilles Guyane et de Nord France International ainsi celles de Me Milon avocat de M. Jérôme Nouel.

Considérant ce qui suit :



1. Le centre hospitalier du Lamentin a décidé en 1996 de lancer la construction d’un bâtiment de deux niveaux en sous-sol, rez-de-chaussée et deux étages, destiné à abriter le nouveau service de néphrologie-hémodialyse-hématologie. Il a délégué la maîtrise d’ouvrage à la société d’équipement de la Martinique (SODEM). La maîtrise d’œuvre a été attribuée à un groupement composé de la société d’architectes Athias et Copin, du bureau d’études Sogelerg Ingénierie, et de MM. Pierre Lebigre et Jérôme Nouel, architectes, ce dernier ayant la qualité de mandataire du groupement. La mission d’organisation, de pilotage et de coordination (OPC) a été confiée à la SARL OTH Antilles-Guyane, tandis que le contrôle technique a été confié à la société Contrôle et prévention (CEP). Ce marché était composé de 18 lots. Les lots n° 1, 2, 3, 4, 8 et 11 ont été attribués à la SNC Nofram. Les autres lots, à l’exception du lot n° 14, ont été attribués à des groupements composés de la SNC Nofram, qui a systématiquement la qualité de mandataire du groupement, et, pour les lots n° 5, 6 et 7 de la SARL Direco, pour les lots n° 9 et 10 de la société Somag, pour les lots n° 12, 13 et 15 de la SA Guiban, pour le lot n° 16 de la société Sema, pour le lot n° 17 de la société Alcatel et pour le lot n° 18 de la SAS Thyssen. Le marché prévoyait une durée d’exécution de dix-huit mois, l’ordre de démarrage des travaux du 28 février 1997 impliquant donc une livraison du bâtiment le 31 août 1998. Les travaux ont été réceptionnés le 30 juin 1999, et le maître d’ouvrage a accordé par avenants aux entreprises une prolongation de délai couvrant les dix mois de retard. La SNC Nofram a, en ses qualités de titulaire de lots ou de mandataire de groupements titulaires de lots, signé avec réserves les décomptes généraux. Les mémoires en réclamation ont été implicitement rejetés. Par une requête collective réelle et personnelle, les sociétés Nofram, Guiban, Direco et Thyssen ont saisi le tribunal administratif de la Martinique afin d’obtenir la restitution des retenues de garantie des lots n° 9 et 10 ainsi que la condamnation du centre hospitalier du Lamentin à verser respectivement aux sociétés Nofram, Guiban, Direco et Thyssen, les sommes globales de 1 958 047,23 euros, de 38 647,20 euros, de 25 539,94 euros et de 32 586,48 euros au titre du règlement du marché et des intérêts moratoires afférents. Par un protocole de cession de créances en date du 22 juillet 2004, la SNC Nofram a notamment cédé les créances qu’elle détenait au titre du chantier de l’hôpital du Lamentin à la SAS Nord France International (NFI), laquelle a de ce fait repris l’instance initiée par la SNC Nofram. Par un jugement avant-dire droit en date du 17 décembre 2009, le tribunal administratif de Martinique a ordonné la réalisation d’une expertise. Le juge des référés de ce tribunal a, par une ordonnance en date du 24 janvier 2012, rejeté la demande de la SODEM tendant notamment à l’extension des opérations d’expertise au groupement de maîtrise d’œuvre. Le centre hospitalier du Lamentin a, le 1er janvier 2013, fusionné avec le centre hospitalier universitaire de Fort-de-France au sein du centre hospitalier régional de la Martinique. Ce dernier relève appel du jugement du tribunal administratif de la Martinique en date du 19 juillet 2013 condamnant le centre hospitalier du Lamentin à verser diverses sommes à la société NFI et à la société Guiban et renvoyant à une autre instance l’examen des conclusions d’appel en garantie formées par le centre hospitalier du Lamentin et la SODEM.

Sur l’intervention de la société Nord France International :

2. Ainsi que rappelé au point 1, la société NFI a, devant le tribunal administratif de Martinique, repris l’instance initiée par la société Nofram et a de ce fait acquis la qualité de partie à l’instance. Par voie de conséquence, la société NFI a conservé la qualité de partie pour l’appel de cette instance. Sa demande d’intervention, présentée par mémoire enregistré le 3 février 2014, ne saurait dès lors être admise.

Sur le désistement d’office :

3. Aux termes de l’article R. 612-5 du code de justice administrative : « Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, si le demandeur, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, n'a pas produit le mémoire complémentaire dont il avait expressément annoncé l'envoi ou, dans les cas mentionnés au second alinéa de l'article R. 611-6, n'a pas rétabli le dossier, il est réputé s'être désisté. ». Il résulte de ces dispositions que la mise en demeure au demandeur de produire le mémoire complémentaire qu’il a annoncé n’est obligatoire, à peine d’irrégularité de la procédure, que dans le cas où les juges du fond entendent prononcer un désistement faute de production de ce mémoire. Dans les autres cas, les juges du fond, auxquels il appartient de décider si l’instruction contradictoire de l’affaire peut être utilement engagée avant la production du mémoire complémentaire annoncé, ne sont jamais tenus de fixer un délai au demandeur pour la production de ce mémoire, ni de lui adresser une mise en demeure afin qu’il le produise.

4. Si dans sa requête introductive d’instance, enregistrée au greffe de la cour le 24 octobre 2013, le centre hospitalier régional de la Martinique a annoncé la production d’un mémoire complémentaire « afin de développer et de préciser les moyens sommairement développés », aucune mise en demeure tendant à la production de ce mémoire ne lui a été adressée. Par suite, et contrairement à ce que soutient la société Guiban, le centre hospitalier régional de la Martinique ne peut être réputé s’être désisté de sa requête devant la cour, qu’il a au demeurant développée ultérieurement.

Sur la recevabilité de l’appel :

5. En premier lieu, aux termes de l’article R. 411-1 du code de justice administrative : « La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge (…) ». Aux termes de l’article R. 811-13 de ce code : « Sauf dispositions contraires prévues par le présent titre, l'introduction de l'instance devant le juge d'appel suit les règles relatives à l'introduction de l'instance de premier ressort définies au livre IV (…) ».

6. La requête introductive d’instance du centre hospitalier régional de la Martinique contient l’exposé des faits et moyens ainsi que l’énoncé des conclusions, notamment l’annulation du jugement pour irrégularité, satisfaisant ainsi aux prescriptions de l’article R. 411-1 du code de justice administrative. Les seules circonstances tirées de l’annonce d’un mémoire complémentaire développant les moyens sommairement énoncés dans la requête et de l’absence de critique de ceux des motifs du jugement fondant la condamnation du centre hospitalier au profit de la société Guiban ne sauraient caractériser un défaut de motivation de la requête. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société Guiban ne peut qu’être rejetée.

7. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 811-2 du code de justice administrative : « Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie (…) ». Aux termes de l’article R. 811-5 du même code : « Les délais supplémentaires de distance prévus à l'article R. 421-7 s'ajoutent aux délais normalement impartis (…) ». Aux termes de l’article R. 421-7 de ce code : « Lorsque la demande est portée devant un tribunal administratif qui a son siège en France métropolitaine ou devant le Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort, le délai de recours prévu à l'article R. 421-1 est augmenté d'un mois pour les personnes qui demeurent (…) à la Martinique (…) ».

8. La société Nord France International (NFI) soutient que le centre hospitalier régional de la Martinique n’a pas présenté de conclusions dirigées à son encontre avant l’expiration du délai d’appel. Il ressort de la requête introductive d’instance que le centre hospitalier régional de la Martinique demande l’annulation du jugement attaqué prononçant sa condamnation à verser diverses sommes à la société NFI et le rejet des demandes de cette société. Dans cette requête, seul mémoire du centre hospitalier régional du Lamentin présenté avant l’expiration du délai d’appel, la société NFI est désignée comme étant « la société NFI en liquidation depuis le mois d’octobre 2013 », précision étant apportée que dans l’exposé des faits, le centre hospitalier évoque la « société Nord France International (ci-après dénommée NFI) ». S’il résulte de l’instruction que c’est la société NFI-Nord France Martinique, et non la société Nord France International, qui était en liquidation judiciaire à cette date, le centre hospitalier régional de la Martinique doit être regardé, en l’absence de tout autre élément permettant d’identifier la société NFI visée dans sa requête introductive d’instance et donc d’affirmer qu’il s’agirait de la société NFI-Nord France Martinique, comme ayant dirigé ses conclusions, contre la société NFI bénéficiaire du jugement attaqué, à savoir la société Nord France International, nonobstant la mention erronée de l’existence d’une procédure de liquidation judiciaire. Par suite, et alors que la procédure a été communiquée par la cour successivement aux deux sociétés, que l’avocate de la société Nord France International n’ignorait rien de la procédure dès lors qu’elle représentait aussi la société Guiban, et que la date tardive de la deuxième communication est sans influence sur la recevabilité de l’appel du centre hospitalier, cette fin de non-recevoir ne peut qu’être rejetée.

9. En troisième lieu, aux termes de l’article R. 431-2 du code de justice administrative : « Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, lorsque les conclusions de la demande tendent au paiement d'une somme d'argent, à la décharge ou à la réduction de sommes dont le paiement est réclamé au requérant ou à la solution d'un litige né d'un contrat (…) ». Si le centre hospitalier régional de la Martinique a entendu contester le mandat que détiendrait Me Baudelot pour représenter les sociétés Nord France International, Guiban, Direco Antilles Guyane et Thyssenkrupp, cette dernière venant aux droits de la société Thyssen, il résulte des dispositions précitées que les avocats ont qualité pour représenter une partie devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel sans avoir à justifier du mandat par lequel ils ont été saisis par leur client.

Sur la régularité du jugement attaqué :

10. Le centre hospitalier régional de la Martinique reproche au tribunal administratif de ne pas avoir examiné ses demandes « tendant à la mise en cause de certains prestataires du maître d’ouvrage ».

11. D’une part, par un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Martinique le 29 octobre 2012, le centre hospitalier du Lamentin a appelé en garantie des condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre plusieurs prestataires, dont le contrôleur technique. Il résulte de l’instruction, et notamment de l’article 9 du jugement attaqué, qu’en dépit de cette demande, la société CEP, contrôleur technique, n’a pas été appelée à l’instance et ne s’est pas vue notifier le jugement attaqué.

12. D’autre part, en décidant que les appels en garantie présentés par le centre hospitalier du Lamentin et la Sodem seront enregistrés dans le cadre d’une autre instance et jugés ultérieurement, alors qu’il n’est fait état d’aucun motif justifiant cette disjonction et qu’au demeurant il ne résulte pas de la réponse du greffe du tribunal administratif de la Martinique à une demande de la cour qu’une autre instance ait été enregistrée pour le traitement de ces conclusions, le tribunal administratif a méconnu la règle applicable, même sans texte, à toutes les juridictions de l’ordre administratif et d'après laquelle, sauf dans le cas où un incident de procédure y fait obstacle, ces juridictions ont l'obligation d'épuiser définitivement leur pouvoir juridictionnel en statuant sur toutes les conclusions présentées devant elles.

13. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens invoqués à ce titre, que le jugement attaqué est entaché d’irrégularités de nature à entraîner, compte tenu de l’importance d’un examen complet des responsabilités, son annulation. Si la société SODEM s’oppose à l’évocation, le centre hospitalier a saisi la cour de demandes au fond. Dans ces conditions, et compte tenu en particulier de la durée de l’instance devant le tribunal, il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes des sociétés NFI, Guiban, Direco et Thyssen.

Sur les conclusions à fin de désistement :

14. La société Thyssen et la société nouvelle Direco Antilles Guyane ont, par mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Martinique le 2 septembre 2011, déclaré se désister de la présente instance. Ces désistements étant purs et simples, rien ne s’oppose à ce qu’il en soit donné acte.

Sur la recevabilité de la demande :

En ce qui concerne la société Nofram :

15. Aux termes de l’article L. 641-9 du code de commerce : « (…) Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur (...) ».

16. Le centre hospitalier soutient que seul le liquidateur judiciaire pouvait intenter une action en justice pour le compte de la société Nofram. Toutefois, la recevabilité d’une requête adressée au tribunal administratif doit s’apprécier à la date de son introduction devant les premiers juges. En l’espèce, la demande de la société Nofram a été enregistrée le 26 décembre 2002, antérieurement à sa liquidation judiciaire, laquelle date du 5 décembre 2006 et l’instance a été reprise par la société NFI par mémoire enregistré le 4 septembre 2006. Dans ces conditions, la requête n’avait pas à être présentée par le liquidateur judiciaire et la fin de non-recevoir ainsi opposée ne peut qu’être rejetée.

En ce qui concerne la société NFI :

17. Aux termes de l’article 1690 du code civil : « Le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur (…) ». Aux termes de l’article 1691 de ce code : « Si, avant que le cédant ou le cessionnaire eût signifié le transport au débiteur, celui-ci avait payé le cédant, il sera valablement libéré. ».

18. Le centre hospitalier soutient que la société NFI ne justifiait pas d’un intérêt lui donnant qualité pour agir au motif que les formalités prévues à l’article 1690 du code civil en matière de cession de créances n’auraient pas été respectées, de sorte que la créance détenue par la société NFI ne lui était pas opposable. Il résulte de l’instruction que la cession au profit de la société NFI de la créance que la société Nofram détenait au titre du présent marché a été notifiée à la SODEM, dont le directeur a, pour le marché en cause, la qualité de comptable assignataire de la dépense comme indiqué sur les actes d’engagement, et au centre hospitalier du Lamentin respectivement les 6 et 7 avril 2010 par exploit d’huissier à la demande de la société NFI. Si le centre hospitalier semble soutenir que, conformément à ce qui était prévu par le protocole de cession de créances, le transport de la créance devait être signifié à la demande du cédant, en l’occurrence la société Nofram, représentée par son liquidateur judiciaire, il résulte de l’article 1691 du code civil que le transport peut être valablement signifié à la demande du cessionnaire. La cession de créances ayant été ainsi régulièrement signifiée, la société NFI a justifié avant la décision du tribunal d’un intérêt lui donnant qualité pour reprendre l’instance initiée par la société Nofram. Par ailleurs, si le centre hospitalier a paru mettre en doute la régularité de la cession de créances, il n’établit pas qu’une action judiciaire ait été engagée pour la remettre en cause alors que le liquidateur de la société Nofram lui a indiqué qu’il n’avait pu la contester. La recevabilité de la demande de la société NFI peut donc être admise.

Sur l’exception de prescription :

19. Aux termes de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics : « Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes (…) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. ». Aux termes de l’article 2 de la même loi : « La prescription est interrompue par : (…) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance (…) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée. ».

20. Contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, le fait générateur de la créance détenue par la société NFI se rattachant à l’exécution du marché de travaux en cause dans le présent litige n’est pas constitué par la signature avec la société Nofram du protocole de cession de créances le 22 juillet 2004, mais par l’envoi des projets de décompte à la personne publique. Il résulte de l’instruction que la société Nofram a adressé à la société Sodem des projets de décomptes au cours de l’année 2000. Dès lors si, en application de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968, le délai de prescription a commencé à courir le 1er janvier 2001, ce délai a été interrompu, en application de l’article 2 de cette même loi, par le recours formé le 26 décembre 2002 devant le tribunal administratif de la Martinique, dont il n’est pas contesté qu’il est relatif à l’existence et au montant de la créance détenue par la société Nofram puis par la société NFI. Ce recours n’ayant pas encore donné lieu à une décision passée en force de chose jugée, l’exception de prescription opposée par le centre hospitalier peut être écartée, sans qu’il soit besoin de surseoir à statuer jusqu’à ce que la juridiction judiciaire se soit éventuellement prononcée, alors qu’il n’est pas établi qu’elle ait été saisie, sur la validité et les effets de la cession de créances.

Sur la responsabilité :

21. Les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat, soit qu’elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l’estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics. Eu égard à la nature particulière du contrat de mandat confiant la maîtrise d’ouvrage à un délégataire, une faute du maître d’ouvrage délégué est assimilable à une faute du maître d’ouvrage pour l’application de ces principes. En revanche, une entreprise ne peut utilement se prévaloir, pour demander l’indemnisation par le maître de l’ouvrage, de manquements imputables à la maîtrise d’œuvre.

22. Si le centre hospitalier, la SODEM et M. Nouel relèvent que l’expertise n’a pas été menée au contradictoire du maître d’ouvrage délégué et des « prestataires intellectuels », auxquels le centre hospitalier avait demandé, un mois avant le dépôt du rapport, qu’elle soit étendue, cette circonstance ne fait toutefois pas obstacle à ce que le rapport d’expertise, qui a été soumis ultérieurement au débat contradictoire, soit retenu comme contenant des éléments d’information dont il appartient à la cour d’apprécier la pertinence au vu des observations des parties.

23. La demande de la société NFI porte essentiellement sur les surcoûts induits par la prolongation de six mois selon elle, cinq mois selon l’expert, du délai d’exécution du lot n°1 Gros œuvre dont la société Nofram était titulaire. Elle n’allègue pas un bouleversement de l’économie du contrat, mais évoque un ensemble de circonstances à l’origine des retards de chantier, parmi lesquelles le retard mis par le maître d’ouvrage à libérer l’emprise foncière et à ordonner la démolition du bâtiment de la morgue, les modifications qu’il a apportées au projet en cours de réalisation, sans prendre en compte les surcoûts dans les avenants de prolongation des délais, l’absence de diligences des maîtres d’œuvre à produire dans les délais leurs plans d’exécution et à valider les plans qui leur étaient soumis, engendrant un retard dans la notification des ordres de service nécessaires, l’erreur commise par le concepteur du système de climatisation, le bureau d’études Sogelerg, qui a conduit son co-traitant la société Guiban à remettre en cause toute la conception du système trois mois après le début des travaux, et enfin la paralysie du port de Fort-de-France en raison d’un mouvement de grève.

24. Il résulte des principes posés au point 20 que parmi ces causes, seules peuvent être examinées comme de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier celles qui constitueraient de sa part, en l’absence de bouleversement allégué de l’économie du contrat, une faute dans l’exécution de ses obligations contractuelles en lien avec les surcoûts évoqués. Par suite les fautes propres du bureau d’étude et des architectes et les conséquences des mouvements sociaux dans et hors de l’hôpital ne peuvent être utilement invoqués, alors au demeurant que les grèves des dockers bloquant le port de Fort-de-France ne sauraient être regardées, même au regard de la durée totale d’un mois et demi, comme des aléas imprévisibles réputés non inclus dans les prix par l’article 10 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux publics. En outre, il ressort de l’historique de chantier dressé au cours d’une réunion tenue le 4 mai 1999 qu’un retard de huit semaines a résulté d’une grève de l’entreprise de peinture SOMAG en février 1999, suivie de l’abandon du chantier par cette entreprise et sa mise en liquidation judiciaire, qui a conduit la société Nofram à reprendre l’exécution de ces travaux avec un sous-traitant.

25. S’agissant des fautes imputées au maître de l’ouvrage, en premier lieu, s’il résulte des constatations de l’expert que la libération de l’emprise foncière par suppression d’un parking existant a eu lieu le 1er avril 1997, cette date correspondait encore, comme l’a souligné le centre hospitalier devant le tribunal, à la période de préparation de deux mois suivant l’ordre de service de démarrage des travaux du 28 février 1997, laquelle était principalement consacrée aux études. Il ne résulte pas de l’instruction que cette circonstance serait à l’origine des retards qui ont handicapé la poursuite du chantier. Par suite, et à supposer que la libération de l’emprise ait été tardive, il n’y pas lieu d’imputer de ce fait un mois de frais supplémentaires au centre hospitalier.

26. En deuxième lieu, la démolition du bâtiment de la morgue, qui n’était pas prévue au marché, a été rapidement demandée à l’entreprise, en vue de permettre un accès facilité au chantier. Toutefois son devis de mars 1997 n’a été accepté qu’au bout de 4 mois. Compte tenu des délais normaux d’approbation des devis, il y a lieu de retenir en l’espèce un retard d’un mois imputable au centre hospitalier.

27. En troisième lieu, la société NFI reproche au centre hospitalier une contradiction dans les documents de la consultation, de nature à générer une ambiguïté sur le titulaire de l’obligation de réaliser les plans d’exécution des ouvrages. Selon l’article 29-11 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, dans sa rédaction alors applicable : « Sauf stipulation différente du C.C.A.P., l'entrepreneur établit d'après les pièces contractuelles les documents nécessaires à la réalisation des ouvrages, tels que les plans d'exécution, notes de calculs, études de détail. ». L’article 8.2 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché litigieux précisait : « Le maître d’œuvre n’est pas chargé des études d’exécution des ouvrages. Les PEO et STD sont établis par l’entrepreneur et soumis au visa du maître d’œuvre ». Enfin, selon l’article 3.5 du cahier des clauses techniques particulières applicables au lot n° 1, l’entreprise devait la réalisation des plans d’exécution. Il résulte de l’ensemble de ces stipulations que c’est aux entreprises qu’incombait la charge de l’établissement des plans d’exécution des ouvrages objet du marché, sans que la société NFI puisse utilement invoquer, alors que la société Nofram n’avait émis aucune réserve sur ce point, les mentions du règlement particulier de l’appel d’offres ni celles de l’article 1. 3 du cahier des clauses administratives particulières, lequel n’est relatif qu’aux relations entre le maitre d’ouvrage et le maître d’œuvre, et prévoit que « la mission confiée au maître d’œuvre est une mission de maîtrise d’œuvre avec projet de type M2 comportant les STD et ½ PEO. ». Par suite, l’entreprise n’est pas fondée à soutenir qu’en s’abstenant d’imposer à la maîtrise d’œuvre de fournir les plans d’exécution, le centre hospitalier aurait commis une faute. Le temps passé à réaliser les plans d’exécution ne saurait donc faire l’objet d’une indemnisation en sus du marché.

28. La société NFI relève en quatrième lieu que les retards de la maîtrise d’œuvre à valider les plans d’exécution ont perturbé gravement le déroulement des travaux, et soutient que le maître de l’ouvrage aurait dû faire en sorte que ses prestataires assurent leurs obligations. Il résulte de l’instruction qu’elle a attiré à de nombreuses reprises l’attention de la maîtrise d’œuvre, en la personne de M. Nouel ou du bureau BERIM, mais aussi de la SODEM, maître d’ouvrage délégué, sur les difficultés créées par l’absence de prise de position de la maîtrise d’œuvre, y compris les bureaux d’études techniques Sogelerg et son sous-traitant local BERIM, sur les questions techniques soulevées par les entreprises, et sur la non production des ordres de service. Toutefois, s’il résulte en particulier de la remise en cause en mai 1997 par l’entreprise Guiban du système de climatisation envisagé par le bureau d’études, qu’une solution technique n’a pu être approuvée que cinq mois après, le 16 octobre 1997, la SODEM n’est pas restée inactive puisqu’elle a mis en demeure le mandataire du groupement de maîtrise d’œuvre, le 18 juin 1997, d’étudier cette difficulté, puis a nommé un cabinet d’expertise, lequel a confirmé au terme d’une étude de cinq mois, sur la durée de laquelle la SODEM n’avait aucune prise, la nécessité de « revoir complètement la configuration du bâtiment, redimensionner les locaux techniques, les trémies, le volume disponible en faux plafond. ». En revanche, le centre hospitalier ne conteste pas sérieusement les délais importants mis par la maîtrise d’œuvre pour valider l’ensemble des autres modifications, ni la connaissance qu’il avait des difficultés résultant d’un circuit de validation des solutions techniques excessivement long. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des manquements du maître d’ouvrage ou de son délégué dans la conduite du chantier, en l’absence de distinction dans le rapport d’expertise entre toutes les causes de prolongation des délais d’approbation, en retenant la responsabilité du centre hospitalier dans les surcoûts liés à la prolongation du chantier sur une période d’un mois. En revanche, la circonstance que la SODEM a exigé de NOFRAM, par ordre de service de septembre 1997, de mettre tout en œuvre pour résorber le retard, ce qui a induit pendant plusieurs mois un accroissement notable des effectifs sur le chantier, qui a effectivement résorbé le retard avant que les grèves du port n’en induisent un nouveau, n’est pas en elle-même constitutive d’une faute susceptible d’engager la responsabilité du maître de l’ouvrage.

29. En cinquième lieu, la société NFI ne saurait imputer à faute au centre hospitalier les modifications demandées en cours de projet, alors que le maître de l’ouvrage, dont il n’est pas établi qu’il ait pu prendre connaissance de nouveaux besoins ou de nouvelles techniques entre l’échec d’un premier appel d’offres en 1994 et le lancement du suivant en 1996, a procédé par avenants à la rémunération des prestations supplémentaires et à la prolongation correspondante des délais. La circonstance qu’aucune pénalité de retard n’a été appliquée aux entreprises ne permet pas d’admettre que le centre hospitalier aurait reconnu que les retards lui étaient imputables, et la circonstance que l’entreprise Nofram ait entendu réserver ses droits à indemnisation des délais en sus des prix fixés dans les avenants n’équivaut pas davantage à une approbation du principe d’une telle indemnisation par le maître de l’ouvrage. Il ne résulte pas de l’instruction que la rémunération des travaux supplémentaires, qui a augmenté de 2,6 % la masse des travaux du lot gros œuvre, n’ait pas inclus les frais afférents à la prolongation des délais.

30. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’ordonner les mesures d’instruction sollicitées, qu’il y a lieu de retenir la responsabilité du centre hospitalier régional de la Martinique pour un retard de deux mois du chantier.

Sur le montant du préjudice :

31. Pour valoriser le coût du maintien des effectifs sur le chantier, l’expert, qui avait préconisé une indemnisation de cinq mois de prolongation, a retenu le nombre d’heures effectuées de mars à août 1998 pour les personnels hors encadrement, le coût horaire majoré des frais généraux, ainsi qu’un prorata par rapport aux prévisions du coût de l’encadrement sur les 18 mois prévus, et la totalité des frais de chantier proratisés sur dix mois supplémentaires. Si le centre hospitalier semble contester la méthode retenue par l’expert, cette critique, qu’il n’a pas développée dans un mémoire ultérieur comme annoncé, est trop générale pour être regardée comme étant assortie de précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé. Il y a donc lieu de retenir la méthode de l’expert, en ajustant toutefois les calculs à la seule prolongation de deux mois regardée comme imputable au centre hospitalier. Par suite, il y a lieu de condamner le centre hospitalier régional de la Martinique à verser au titre des frais de main d’œuvre hors encadrement la somme de 134 795 euros, au titre des frais d’encadrement la somme de 23 237 euros, et au titre des frais de chantier la somme de 46 262 euros, soit un total de 204 294 euros. En revanche, en l’absence de faute de la maîtrise d’ouvrage, la société NFI n’est pas fondée à demander en tant que telle l’indemnisation du coût de renforcement temporaire des effectifs mis pour résorber les retards. Enfin, elle ne justifie pas que la prolongation de deux mois de son rôle de mandataire de divers lots aurait généré des frais supplémentaires non pris en compte dans les indemnités ci-dessus accordées.

Sur la révision des prix :

32. Aux termes de l’article 10 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés litigieux : « 10. 43. Les prix révisables sont révisés dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur le premier jour du mois d’établissement des prix, à condition que le marché contienne les éléments nécessaires à cette révision. / 10.44. L'actualisation ou la révision des prix se fait en appliquant des coefficients établis à partir d'index de référence fixés par le marché. / La valeur initiale du ou des index à prendre en compte est celle du mois d'établissement des prix. / Si les travaux ne sont pas achevés à l'expiration du délai d'exécution fixé par le marché ou prolongé dans les conditions prévues à l'article 19, l'actualisation des prix reste acquise et la révision des prix se poursuit. /10.45. Le mois d'établissement des prix est celui qui est précisé dans le marché. Ou, à défaut d'une telle précision, le mois de calendrier qui précède celui de la signature de l'acte d'engagement par l'entrepreneur. ».

33. La société NFI a proposé sans contredit de faire application de la clause de révision de prix en fixant une date moyenne de révision au mois d’avril 1998, date à laquelle l’indice BT01 était de 553,3 au regard des prix du marché calculés sur une valeur de l’indice BT01 du mois de septembre 1996 de 536,40. Le titulaire d’un marché a droit à l’indemnisation intégrale du préjudice subi du fait de retards dans l’exécution du marché imputables au maître de l’ouvrage distincts de l’allongement de la durée du chantier due à la réalisation des travaux supplémentaires. Or il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise, que la prolongation du chantier au-delà de la durée contractuelle a entraîné, ainsi qu’il a été indiqué au point 30, un surcroît de frais généraux, notamment en personnel. Dès lors que l’indemnité accordée a pour objet de compenser cette charge, à concurrence de l’allongement de la durée du marché imputable au maître de l’ouvrage ou à son délégué, et que les stipulations précitées de la clause 10.45 du cahier des clauses administratives générales impliquent que le titulaire du marché peut prétendre à la révision des prix jusqu’à l’exécution complète des prestations, y compris au-delà des délais du marché, il y a lieu de faire application de la clause de révision de prix et de majorer ainsi la somme accordée de la somme de 6 437 euros, .

Sur les sommes réclamées au titre de retenues de garantie : 

34. Aux termes de l’article 322 du code des marchés publics dans sa rédaction alors applicable : « Tout titulaire d'un marché peut être tenu de fournir un cautionnement en garantie de la bonne exécution du marché et du recouvrement des sommes dont il serait reconnu débiteur au titre du marché. /Le montant du cautionnement ne peut être supérieur à 3 p. 100  du montant initial du marché augmenté, le cas échéant, du montant des avenants, lorsque le marché ne comporte pas de délai de garantie, et à  5 p. 100  lorsque le marché est assorti d'un délai de garantie. Les modalités et les époques de constitution et de restitution du conditionnement sont fixées par le marché. / Lorsque le marché comporte un délai de garantie, les cahiers des charges peuvent prévoir la substitution au cautionnement d'une retenue de garantie sur acomptes dont le taux ne pourra être supérieur à  5 p. 100 . ». Aux termes de l’article 326 du même code : ; « Le cautionnement est restitué, ou la caution qui le remplace, comme celle qui peut remplacer la retenue de garantie, est libérée, pour autant que le titulaire du marché a rempli ses obligations, à la suite d'une mainlevée délivrée par la collectivité ou l'établissement contractant dans le délai d'un mois suivant l'expiration du délai de garantie ou, si le marché ne comporte pas un tel délai, suivant la réception des travaux, fournitures ou services. S'il en existe une, la retenue de garantie est restituée dans le même délai. ».
35. La société NFI demande le remboursement des retenues de garantie afférentes aux lots n° 9 (revêtements), d’un montant de 21 416, 99 euros et 10 (peintures), d’un montant de 7 387,69 euros, en raison de la défaillance de l’entreprise SOMAG, laquelle implique, selon leur convention de groupement, que ces sommes sont dues au mandataire. Le centre hospitalier n’établit ni même n’allègue avoir remboursé ces sommes, et n’invoque aucun motif faisant obstacle à ce remboursement, alors qu’il résulte de l’instruction que les travaux correspondants ont bien été réceptionnés le 30 juin 1999. Par suite, le centre hospitalier doit être condamné au remboursement à la société NFI de ces retenues, représentant un montant total de 28 804,68 euros.

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

En ce qui concerne les intérêts sur la somme de 210 731 euros :

36. Il résulte des dispositions combinées des articles 352, 352 bis, 178 et 182 du code des marchés publics, dans leur rédaction applicable à la date de conclusion du contrat, que le délai de mandatement des acomptes et du solde ne peut excéder quarante-cinq jours, que le défaut de mandatement dans ce délai fait courir de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du titulaire, des intérêts moratoires, à partir du jour suivant l'expiration dudit délai jusqu'au quinzième jour inclus suivant la date du mandatement du principal et que le taux et les modalités de calcul des intérêts moratoires sont fixés par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et des finances et du ministre chargé du budget, compte tenu de l'évolution moyenne des taux d'intérêt appliqués de façon usuelle pour le financement à court terme des entreprises. L’arrêté susvisé du 17 janvier 1991 prévoit que le taux des intérêts moratoires prévu à l’article 182 du code des marchés publics est le taux d’intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts ont commencé à courir majoré de deux points. L’article 178 du même code prévoit que le défaut de mandatement de tout ou partie des intérêts moratoires lors du mandatement du principal entraîne une majoration de 2% du montant de ces intérêts par mois de retard et que le retard auquel s'applique le pourcentage est calculé par mois entiers décomptés de quantième à quantième.

37. Il résulte de l’instruction que la société Nofram a retourné les décomptes généraux signés à la SODEM par des courriers reçus au plus tard le 2 juillet 2002. Le délai de mandatement de quarante-cinq jours courait donc à compter du 3 juillet 2002. Dès lors, le point de départ des intérêts moratoires auxquels la société NFI peut prétendre est le 16 août 2002. En l’absence de mandatement de tout ou partie des intérêts moratoires, il y a lieu de faire application sur la somme de 210 731 euros du taux d’intérêt légal de 4,26% alors en vigueur, majoré de 2% et de retenir ainsi un taux de 6,26 %.

En ce qui concerne les intérêts sur les situations mensuelles de travaux réglées tardivement aux sociétés NFI et Guiban :



38. Les sociétés NFI et Guiban ont, dans le cadre du règlement du marché, sollicité le versement des intérêts moratoires sur les situations mensuelles de travaux réglées avec retard figurant en annexe VII au rapport d’expertise. En vertu des dispositions mentionnées au point 36, il résulte de l’absence de mandatement de tout ou partie des intérêts moratoires lors du mandatement du principal, qu’il y a lieu de faire application du taux d’intérêt légal alors en vigueur à la date du mandatement du principal de chaque situation mensuelle de travaux, majoré de 2% sur une durée, décomptée en mois, conformément aux dispositions des articles 178 et 352 du code des marchés publics dans leur rédaction alors en vigueur, à concurrence des retards mentionnés dans l’annexe VII au rapport d’expertise.

En ce qui concerne les intérêts moratoires sur le remboursement des retenues de garantie :

39. A la date à laquelle les marchés litigieux ont été conclus, antérieurement à la réforme du code des marchés publics issue du décret n° 2001-2010 du 7 mars 2001, le cocontractant du maître d’ouvrage n’avait pas droit aux intérêts moratoires prévus par les articles 178 et suivants de l’ancien code des marchés publics, qui ne s’appliquent que sur les acomptes et le solde du marché, en cas de retard de libération des retenues de garantie. Il pouvait seulement prétendre aux intérêts moratoires dans les conditions du droit commun, qui sont celles résultant des dispositions de l’article 1153 du code civil. Il en résulte que la société NFI a droit aux intérêts au taux légal alors en vigueur, soit 4, 26%, et non 6, 26% comme elle le demande, sur la somme totale de 28 804,68 euros à compter du 26 décembre 2002, date d’introduction de la demande devant le tribunal.

En ce qui concerne les intérêts des intérêts :

40. Les majorations pour retard prévues aux articles 178 et 352 du code des marchés publics, dans leur rédaction alors en vigueur, sont exclusives de tout autre intérêt. Les sommes dues en application de ces articles ne pourraient constituer une créance productive d’intérêts au taux légal, sur le fondement de l’article 1153 du code civil, que dans le cas où les intérêts moratoires ayant été payés sans les majorations de retard, ces dernières auraient cessé de courir. Il ne résulte pas de l’instruction que les intérêts moratoires aient été payés. Dans ces conditions, la demande de capitalisation des intérêts moratoires, en tant qu’elle concerne des intérêts au taux légal majoré de 2%, ne peut qu’être rejetée.

41. Il résulte cependant de ce qui précède qu’il n’a pas été fait application du taux d’intérêt légal majoré pour les intérêts courant sur le remboursement des retenues de garantie. L'application des dispositions de l'article 1154 du code civil afférentes à la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande ne prend toutefois effet au plus tôt qu’à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande. La société NFI a sollicité la capitalisation des intérêts échus, afin qu’ils produisent eux-mêmes intérêts, dans le mémoire enregistré le 4 septembre 2006. A cette date, il était dû plus d’une année d’intérêts. Par suite, il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts afférents au remboursement des retenues de garantie à cette date et à chaque échéance annuelle pour les intérêts échus postérieurement à cette même date.

Sur les dépens :

42. Considérant qu’aux termes de l’article R. 761-1 du code de justice administrative : « Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens. » ;

43. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge définitive du centre hospitalier les frais et honoraires de l’expertise ordonnée par le tribunal le 17 décembre 2009, taxés à la somme de 30 193,90 euros, et le remboursement de la somme de 35 euros à la société NFI au titre des frais de timbre.

Sur les conclusions d’appel en garantie présentées par le centre hospitalier :

44. Le centre hospitalier fait valoir que la SODEM, qui lui devait une assistance administrative et technique en sa qualité de maître d’ouvrage délégué, et constituait l’unique interlocuteur direct de la maîtrise d’œuvre, de l’OPC et des entreprises, a tardé à prendre les bonnes initiatives et n’a pas encadré efficacement les prestataires intellectuels qui devaient lui rendre des comptes dans leur mission de conception, de direction des travaux et de suivi. Il résulte de ce qui a été dit au point 28 que la SODEM avait été alertée sur les délais d’approbation de la maîtrise d’œuvre. Compte tenu des conditions d’exécution du chantier, il y a lieu de la condamner à garantir le centre hospitalier de la moitié des sommes mises à sa charge au titre de la prolongation des délais.



45. Si le centre hospitalier sollicite également la garantie de l’équipe de maîtrise d’œuvre, de la société EGIS venant aux droits de l’OPC , ainsi que du contrôleur technique CEP, il résulte de ce qui précède qu’il n’a été condamné qu’à raison de ses fautes propres dans l’exercice du rôle de maitre d’ouvrage. Par suite, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. Nouel, ces conclusions ne peuvent qu’être rejetées, alors au demeurant que celles dirigées contre le contrôleur technique ne sont assorties d’aucune précision sur les fautes qui lui seraient imputables. Pour les mêmes motifs, l’appel en garantie de la SODEM dirigé contre le groupement de maîtrise d’œuvre ne peut qu’être rejeté.

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

46. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de rejeter les demandes de l’ensemble des parties présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : L’intervention de la société Nord France International n’est pas admise.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de la Martinique n° 0200435 en date du 19 juillet 2013 est annulé.

Article 3 : Il est donné acte des désistements des sociétés Thyssen et Direco Antilles Guyane.

Article 4 : Le centre hospitalier régional de la Martinique est condamné à verser à la société NFI la somme de 210 731 euros, correspondant à l’indemnisation de l’allongement du délai d’exécution du marché et au montant de la révision des prix, et la somme de 28 804,68 euros, correspondant au remboursement des retenues de garantie.

Article 5 : La somme de 210 731 euros mentionnée à l’article 4 portera intérêt au taux de 6, 26 % à compter du 16 août 2002.

Article 6 : La somme de 28 804,68 euros mentionnée à l’article 4 portera intérêt au taux de 4,26 % à compter du 26 décembre 2002. Les intérêts échus à la date du 4 septembre 2006 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 7 : Le centre hospitalier régional de la Martinique est condamné à régler à la société NFI et à la société Guiban, les intérêts moratoires sur les retards de paiement sur les situations mensuelles de travaux tels que recensés dans les annexes VII.1 et VII.2 au rapport d’expertise. Ces intérêts courront sur les périodes de retard recensées dans ces mêmes annexes. Les taux de ces intérêts correspondront au taux légal en vigueur à la date du mandatement du principal de chaque situation mensuelle de travaux, majoré de 2%.

Article 8 : Les frais d’expertise taxés à la somme de 30 193,90 euros sont mis à la charge définitive du centre hospitalier régional de la Martinique.

Article 9 : Le centre hospitalier régional de la Martinique versera à la société NFI la somme de 35 euros au titre du remboursement de la contribution pour l’aide juridique.

Article 10 : La société d’équipement de la Martinique est condamnée à garantir le centre hospitalier régional de la Martinique de la moitié des condamnations mises à sa charge par les articles 4 à 7 du présent arrêt.

Article 11 : Le surplus des conclusions de l’ensemble des parties est rejeté.