Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Saisi par le syndicat national des entreprises du second œuvre (SNSO), le tribunal administratif de Bordeaux a, par un jugement n° 1200574 du 11 février 2015, annulé la délibération du conseil municipal de Bordeaux n° D-2011/699 du 19 décembre 2011 en tant qu'elle a approuvé les termes du contrat de partenariat avec la société de projet Urbicité pour la réalisation de la cité municipale et a autorisé le maire à signer le contrat de partenariat avec cette société, ainsi que la décision du 22 décembre 2011 par laquelle le maire de Bordeaux a signé le contrat de partenariat avec la société Urbicité. Le tribunal administratif a également enjoint au maire de Bordeaux de résilier à compter du 1er octobre 2015 le contrat de partenariat que la commune a conclu avec la société Urbicité. Enfin, il a condamné la commune et la société à verser chacune 1 200 euros au SNSO en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête enregistrée le 7 avril 2015, la commune de Bordeaux, représentée par son maire en exercice, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1200574 du tribunal administratif de Bordeaux du 11 février 2015 ;

2°) de rejeter les demandes d'annulation et d'injonction présentées par le SNSO devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge du SNSO la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


II) Par une requête enregistrée le 8 avril 2015 sous le n° 15BX01209, la commune de Bordeaux demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1200574 du tribunal administratif de Bordeaux, en date du 11 février 2015.


1. A la fin de l’année 2008, la commune de Bordeaux a décidé de regrouper dans un seul bâtiment dénommé « cité municipale » ses différents services éparpillés sur une quinzaine de sites. Les études engagées ont conduit à retenir un bâtiment de 18 500 m² de surface hors œuvre nette, devant être à haute performance énergétique et à forte qualité environnementale. Elle a réalisé une évaluation préalable au lancement d'une procédure de passation d'un contrat de partenariat, dont le rapport final, favorable au projet, a été établi le 7 juillet 2010, et a sollicité l'avis de la mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat. Par une délibération du 19 juillet 2010, le conseil municipal a approuvé le principe du recours au contrat de partenariat en vue de confier à son titulaire, après la mise en œuvre d'une procédure de dialogue compétitif, la conception, la construction, 1'entretien, la maintenance et 1'exploitation, ainsi que le financement partiel de cette cité municipale, et d'autoriser le maire à lancer les procédures correspondantes. Par une délibération du 19 décembre 2011, le conseil municipal a approuvé les termes du contrat de partenariat ayant pour objet la réalisation de cette cité municipale et autorisé le maire à signer le contrat de partenariat avec la société Urbicité. Le 22 décembre suivant, le maire a signé ce contrat. Le syndicat national des entreprises du second œuvre (SNSO) a saisi le tribunal administratif de Bordeaux qui, par un jugement du 11 février 2015, a, d’une part, annulé la délibération du 19 décembre 2011 et la décision du 22 décembre 2011, d'autre part, enjoint au maire de la commune de Bordeaux de résilier le contrat de partenariat conclu avec la société Urbicité à compter du 1er octobre 2015. Ce jugement a enfin condamné la commune et la société à verser chacune 1 200 euros au SNSO en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la requête enregistrée sous le n° 15BX01208, la commune de Bordeaux demande l’annulation de ce jugement. Par sa requête enregistrée sous le n° 15BX01209, elle demande qu’il soit sursis à son exécution. La société Urbicité s’est associée aux requêtes introduites par la commune en demandant en outre l’annulation du jugement attaqué en tant qu’il met à sa charge le versement au SNSO de sommes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2. Les deux requêtes de la commune de Bordeaux, dirigées contre un même jugement, seront jointes pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d’annulation du jugement attaqué : 3. L’article L. 1414-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable à l’espèce, dispose : « I.-Le contrat de partenariat est un contrat administratif par lequel une collectivité territoriale ou un établissement public local confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale ayant pour objet la construction ou la transformation, l'entretien, la maintenance, l'exploitation ou la gestion d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public, ainsi que tout ou partie de leur financement à l'exception de toute participation au capital. Toutefois, le financement définitif d'un projet doit être majoritairement assuré par le titulaire du contrat, sauf pour les projets d'un montant supérieur à un seuil fixé par décret. / Il peut également avoir pour objet tout ou partie de la conception de ces ouvrages, équipements ou biens immatériels ainsi que des prestations de services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée (…) ». Aux termes de l’article L. 1414-2 du même code, dans sa rédaction applicable à l’espèce : « I.-Les contrats de partenariat donnent lieu à une évaluation préalable précisant les motifs de caractère économique, financier, juridique et administratif qui conduisent la personne publique à engager la procédure de passation d'un tel contrat. Cette évaluation comporte une analyse comparative de différentes options, notamment en termes de coût global hors taxes, de partage des risques et de performance, ainsi qu'au regard des préoccupations de développement durable. Lorsqu'il s'agit de faire face à une situation imprévisible, cette évaluation peut être succincte. Cette évaluation est menée selon une méthodologie définie par le ministre chargé de l'économie. / Elle est présentée à l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou à l'organe délibérant de l'établissement public, qui se prononce sur le principe du recours à un contrat de partenariat. / II.-Les contrats de partenariat ne peuvent être conclus que si, au regard de l'évaluation, il s'avère : / 1° Que, compte tenu de la complexité du projet, la personne publique n'est pas objectivement en mesure de définir seule et à l'avance les moyens techniques répondant à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet ;(...) ». 4. Pour déterminer si, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif, et comme elle le soutient, la commune de Bordeaux n'était pas objectivement en mesure, compte tenu de la complexité de son projet, de définir seule et à l'avance les moyens techniques répondant à ses besoins, il convient de se placer à la date à laquelle elle a décidé de recourir au contrat de partenariat, soit le 19 juillet 2010. 5. Le projet envisagé par la commune de Bordeaux consistait à réaliser un bâtiment d’une surface hors œuvre nette de 18 500 m² destiné à accueillir plus de 800 agents municipaux ainsi que du public, tout en faisant en sorte que ce bâtiment présente un bilan énergétique positif, c’est-à-dire produise, sur le long terme, plus d’énergie qu’il n’en consomme. Les pièces du dossier font ressortir que si, en juillet 2010, le concept de « bâtiment à énergie positive » (BEPOS) existait déjà depuis plusieurs années et si, à cette date, des bâtiments ayant un tel objectif énergétique avaient été réalisés, les performances effectives de ces bâtiments étaient, soit nettement inférieures aux objectifs assignés, comme pour la tour Elithis construite à Dijon, soit indisponibles. A cet égard, il peut notamment être observé, d’une part, que l’étude effectuée par l’ADEME sur les « BEPOS » déjà réalisés, à laquelle fait allusion un article de presse produit par le SNSO, outre qu’elle date de 2011, n’a jamais été publiée, d’autre part, qu’aucune donnée n’était disponible en juillet 2010 sur les performances énergétiques du lycée Vaclav Havel construit à Bègles et entré en service en septembre 2012. Les articles de la presse spécialisée datant notamment de 2012, produits au dossier, font apparaître que les performances énergétiques effectivement réalisées par les bâtiments déjà construits, affichés comme « BEPOS », ne sont guère meilleures que celles des bâtiments dits de basse consommation. Le dossier fait également ressortir la nécessité, pour obtenir un « BEPOS », d’une approche globale prenant en compte la conception, la construction, l'exploitation, la maintenance du bâtiment, son caractère fonctionnel et sa destination, le comportement des occupants et usagers, la fourniture d'énergie. Il ressort en définitive des pièces versées au dossier que la recherche de bâtiments présentant un bilan énergétique positif relevait encore en juillet 2010 de l’expérimentation. L’objectif énergétique recherché par la ville de Bordeaux et les moyens techniques propres à y faire face devaient, de plus, être compatibles avec les contraintes notamment architecturales liées à l’implantation du projet, le terrain d’assiette étant situé en centre-ville, à la jonction d’un quartier ancien et d’un quartier moderne, à l’intérieur de la zone classée au titre du patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. Il ressort en outre des pièces du dossier que si la commune de Bordeaux disposait d’une « direction du développement durable », les huit agents composant cette direction étaient à profil exclusivement administratif ; quant à la « direction des constructions publiques », en plus d’être confrontée en 2010 à un plan de charge lourd comportant notamment le projet du « nouveau stade » et du « centre culturel et touristique du vin », elle ne disposait pas, compte tenu de la complexité technique du projet de cité municipale pour les motifs indiqués ci-dessus et au regard des qualifications des agents la composant, des moyens lui permettant de faire face aux contraintes de la maîtrise d’ouvrage d’un tel projet. En définitive, la ville de Bordeaux était, lorsqu’elle a décidé de recourir au contrat de partenariat, dans l’impossibilité, eu égard à ses moyens propres, de définir avec précision le contenu des prestations permettant d’atteindre et de maintenir dans le long terme un bilan énergétique positif pour un bâtiment ayant les dimensions et la vocation de la cité municipale projetée. Ainsi, le recours au contrat de partenariat était légalement justifié sur le fondement des dispositions précitées du 1° du II de l’article L. 1442-2 du code général des collectivités territoriales. 6. Compte tenu de ce qui précède, c’est à tort que le tribunal administratif s’est fondé sur ce que les conditions légales de recours au contrat de partenariat n’étaient pas remplies pour annuler la délibération du conseil municipal de Bordeaux n° D-2011/699 du 19 décembre 2011 et la décision du maire de Bordeaux du 22 décembre 2011. 7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par le SNSO à l’encontre des actes contestés. 8. Aux termes de l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d’être informé des affaires de la commune qui font l’objet d’une délibération ». Il ressort des pièces du dossier que les conseillers municipaux disposaient lors de la délibération du 19 juillet 2010 décidant le recours au contrat de partenariat de la version définitive du rapport d’évaluation préalable qui faisait ressortir un avantage financier en faveur du recours au contrat de partenariat d’environ 13%. S’il est exact que ce rapport définitif a été précédé en février 2010 d’une version intermédiaire, qui avait alors été communiquée à certains élus, faisant ressortir un avantage financier nettement inférieur, il n’en est pas résulté une information incomplète ou contradictoire des conseillers municipaux, les interventions en séance faisant ressortir que les élus étaient conscients de ce que les deux versions résultaient d’une différence dans les méthodes d’évaluation. Par ailleurs, l’avis définitif de la mission d’appui aux partenariats public-privé, datant du 12 août 2010, ne pouvait être porté à la connaissance des conseillers municipaux lors de la séance du 19 juillet 2010 et le droit à l’information des élus locaux n’imposait pas que cet avis fût rendu avant que les élus ne se prononcent sur le recours au contrat de partenariat. En définitive, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L.2121-13 du code général des collectivités territoriales doit être écarté. 9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande de première instance, que la commune de Bordeaux et la société Urbicité sont fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé les annulations, injonction et condamnations contestées.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :

10. Le présent arrêt se prononçant sur la requête à fin d’annulation du jugement attaqué, les conclusions de la requête n° 15BX01209 tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution sont devenues sans objet.

Sur l’article L 761-1 du code de justice administrative :

11. La commune de Bordeaux n’étant pas la partie perdante, les conclusions du SNSO tendant à sa condamnation au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées. Dans les circonstances de l’espèce, ce syndicat versera à la commune de Bordeaux la somme de 2 000 euros en application de cet article.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 11 février 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par le SNSO devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.

Article 3 : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution.

Article 4 : Le SNSO versera la somme de 2 000 euros à la commune de Bordeaux en application de l’article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées en appel par le SNSO au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.