Vu la requête, enregistrée le 9 janvier 2014 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 10 janvier 2015, et le mémoire complémentaire, enregistré le 3 avril 2014, présentés pour M. V==, Mme C==,, Mme G==, M. S==, Mme D==, , M. H, Mme P==,Mme L==, et M. T==, par Me Saubert, avocat ;

M. V== et autres demandent à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1200822 du 10 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté leur demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 7 mars 2012 du préfet de la Réunion déclarant d’utilité publique le projet de construction de la nouvelle route du littoral et emportant mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme des communes de Saint-Denis et de La Possession, et à l’annulation de la décision implicite rejetant leur recours gracieux contre ledit arrêté ;

2°) d’annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme globale de 6 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

1. Considérant que le préfet de la Réunion a, par arrêté du 7 mars 2012, déclaré d’utilité publique le projet de construction de la nouvelle route du littoral et a prononcé la mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme des communes de Saint-Denis et de La Possession ; que M. V== et autres interjettent appel du jugement du 10 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté leur demande tendant à l’annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité externe :

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article R. 11-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : « Le préfet désigne par arrêté un commissaire enquêteur ou une commission d’enquête… / Le préfet, après consultation du commissaire enquêteur ou du président de la commission d’enquête, précise par arrêté : / (…) 2° les heures et le lieu où le public pourra prendre connaissance du dossier et formuler ses observations sur un registre ouvert à cet effet… / Huit jour au moins avant l’ouverture de l’enquête et durant toute la durée de celle-ci, cet avis est publié par voie d’affiches et, éventuellement, par tous autres procédés, dans chacune des communes désignées par le commissaire de la République ; cette désignation porte au minimum sur toutes les communes sur le territoire desquelles l’opération doit avoir lieu… » ; qu’aux termes de l’article R. 11-14-8 de ce code : « Le commissaire de la République désigne le ou les lieux publics où un dossier et un registre sont tenus à la disposition du public ; ces lieux sont habituellement la mairie de la ou des communes sur le territoire desquelles l’opération est projetée…/ Lorsque l’opération soumise à enquête doit être exécutée sur le territoire de plusieurs communes, un exemplaire du dossier soumis à enquête est obligatoirement adressé pour information au maire de chacune des communes dont la mairie n’a pas été désignée comme lieu d’enquête » ;

3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, notamment de la décision attaquée et du plan général des travaux qui y est annexé, que l’opération de construction de la nouvelle route du littoral n’impacte que les territoires des communes de Saint-Denis et de La Possession ; qu’il est constant que les formalités prescrites par les dispositions précitées de l’article R. 11-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ont été appliquées seulement dans ces deux communes, désignées comme lieux d’enquête ; que, contrairement à ce que soutiennent M. V== et autres, ni le fait que la commune du Port ait été incluse dans le périmètre de l’étude du projet en cause, ni la circonstance que la région Réunion, maître de l’ouvrage, ait envisagé d’installer sur le territoire de cette collectivité une partie du chantier de construction de la nouvelle route n’imposait la désignation de ladite commune, non concernée par l’ouvrage lui-même, comme lieu d’enquête, ni même la communication à son maire du dossier d’enquête, pour information ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article de l’article R. 11-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : « L’expropriant adresse au commissaire de la République pour être soumis à l’enquête un dossier qui comprend obligatoirement : / I. Lorsque la déclaration d’utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d’ouvrages : / 1° Une notice explicative ; / 2° Le plan de situation ; / 3° Le plan général des travaux ; / (…) 5° L’appréciation sommaire des dépenses ; / 6° L’étude d’impact définie à l’article R. 122-3 du code de l’environnement, lorsque les ouvrages ou travaux n’en sont pas dispensés… » ; qu’aux termes de l’article R. 122-3 du code de l’environnement, dans sa rédaction alors applicable : « I. Le contenu de l’étude d’impact doit être en relation avec l’importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l’environnement. / II. L’étude d’impact présente successivement : / 1° Une analyse de l’état initial du site et de son environnement… / 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents sur l’environnement… / 4° Les mesures envisagées par le maître de l’ouvrage pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l’environnement et la santé, ainsi que l’estimation des dépenses correspondantes » ;

5. Considérant, d’une part, qu’il ressort des éléments au dossier que les documents soumis à enquête publique, en particulier le plan général des travaux, précisent la localisation exacte de l’infrastructure routière projetée entre Saint-Denis et La possession, sous la forme d’une voie sur digue d’une longueur cumulée d’environ 6 900 mètres et d’un viaduc d’une longueur de l’ordre de 5 300 mètres ; que ces documents mentionnent que la nouvelle route, comportant deux fois trois voies, permettra d’offrir aux usagers une double voie de circulation sécurisée, dans les deux sens, entre Saint-Denis et La possession ; que ce dimensionnement a été adopté pour, non seulement absorber le trafic observé entre ces deux collectivités, mais aussi aménager un transport en commun en site propre ; qu’il est précisé qu’en ce qui concerne la circulation automobile, le raccordement de la nouvelle voie doit être assuré par un diffuseur relié aux « routes nationales » n° 1 et 6 ainsi qu’à la route départementale n° 41 sur le territoire de la commune de Saint-Denis ; qu’à l’entrée de La Possession, la nouvelle voie est reliée à la « route nationale » n° 1, qui présente les mêmes caractéristiques de double voies dans les deux sens ; que, si l’étude d’impact n’examine pas le phénomène d’engorgement dans les entrées de ville, le projet, dont la finalité est de sécuriser et de faciliter les déplacements entre Saint-Denis et La Possession, n’a pas pour objectif de réduire ou de fluidifier la circulation aux entrées de ces deux villes ;

6. Considérant, d’autre part, qu’en application des dispositions précitées de l’article R. 11-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, le dossier d’enquête doit mettre le public en mesure de connaître le coût réel de l’opération, tel qu’il peut être raisonnablement apprécié à la date de l’enquête : qu’il n’est pas sérieusement contesté que le document intitulé « Plan général des travaux, caractéristiques des ouvrages les plus importants et estimation sommaire des dépenses », qui était joint au dossier soumis à l’enquête publique, comporte, dans sa troisième partie, une évaluation globale des dépenses, distinguant les différents frais de construction du coût des mesures de réduction et de compensation des impacts ; que le coût prévisionnel total du projet a été ainsi estimé à 1 660 000 000 euros toutes taxes comprises ; que la circonstance que cette somme soit supérieure de 60 000 000 euros au montant qui a été retenu dans le protocole d’accord que la région Réunion a conclu 14 octobre 2010 avec l’Etat pour le financement dudit projet ne peut en aucun cas révéler une sous évaluation de l’opération ; que, si le maître d’ouvrage a fait connaître sa préférence, au sujet de la passation des marchés, pour une procédure donnée, cette précision n’est pas de nature à remettre en cause l’évaluation des dépenses, qui est nécessairement indicative ; que la décision d’aménager un échangeur complet à La Grande Chaloupe ayant été prise à la suite de l’avis de la commission d’enquête émis le 21 décembre 2011, les requérants n’invoquent pas pertinemment le défaut de prise en compte du coût des travaux correspondants, dans l’appréciation sommaire des dépenses qui a été établie antérieurement, le 28 février 2011 ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le maître d’ouvrage aurait insuffisamment tenu compte du coût des matériaux, l’évolution des prix de ces derniers postérieurement à l’enquête n’étant pas de nature à affecter la sincérité de l’estimation sommaire des dépenses, qui doit être déterminée à la date de l’enquête ; que les requérants ne peuvent davantage faire valoir utilement, pour contester la sincérité de l’évaluation, que la région Réunion ne respecterait pas le plafond des dépenses de fonctionnement et d’investissement recommandé par un expert ;

7. Considérant, enfin, que le document susmentionné, qui se rapporte aux caractéristiques des ouvrages, évalue les besoins en matériaux, distinguant différents types de matériaux selon les diverses structures de la nouvelle voie ; que ce document mentionne, en fonction des types de matériaux, la localisation géographique de leur provenance et aborde les incidences des travaux de construction sur la circulation à partir d’une estimation des rotations annuelles et quotidiennes de camions au regard d’un volume moyen par véhicule ; que le document fixe comme objectif de limiter au mieux les impacts de l’approvisionnement du chantier sur la circulation générale ; que l’exploitation des carrières productrices des matériaux nécessaires à la construction de l’ouvrage relevant du régime des installations classées pour la protection de l’environnement et étant susceptible d’être soumise, à ce titre, à des études d’impact spécifiques, les incidences de l’extraction de ces matériaux ne sont pas au nombre des effets indirects que l’étude en cause, qui ne concerne que la création de la voie nouvelle, devait examiner ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’exploitation ou l’ouverture de carrières en vue de fournir les matériaux nécessaires à la construction de la nouvelle route du littoral sont dépourvues de lien fonctionnel avec le projet, qui a pour finalité la création d’un axe routier présentant des garanties de sécurité, et ne sauraient, par suite, être regardées comme participant à la réalisation d’un même programme d’ouvrage au sens du II de l’article L. 122-1 du code de l’environnement ; qu’au demeurant, la déclaration d’utilité publique pour l’édiction de laquelle le dossier d’enquête a été constitué ne pouvait porter sur la production des matériaux, activité qui n’a pas été ainsi artificiellement dissociée de la construction de la route ; que les requérants ne peuvent utilement invoquer sur ce point le paragraphe 4 de l’article 6 de la convention d’Aarhus, qui ne crée d’obligations qu’entre les Etats ; que, par ailleurs, s’ils font observer que l’étude d’impact n’envisage pas un approvisionnement extérieur en matériaux, M. V== et autres ne démontrent pas que le territoire de l’Ile de la Réunion ne disposait pas de ressources minérales suffisantes, en se fondant sur la production des carrières en cours d’exploitation et en opposant le schéma départemental des carrières alors en vigueur ; qu’ainsi les requérants, qui ne peuvent en outre se prévaloir de la circulaire du 27 septembre 1993, dépourvue de valeur réglementaire, ne soutiennent pas pertinemment que l’étude d’impact serait insuffisante pour assurer une information complète du public ;

Sur la légalité interne :

8. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 11-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : « I. L’expropriation d’immeubles, en tout ou partie, ou de droits immobiliers ne peut être prononcée qu’autant qu’elle aura été précédée d’une déclaration d’utilité publique intervenue à la suite d’une enquête publique et qu’il aura été procédé contradictoirement à la détermination des parcelles à exproprier, ainsi qu’à la recherche des propriétaires, des titulaires de droits réels et autres intéressés » ; qu’aux termes de l’article L. 2124-2 du code général de la propriété des personnes publiques : « En dehors des zones portuaires et industrialo-portuaires, et sous réserve de l’exécution des opérations de défense contre la mer et de la réalisation des ouvrages et installations nécessaires à la sécurité maritime, à la défense nationale, à la pêche maritime, à la saliculture et aux cultures marines, il ne peut être porté atteinte à l’état naturel du rivage de la mer, notamment par endiguement, assèchement, enrochement ou remblaiement, sauf pour des ouvrages ou installations liés à l’exercice d’un service public ou l’exécution d’un travail public dont la localisation au bord de la mer s’impose pour des raisons topographiques ou techniques impératives et qui ont donné lieu à une déclaration d’utilité publique » ;

9. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutiennent M. V== et autres, la réalisation de l’opération projetée était susceptible de rendre nécessaire le recours à l’expropriation d’immeubles, en tout ou partie, et imposait, en conséquence, l’édiction d’une déclaration d’utilité publique, laquelle a d’ailleurs été suivie, le 12 novembre 2013, d’un arrêté préfectoral de cessibilité ; qu’en tout état de cause, la construction de l’ouvrage en question, dont la localisation s’impose pour des raisons topographiques impératives et qui modifie le rivage de la mer du fait, en particulier, de l’édification de deux digues par enrochement, était soumise à déclaration d’utilité publique en vertu de l’article L. 2124-2 précité du code général de la propriété des personnes publiques ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l’arrêté du 7 mars 2012 serait dépourvu de base légale pour être superfétatoire ne peut qu’être rejeté ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 11 1 1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : « (…) 1. Si l’expropriation est poursuivie au profit d’une collectivité territoriale ou d’un de ses établissements publics, l’autorité compétente de l’Etat demande, au terme de l’enquête publique, à la collectivité ou à l’établissement intéressé de se prononcer, dans un délai qui ne peut excéder six mois, sur l’intérêt général du projet dans les conditions prévues à l’article L. 126-1 du code de l’environnement… » ; qu’aux termes de l’article L. 126-1 du code de l’environnement : « Lorsqu’un projet public de travaux, d’aménagements ou d’ouvrages a fait l’objet d’une enquête publique en application du chapitre III du présent titre, l’autorité de l’Etat ou l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’établissement public responsable du projet se prononce, par une déclaration de projet, sur l’intérêt général de l’opération projetée. / La déclaration de projet mentionne l’objet de l’opération tel qu’il figure dans le dossier soumis à l’enquête et comporte les motifs et considérations qui justifient son caractère d’intérêt général. (…) Elle indique, le cas échéant, la nature et les motifs des principales modifications qui, sans en altérer l’économie générale, sont apportées au projet au vu des résultats de l’enquête publique » ; que le conseil régional de la Réunion s’est prononcé sur l’intérêt général de la construction de la nouvelle route du littoral par une déclaration de projet approuvée le 7 février 2012 ; que cette déclaration rappelle que le projet vise à sécuriser « définitivement » le trajet entre Saint-Denis et La Possession en ce qui concerne tant les risques liés à la falaise que ceux résultant de la houle, et qu’il évitera les coupures et les basculements de circulation qui contraignent cet axe majeur dépourvu de véritable itinéraire de substitution ; que le projet, qui n’aura pas pour effet, par lui-même, d’augmenter la circulation, n’a ainsi pas vocation à régler les phénomènes d’engorgement aux entrées de Saint-Denis et de La Possession, secteurs dont l’aménagement constituera des projets complémentaires, mais distincts de la mise en sécurité du trajet entre ces deux agglomérations, alors surtout qu’ils ne peuvent relever de la seule compétence de la région ; que, par suite, le moyen tiré de l’illégalité de la déclaration de projet, invoquée par la voie de l’exception, ne peut qu’être écarté ;

11. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de la directive n° 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 susvisée ont été transposées par la loi n° 2004-338 du 21 avril 2004 et sont désormais codifiées aux articles L. 211-1 et suivants du code de l’environnement ; que, par suite, les requérants ne peuvent utilement faire valoir que l’arrêté du 7 mars 2012 méconnaît ce texte communautaire ; qu’ils n’invoquent pas davantage utilement l’irrégularité de l’enquête publique qui a été organisée préalablement à l’arrêté du 25 octobre 2013 du préfet de la Réunion accordant l’autorisation pour la réalisation des travaux au titre du dispositif législatif sur l’eau, décision régie par une législation distincte et intervenue, en tout état de cause, postérieurement à la déclaration d’utilité publique contestée ;

12. Considérant, en quatrième lieu, qu’une opération ne peut être déclarée d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d’ordre social ou l’atteinte à d’autres intérêts publics qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente ;

13. Considérant, tout d’abord, qu’il ressort des pièces du dossier que l’opération projetée permettra d’assurer une circulation sécurisée, sur une liaison routière majeure du territoire réunionnais et d’ailleurs très empruntée entre les agglomérations de Saint-Denis et de La Possession, à un coût inférieur à d’autres projets précédemment envisagés ; que cette liaison remplacera le trajet actuel qui expose les usagers à des risques mortels, notamment du fait d’éboulements imprévisibles et récurrents de la falaise qui le surplombe et dont le coût d’entretien est significatif ; que ce projet de triples voies de circulation sécurisées dans les deux sens d’un gabarit nettement supérieur à l’ancienne, a été dimensionnée pour favoriser les transports en commun et, à terme, l’aménagement d’une liaison ferrée ; qu’il est établi par l’évaluation économique et sociale jointe au dossier d’enquête que le financement est partagé entre la région Réunion, l’Etat, et l’Union européenne, l’enveloppe demeurant à la charge de la région s’élevant, en valeur 2010, à la somme de 669 000 000 euros sur un total de 1 660 000 000 euros ; qu’il ne ressort pas des éléments au dossier que les capacités financières de la région, dont l’autofinancement brut s’établissait à 146 400 000 euros en 2011 selon le rapport d’observations définitives sur la gestion de cette collectivité pour les exercices 2006 et suivants établi par la chambre régionale des comptes, étaient insuffisantes pour lui permettre d’assumer la charge qui lui revient ;

14. Considérant, ensuite, qu’il n’est pas démontré que le territoire réunionnais ne disposerait pas de la ressource en matériaux nécessaire pour la construction de l’ouvrage ; que, par suite, les risques évoqués par M. V== et autres en cas d’importation de matériaux, hypothèse au demeurant non retenue par le maître de l’ouvrage, ne peuvent qu’être écartés ; qu’ils ne peuvent utilement invoquer, pour critiquer l’utilité publique du projet, les impacts qui pourraient résulter de l’exploitation de nouvelles carrières, dont l’ouverture est subordonnée au respect des garanties prévues par les dispositions du code de l’environnement relatives aux installations classées ; que le projet a été conçu pour que tant les sections sur digue que le tablier du viaduc soient hors d’atteinte de la houle centennale, en prévoyant une garde d’un mètre par rapport à la cote correspondante ; que, par ailleurs, le projet prend en considération, sur la base de plusieurs études scientifiques, l’hypothèse d’une surélévation du niveau de la mer de 50 centimètres ; que les requérants ne démontrent pas qu’en retenant cette projection, le maître d’ouvrage se soit fondé sur une donnée erronée ; qu’il n’est pas établi que l’ouvrage ne pourrait résister aux intempéries cycloniques, la sécurité des usagers imposant de toute façon la fermeture de la voie littorale ; que le projet est assorti de nombreuses mesures de compensation, dont le coût est évalué, dans l’estimation sommaire des dépenses, à 52 000 000 euros ; qu’il n’est pas établi, ni même soutenu, que la construction en cause porterait une atteinte excessive à la propriété privée ; que, si le dossier d’enquête renvoie à des études complémentaires, notamment en ce qui concerne les incidences de la fourniture des matériaux et la protection de certaines espèces protégées, les éléments au dossier sont suffisants pour apprécier les inconvénients que le chantier induira ; que le projet évoque les mesures à mettre en œuvre pour assurer la sécurité des usagers pendant la phase de construction ; que la circonstance que l’implantation de l’ouvrage affecterait des terrains qui relèveraient du domaine public des communes concernées n’est pas de nature, par elle-même, à ôter au projet son caractère d’utilité publique ;

15. Considérant que, si le projet se traduira par une augmentation de certaines nuisances, notamment la pollution atmosphérique et le bruit, portera nécessairement une atteinte au milieu naturel marin au droit de l’ouvrage et accroîtra les difficultés de circulation pendant la phase de construction, ni ces incidences négatives, ni le coût de l’opération ne sont excessifs au regard de l’importance qu’il présente pour la sécurité des usagers sur cet axe majeur de l’Ile, essentiel à son développement économique ; que, dès lors, les inconvénients qu’il comporte ne retirent pas davantage au projet son caractère d’utilité publique ;

16. Considérant, en cinquième lieu, qu’aux termes de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme : « I. L’extension de l’urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement » ; qu’aux termes de l’article L. 156-2 de ce code, relatif au littoral dans les départements d’outre-mer : « Les dispositions des paragraphes II et III de l’article L. 146-4 ne sont pas applicables. Les dispositions suivantes leur sont substituées. / Dans les rivages proches du rivage : / - l’extension de l’urbanisation n’est admise que dans les secteurs déjà occupés par une urbanisation diffuse ; / - des opérations d’aménagement ne peuvent être autorisées que si elles ont été préalablement prévues par le chapitre particulier du schéma régional valant schéma de mise en valeur de la mer » ; qu’il n’est pas contesté que la nouvelle route du littoral a été expressément prévue au schéma régional d’aménagement de la Réunion, valant schéma de mise en valeur de la mer ;

17. Considérant, en sixième lieu, qu’en application de l’article L. 156-2 du code de l’urbanisme, les dispositions des paragraphes II et III de l’article L. 146-4 de ce code ne sont pas applicables aux communes littorales des départements d’outre-mer ; que, par suite, M. V== et autres ne soutiennent pas utilement que la mise en comptabilité des plans locaux d’urbanisme de la commune de Saint-Denis et de la commune de La Possession a été décidée en violation du II de l’article L. 146-4 ;

18. Considérant, en septième lieu, qu’en application de l’article L. 156-3 du code de l’urbanisme : « I. Les terrains situés dans les parties actuellement urbanisées de la commune comprises dans la bande littorale définie à l’article L. 156-2 sont préservés lorsqu’ils sont à l’usage de plages, d’espaces boisés, de parcs ou de jardins publics. Il en est de même des espaces restés naturels situés dans les parties actuellement urbanisées de la bande littorale précitée, sauf si un intérêt public exposé au plan local d’urbanisme justifie une autre affectation » ; qu’il ressort des pièces du dossier, notamment du dossier de mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme des communes de Saint-Denis et de La Possession joint au dossier d’enquête, que le remaniement de ces documents d’urbanisme comprend une note de présentation du projet, de ses impacts et des mesures prises pour les supprimer, les réduire et les compenser ; que cette note, exposée dans le dossier de mise en compatibilité, précise que le projet permettra de relier la commune de Saint-Denis à celle du Port en passant par La Possession avec une amélioration, d’une part, du niveau de sécurité grâce à la suppression totale des risques liés à la falaise et à la mer, d’autre part, du confort pour les usagers en raison des nouvelles caractéristiques de la voie, en supprimant, notamment, les embouteillages liés aux basculements et aux fermetures de la route actuelle ; que la note précise, en outre, que des aménagements spécifiques sont prévus pour les transports en commun ; qu’ainsi, les rapports de présentations complétés des plans locaux d’urbanisme de Saint-Denis et de La Possession exposent l’intérêt public qui justifie le changement d’affectation des espaces naturels concernés ; que, si ces plans ne comportent pas de justification du choix retenu par la région pour la réalisation du nouvel axe routier en remplacement de l’actuelle route du littoral, cette absence d’information est sans incidence sur la légalité de la mise en compatibilité ;

19. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par les intimés, M. V== et autres ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. V== et autres demandent le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l’affaire, il y a lieu de mettre à la charge conjointe de M. V== et autres le versement d’une somme globale de 3 000 euros à la région Réunion en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. V== et autres est rejetée.

Article 2 : M. V== et autres verseront conjointement une somme globale de 3 000 euros à la région Réunion en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.