Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2013, présentée pour M. Bernard M==, par Me Laveissière ;

M. M==demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1002074 du 28 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l’annulation du permis de construire délivré le 12 janvier 2010 par le maire de La Brée-les-Bains à M. et Mme G==pour la construction d’une maison à usage d’habitation sur la parcelle cadastrée section E3675 ;

2°) d’annuler ce permis de construire ;

3°) de mettre à la charge de la commune de La Brée-les-Bains la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


1. Considérant que M. et Mme G==, propriétaires de la parcelle cadastrée section E 3675 sur le territoire de la commune de La Brée-les-Bains, ont sollicité la délivrance d’un permis de construire sur ce terrain une maison individuelle à usage d’habitation ; que, par arrêté en date du 12 janvier 2010, le maire de La Brée-les-Bains leur a délivré le permis de construire sollicité ; que M. M==, voisin du terrain d’assiette du projet, relève appel du jugement n°1002074 du 28 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 12 janvier 2010 ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article R. 431-8 du code de l'urbanisme : « Le projet architectural comprend une notice précisant : 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. » ; que si la régularité de la procédure d'instruction d'un permis de construire requiert la production par le pétitionnaire de l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l’urbanisme, le caractère insuffisant du contenu de l'un de ces documents au regard desdites dispositions ne constitue pas nécessairement une irrégularité de nature à entacher la légalité de l'autorisation si l'autorité compétente est en mesure, grâce aux autres pièces produites, d'apprécier l'ensemble des critères énumérés par les dispositions précitées ;

3. Considérant que M. M== soutient que la notice paysagère de la demande de permis de construire est incomplète car il y manque la description de l’état initial du terrain, le document graphique d’insertion dans l’environnement et la description de l’organisation et de l’aménagement des accès au terrain ; qu’il ressort toutefois du dossier de demande de permis de construire que le plan de situation, le plan de zonage et le plan des lots permettent d’apprécier l’emplacement du terrain d’assiette ainsi que les aménagements d’accès à ce terrain ; que le document afférent à l’insertion paysagère et les nombreuses photographies jointes permettent d’apprécier l’état initial du terrain ainsi que son insertion dans l’environnement ; qu’ainsi, il ressort des pièces du dossier que les services instructeurs étaient en mesure d’apprécier la conformité du projet aux règles d’urbanisme ; que ce moyen doit dès lors être écarté ; 4. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 121-8 du code de l'urbanisme : « L'annulation (…) d'un plan local d'urbanisme (…) ou d'un plan d'occupation des sols (…)a pour effet de remettre en vigueur (…) le plan local d'urbanisme (…) ou le plan d'occupation des sols (…) immédiatement antérieur. » ; qu’il ressort des pièces du dossier que le plan local d'urbanisme de La Brée-les-Bains approuvé le 26 février 2008 a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 décembre 2009, confirmé par un arrêt de la cour de céans du 21 décembre 2010 devenu définitif ; que l’annulation du plan local d'urbanisme de La Brée-les-Bains a pris effet dès le prononcé du jugement du 17 décembre 2009 du tribunal administratif de Poitiers ; qu’il résulte des dispositions précitées de l’article L. 121-8 du code de l'urbanisme que cette annulation contentieuse a eu pour effet de remettre en vigueur, à la date du permis contesté, le plan d'occupation des sols immédiatement antérieur au plan local d'urbanisme annulé ; qu’en revanche, la seule circonstance que le permis de construire en litige vise le plan local d’urbanisme annulé est sans incidence sur sa légalité ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article R. 111-2 du code de l'urbanisme : « Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. » ; qu’aux termes de l’article UB3 du règlement du plan d'occupation des sols de La Brée-les-Bains : « (…) Les constructions et installations à leur achèvement doivent être desservies par des voies ouvertes à la circulation publique ou privée dont les caractéristiques correspondent à leur destination et permettent notamment l’accès des véhicules de lutte contre l’incendie (…) Les voies privées doivent avoir une largeur d’emprise de 3 m. minimum pour 2 habitations et 5 m au-delà de 2 habitations. » ;

6. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 2 de l’ordonnance du 7 janvier 1959 relative à la voirie des collectivités locales : « Le classement, l’ouverture, le redressement (…) des voies communales sont prononcées par le conseil municipal (…) » ; qu’aux termes de l’article 4 de cette ordonnance : « Les délibérations du conseil municipal, portant reconnaissance et fixation de la largeur d’une voie communale lorsqu’elles sont approuvées ou exécutoires, attribuent définitivement au chemin le sol des propriétés non bâties dans les limites qu’elles déterminent. Le droit des propriétaires riverains se résout en une indemnité qui est réglée à l’amiable ou à défaut comme en matière d’expropriation. » ;

7. Considérant que le terrain d’assiette du projet est desservi par la ruelle de la Plage ; que si le requérant soutient que cette ruelle était une voie privée appartenant à Mme C==, qui ne l’a cédée à la commune que postérieurement au permis de construire en litige, il ressort des pièces du dossier que le conseil municipal a, par une délibération en date du 11 février 1964, incorporé dans son domaine public la ruelle de la Plage, alors dénommée ruelle de l’Océan ; que la circonstance, pour regrettable qu’elle soit, que la ruelle ne soit mentionnée que sur le tableau de classement des voies communales joint à la délibération et non dans la carte également jointe à cette délibération, ne saurait remettre en cause son incorporation dans le domaine public ; qu’en outre, il résulte des dispositions précitées de l’ordonnance du 7 janvier 1959, sur laquelle se fonde la délibération du 11 février 1964, que cette délibération emporte transfert de propriété des terrains incorporés ; que la circonstance que la commune ait régularisé un acte d’acquisition de la ruelle pour un euro symbolique en 2010 n’est pas de nature à modifier cette appréciation ; qu’ainsi, M. M== ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l’article UB3 du règlement du plan d'occupation des sols afférentes aux seules voies privées ;

8. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales : « Les services d'incendie et de secours sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. / Ils concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l'évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu'aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : / 1° La prévention et l'évaluation des risques de sécurité civile ; / 2° La préparation des mesures de sauvegarde et l'organisation des moyens de secours ; / 3° La protection des personnes, des biens et de l'environnement ; / 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation. » ; que l’article L. 1424-3 du même code précise : « Les services d'incendie et de secours sont placés pour emploi sous l'autorité du maire ou du préfet, agissant dans le cadre de leurs pouvoirs respectifs de police. (…) » ; qu’en vertu de l’article L. 1424-4 du même code : « Dans l'exercice de leurs pouvoirs de police, le maire et le préfet mettent en œuvre les moyens relevant des services d'incendie et de secours dans les conditions prévues par un règlement opérationnel arrêté par le préfet après avis du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours. / L'organisation du commandement des opérations de secours est déterminée par ce règlement. Le commandant des opérations de secours désigné est chargé, sous l'autorité du directeur des opérations de secours, de la mise en œuvre de tous les moyens publics et privés mobilisés pour l'accomplissement des opérations de secours. / En cas de péril imminent, le commandant des opérations de secours prend les mesures nécessaires à la protection de la population et à la sécurité des personnels engagés. Il en rend compte au directeur des opérations de secours (…) » ;

9. Considérant que l’autorité compétente et, en cas de recours, le juge administratif doivent s’assurer qu’une ou plusieurs voies d’accès au terrain d’assiette du projet pour lequel un permis de construire est demandé permettent de satisfaire aux exigences posées par les règles d’urbanisme citées au point 5 ; qu’à cette fin, pour apprécier les possibilités d’accès au terrain pour le propriétaire ou les tiers, il leur incombe de s’assurer de l’existence d’une desserte suffisante de la parcelle par une voie ouverte à la circulation publique et, le cas échéant, de l’existence d’un titre créant une servitude de passage donnant accès à cette voie ; qu’il résulte par ailleurs des dispositions du code général des collectivités territoriales citées au point 8 que les services publics d’incendie et de secours sont, dans le cadre de leurs missions de protection et de secours, en droit d’intervenir sur tout le territoire de la commune, sans que puisse leur être opposé le caractère privé des voies qu’ils doivent emprunter ; que, dès lors, pour apprécier les possibilités d’accès de ces services au terrain d’assiette, il appartient seulement à l’autorité compétente et au juge de s’assurer que les caractéristiques physiques d’une voie d’accès permettent l’intervention de leurs engins, la circonstance que cette voie ne serait pas ouverte à la circulation publique ou grevée d’une servitude de passage étant sans incidence ;

10. Considérant que si les véhicules des services de lutte contre l’incendie ne peuvent accéder à la parcelle assiette du projet par la ruelle de la Plage eu égard à sa largeur de 2,34 mètres dans sa partie la plus étroite, il ressort des pièces du dossier que le lotissement créé par Mme B==, auquel le maire ne s’est pas opposé par une décision du 4 novembre 2009, et dont la maison litigieuse constitue le lot 5, comporte à l’arrière de celle-ci un lot 2 auquel un accès a été aménagé directement depuis la rue du Douhet, sur une bande de terrain cadastrée 3674 d’une largeur de 5 mètres ; que M. M== n’allègue pas une incapacité matérielle pour les pompiers d’accéder en cas de sinistre au terrain d’assiette en litige en empruntant le cas échéant cette voie privée, sans qu’il soit besoin d’examiner si celle-ci, à la supposer non ouverte à la circulation publique, serait grevée d’une servitude de passage ; que par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l’article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de l’article UB3 du plan d’occupation des sols en raison de l’insuffisance de l’accès pour les véhicules de lutte contre l’incendie doivent être écartés ;

11. Considérant, en dernier lieu, qu’aux termes de l’article UB11 du règlement du plan d'occupation des sols de La Brée-les-Bains : « (…) Les menuiseries extérieures seront, soit de ton bois naturel clair, soit peintes dans les couleurs suivantes : blanc, blanc cassé, gris clair, vert, dans les tons clair à moyen. Les autres couleurs ne sont tolérées qu’en petites surfaces (…) » ;

12. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la notice architecturale prévoit des « volets de couleur taupe (couleur soutenu) » ; que le choix de cette couleur, qui correspond à un gris de ton moyen, ne méconnaît pas les prescriptions précitées de l’article UB11 du règlement du plan d'occupation des sols ;

13. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées tant en première instance qu’en appel, que M. M==n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l’annulation du permis de construire délivré à M. et Mme G==le 12 janvier 2010 par le maire de La Brée-les-Bains ;

Sur les conclusions reconventionnelles de M. et Mme G== :




14. Considérant, d’une part, qu'aux termes de l’article L. 600-7 du code de l'urbanisme : « Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. (...) » ;

15. Considérant que, par mémoire distinct enregistré le 28 novembre 2013, M. et Mme G== ont demandé, sur le fondement des dispositions précitées, la condamnation de M. M== à leur verser la somme de 50 000 euros ; que si M. et Mme G== soutiennent que M. M== a, en première instance, systématiquement répliqué aux écritures produites par les autres parties pour allonger le délai d’instance, il ressort des pièces du dossier que la demande de M. M== a été enregistrée le 3 août 2010 et que, malgré deux réouvertures dans l’intervalle, l’instruction a été close par le tribunal moins d’un an plus tard, le 17 juin 2011 ; que l’appel interjeté par M. M== et les mémoires qu’il a produits au cours de la présente instance n’ont pas davantage excédé la défense de ses intérêts légitimes ; qu’au demeurant, M. et Mme G== n’ont pas, en se prévalant seulement de l’incertitude pendant près de cinq ans sur le devenir de leur construction, dont ils n’ont pu parachever la décoration ni envisager la vente, démontré l’existence d’un préjudice excessif ; que, par suite, les conclusions tendant à ce que M. M== les indemnise à ce titre doivent être rejetées ;

16. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article R. 741-12 du code de justice administrative : « Le juge peut infliger à l’auteur d’une requête qu’il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3000 euros » ; que la faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de M. et Mme G== tendant à ce que M. M== soit condamné à une telle amende ne sont pas recevables ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de La Brée-les-Bains, qui n’est pas la partie perdante, la somme que demande M. M== au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu ,dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. M== les sommes que demandent M. et Mme G== et la commune de La Brée-les-Bains au même titre ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. M== est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. et Mme G== présentées sur le fondement des articles L. 600 7 du code de l'urbanisme, L. 761-1 et R. 741-12 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la commune de La Brée-les-Bains présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.