Vu la requête, enregistrée le 1er octobre 2012, présentée pour la commune de Rémire Montjoly, représentée par son maire, par la SCP Mariema-Bouchet & Bouchet ;

La commune de Rémire-Montjoly demande à la cour :

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1. Considérant que la commune de Rémire-Montjoly relève appel du jugement n° 1100619 du 2 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a annulé, à la demande de Mme M==, l’arrêté du maire de Rémire-Montjoly du 24 février 2011 autorisant la SNC Le Diamant à construire un centre de loisirs à caractère nautique, avec différents « carbets » destinés les premiers à l’accueil et au rangement de matériel nautique, pour régulariser un bureau et une construction existante, d’autres à la création d’un grill, de sanitaires, et d’abris à pique-niques sur une parcelle cadastrée section AP 237, sise 6 323 route des Plages ;

Sur la recevabilité des conclusions d’appel présentées par la SNC Le Diamant :

2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le jugement du tribunal administratif de Cayenne du 2 juillet 2012 dont la SNC Le Diamant demande l’annulation lui a été notifié le 4 juillet 2012 par un courrier en lettre recommandée avec accusé de réception, que cette société n’a jamais retiré et qui a finalement été retourné au tribunal administratif ; que les conclusions présentées par cette société et enregistrées le 11 janvier 2013, après l’expiration du délai d’appel, sont donc tardives et, par suite, irrecevables ;

Sur la recevabilité de la demande :

3. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 600-2 du code de l’urbanisme : « Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire (...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 » ; qu’en vertu de l'article R. 424-15 du même code : « Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l’extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l’arrêté. (…) Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. (…) Un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme règle le contenu et les formes de l'affichage. » ; qu’aux termes de l’article A. 424-16 de ce code : « Le panneau prévu à l'article A. 424-1 indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté. / Il indique également, en fonction de la nature du projet : a) Si le projet prévoit des constructions, la surface de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel (…). » ; qu’enfin, selon l’article A.424-17 du même code : « Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : "Droit de recours : "Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code de l'urbanisme). Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine d'irrecevabilité, être notifié à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. Cette notification doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (art. R. 600-1 du code de l'urbanisme). » ;

4. Considérant d’une part, qu’il ressort des pièces du dossier que le permis de construire en litige a été délivré à la SNC Le Diamant le 24 février 2011 ; que cette société a fait réaliser de nombreux constats d’huissier les 3 mars, 5, 19 et 26 mars, les 2, 8, 16, 23 et 30 avril, et les 14 et 18 mai 2011 afin d’établir la régularité de l’affichage de ce permis sur le terrain d’assiette du projet ; que par une requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Cayenne le 2 mai 2011, Mme M== a demandé l’annulation de ce permis ; que la société pétitionnaire a alors produit, afin de démontrer la tardiveté de cette demande, une attestation du commandant de police, datée du 29 mai 2011, soit postérieurement au recours en annulation présenté par Mme M==, indiquant que le panneau correspondant à ce permis de construire aurait été affiché sur le portail d'entrée de la base de loisirs dès le 26 février 2011 ; que toutefois, cette attestation, rédigée trois mois après les faits pour être délivrée au pétitionnaire, n’est pas à elle seule de nature à justifier que la date de cet affichage ait précédé celle du constat effectué par huissier le 3 mars 2011 ; que d’autre part, il ressort du constat d’huissier produit par la commune, que le panneau installé sur le terrain d’assiette du projet ne comportait pas la mention de la hauteur des constructions prévues et qu’aucune indication ne permettait d’estimer cette hauteur alors que le projet emporte notamment la création de nouveaux volumes ; que la publication réalisée ne pouvait dès lors être regardée comme complète et régulière ; que, dans ces conditions, c’est à bon droit que les premiers juges ont écarté la fin de non recevoir tirée de la tardiveté de la demande de Mme M== présentée le 2 mai 2011 tendant à l’annulation de l’arrêté du 24 février 2011 ;

5. Considérant en deuxième lieu, qu’il ressort des plans versés au dossier que Mme M== est propriétaire de la parcelle AP 358, située route des Plages au point kilométrique 14, à proximité de la parcelle d’assiette du projet cadastrée AP 237, dont l’adresse est au même point kilométrique, dont elle n’est séparée que par une route départementale et la parcelle AP 521, à une distance d’une cinquantaine de mètres ; que s’il ne ressort pas des pièces du dossier que la maison d’habitation de Mme M== aurait une vue directe sur le projet en litige, l’intéressée se plaint de nuisances sonores dues aux conditions d’exploitation des constructions réalisées, et a sollicité à plusieurs reprises l’intervention des services de police pour tapage nocturne ; que c’est dès lors à bon droit que les premiers juges ont retenu que Mme M== était voisine du projet en cause et qu’elle justifiait, en conséquence, d’une qualité lui donnant intérêt à demander l’annulation du permis de construire délivré à la SNC Le Diamant ;

Sur la légalité de l’arrêté :

6. Considérant que la commune de Rémire-Montjoly soutient que le tribunal administratif ne pouvait annuler le permis attaqué au seul motif que le dossier de demande de ce permis ne décrivait pas de manière suffisamment précise le dispositif d’assainissement des eaux usées du projet ;

7. Considérant qu’aux termes de l’article R 431-9 du code de l'urbanisme : « Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. » ;

8. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la communauté de communes du Centre littoral (CCCL) avait relevé, dans un avis émis le 28 mai 2009, qu’il convenait de réaliser une étude d’assainissement portant sur les bases de conception, d’implantation et de dimensionnement du dispositif d’assainissement ainsi que les caractéristiques techniques du terrain d’assiette du projet ; que la commune a reconnu, devant le tribunal, que la mention, par l’arrêté attaqué, d’un avis favorable de la CCCL en date du 20 décembre 2010 était erronée ; qu’ainsi, le dossier de demande de permis ne permettait pas au service instructeur de s’assurer que le dispositif d’assainissement envisagé par le pétitionnaire ne portait pas atteinte à la salubrité publique ; que la commune soutient que la prescription dont est assorti l’arrêté attaqué du 26 février 2011 aurait permis de pallier l’insuffisance du dossier de demande en subordonnant l’utilisation du dispositif de traitement des eaux usées du projet à une approbation préalable de la CCCL ; que cependant, le maire ne pouvait renoncer à contrôler les caractéristiques du dispositif d'assainissement prévu, qui constituent une condition essentielle de la régularité du permis au regard des dispositions de l’article R.111-2 du code de l’urbanisme ; qu’en délivrant le permis de construire au vu d’un dossier incomplet en se bornant à renvoyer au respect de futures prescriptions de la CCCL, le maire de Rémire-Montjoly a méconnu les dispositions précitées de l’article R. 431-9 du code de l’urbanisme ; qu’enfin, la commune ne saurait se prévaloir de la délivrance, le 2 octobre 2012, d’un certificat attestant de la conformité de l’installation d’assainissement tant avec la règlementation qu’avec les recommandations formulées dans le permis litigieux et l’avis émis le 28 mai 2009, ce certificat de conformité délivré postérieurement à l’édiction du permis, et demandant au demeurant des travaux complémentaires de ventilation et d’extraction, n’étant pas de nature à le régulariser ; que, dans ces conditions, c’est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le dossier de demande de permis était insuffisant au regard des prescriptions de l’article R.431-9 du code de l’urbanisme ;

9. Considérant qu’aux termes de l’article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme issu de l’article 2 de l’ordonnance n°2013-638 du 18 juillet 2013, entrée en vigueur le 19 août suivant, laquelle disposition est immédiatement applicable au présent litige : « Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. » ;

10. Considérant que ces dispositions, qui instituent des règles de procédure concernant exclusivement les pouvoirs du juge administratif en matière de contentieux de l’urbanisme, sont, en l’absence de dispositions expresses contraires, d’application immédiate aux instances en cours ; qu’en conséquence, le juge d'appel peut, à compter de l’entrée en vigueur de ces dispositions, mettre en œuvre les dispositions de l’article L. 600-5-1, y compris dans le cas où il est saisi d'un jugement d’annulation qui a été rendu avant l’entrée en vigueur de ces dispositions ;

11. Considérant cependant, que lorsque le juge d’appel estime qu’un moyen ayant fondé l’annulation du permis litigieux par le juge de première instance est tiré d’un vice susceptible d’être régularisé par un permis modificatif, et qu’il décide de faire usage de la faculté qui lui est ouverte par l’article L. 600-5-1, il lui appartient, avant de surseoir à statuer sur le fondement de ces dispositions, de constater préalablement qu’aucun des autres moyens ayant, le cas échéant, fondé le jugement d’annulation, ni aucun de ceux qui ont été écartés en première instance, ni aucun des moyens nouveaux et recevables présentés en appel, n’est fondé et n’est susceptible de donner lieu à régularisation par un permis modificatif, et d’indiquer dans sa décision de sursis pour quels motifs ces moyens doivent être écartés ; 12. Considérant que contrairement à ce que soutient la commune, Mme M==, intimée, qui avait soulevé devant le tribunal des moyens tenant à la procédure de délivrance du permis, qui se rattachent à la légalité externe, et des moyens de légalité interne, est recevable à invoquer en appel des moyens nouveaux qui peuvent se rattacher à l’une ou l’autre de ces causes juridiques ;

13. Considérant que Mme M== soutient que le permis en litige a été délivré en méconnaissance de la règle de recul énoncée par l’article II ND 6 du règlement du plan d’occupation des sols relatif à l’implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques, selon lequel : « 1. Les constructions nouvelles doivent être édifiées à au moins 35 mètres de l’axe des RN et RD, ce retrait peut être ramené à 15 mètres le long de la RD1 après avis du gestionnaire de la voie (…). » ;

14. Considérant qu’il ressort du plan de masse que les bâtiments à construire ou à régulariser sont implantés à une distance inférieure à 35 mètres de l’axe de la route départementale ; que la commune et le pétitionnaire ne produisent aucun document de nature à contredire cette affirmation, ni à justifier que le gestionnaire de la voie ait été saisi d’une demande de dérogation à 15 mètres, laquelle ne paraît, en tout état de cause, pas pouvoir régulariser l’ensemble des bâtiments du projet au regard de la configuration du terrain et de leur implantation ; que par suite, Mme M. est fondée à soutenir que le permis de construire méconnaît les dispositions précitées de l’article II ND 6 du règlement du plan d’occupation des sols ; que cette méconnaissance emporte annulation de l’autorisation de construire dans son intégralité ; que pour l’application de l’article L.600-4-1 du code de l’urbanisme, aucun des autres moyens n’est de nature à justifier l’annulation partielle ou totale de ce permis ;

15. Considérant ainsi que si le vice tenant à l’insuffisance du dossier de demande de permis de construire était susceptible de régularisation par la délivrance d’un permis de construire modificatif, il n’y a pas lieu de surseoir à statuer sur le fondement des dispositions précitées de l’article L.600-5-1 du code de l’urbanisme pour permettre la régularisation du dossier sur l’assainissement dès lors que la méconnaissance des dispositions de l’article II ND 6 du règlement du plan d’occupation des sols emporte annulation totale du permis en litige ;

16. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que la commune de Rémire-Montjoly n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cayenne a annulé l’arrêté du 24 février 2011 ;

Sur les conclusions tendant à l’application des articles L.761-1 et R.761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées par la commune de Rémire-Montjoly et la SNC Le Diamant, parties perdantes dans la présente instance, sur leur fondement ;

18. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la seule commune de Rémire-Montjoly une somme de 1 500 euros à verser à Mme M== au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par la commune de Rémire-Montjoly et les conclusions de la SNC Le Diamant sont rejetées.

Article 2 : La commune de Rémire-Montjoly versera une somme de 1 500 euros à Mme M== au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme M== est rejeté.