Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2013, présentée pour Mme M-T-B==t, par Me Goulamaly ;

Mme B== :

1°) d’annuler le jugement n° 0901344 du 8 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Electricité de France à lui verser la somme de 5 366,26 euros au titre des frais engagés pour la sécurisation du poteau électrique illégalement implanté sur sa propriété et 45 000 euros au titre du préjudice subi du fait de cette implantation ;

2°) de condamner la société Electricité de France à lui verser la somme de 45 000 euros au titre du préjudice subi par la servitude irrégulière imposée sur sa propriété, la somme de 5 000 euros au titre des frais de consolidation du poteau litigieux et la somme de 366,26 euros en remboursement des frais de constat d'huissier ;

3°) de mettre à la charge de la société Electricité de France une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


1. Considérant que Mme B==, propriétaire d’une parcelle cadastrée section AV 374 sur le territoire de la commune de La Montagne à la Réunion, estimant qu’un poteau électrique a été implanté sans aucune autorisation à l’intérieur de sa propriété, a demandé à la société Electricité de France de réparer le préjudice subi du fait de l’implantation irrégulière de ce poteau et de lui rembourser les frais qu’elle a engagés pour sa consolidation ; qu’elle relève appel du jugement n° 0901344 du 8 novembre 2012 du tribunal administratif de Saint-Denis qui a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l’indemnisation de l’emprise irrégulière du poteau électrique :

En ce qui concerne la compétence de la juridiction administrative :

2. Considérant que, sauf dispositions législatives contraires, la responsabilité qui peut incomber aux personnes morales de droit public ou aux personnes privées gestionnaires d’ouvrages publics en raison des dommages imputés à ces ouvrages est soumise à un régime de droit public et relève en conséquence de la juridiction administrative ; que cette compétence ne vaut toutefois que sous réserve des matières dévolues à l'autorité judiciaire par des règles ou principes à valeur constitutionnelle ; que, dans le cas de l’implantation d’un ouvrage public portant atteinte à une propriété privée, implantation qui ne peut être regardée comme procédant d’un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose le gestionnaire de l’ouvrage, le juge administratif, compétent pour statuer sur le recours en annulation de la décision d’implanter un ouvrage public et, le cas échéant, pour adresser des injonctions au gestionnaire tendant notamment au déplacement d’un tel ouvrage, l’est également pour connaître de conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de son implantation sans titre, hormis le cas où elle aurait pour effet l’extinction du droit de propriété ;

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction et notamment du plan dressé par le géomètre expert ayant procédé à la définition de l’alignement de la voie publique riveraine de la parcelle AV 374, produit pour la première fois en appel, que le poteau, support de la ligne électrique, a été implanté sur le terrain appartenant à Mme B== et non sur la parcelle AV 376 appartenant au département, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal ; que la circonstance que l’attestation du géomètre indiquant que le poteau est situé sur la parcelle privative ait précisé « à l’arrière du mur de clôture » ne signifie pas que le géomètre se soit fondé exclusivement sur cette clôture pour fonder ses conclusions ; que ce poteau est destiné à assurer le service public de distribution d’énergie électrique dans le département de la Réunion, auquel il est directement affecté ; que par conséquent il constitue un ouvrage public ;

4. Considérant que l’installation de cet ouvrage public porte atteinte, sans toutefois provoquer son extinction, au droit de propriété de Mme B== ; qu’en l’absence d’intervention d’un accord amiable avec cette dernière ou d’institution d’une servitude dans les conditions prévues par l’article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d’énergie ou encore de l’accomplissement d’une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique, le tribunal administratif était compétent pour connaître des conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de cette situation, même si la société Electricité de France est une société de droit privé en application des dispositions de l’article 24 de la loi du 9 août 2004 ; que par suite, l’exception d’incompétence soulevée par la société EDF, et non expressément abandonnée, doit être écartée ;

En ce qui concerne la recevabilité de la demande :

5. Considérant que si la société Electricité de France (EDF) fait valoir que le poteau en cause se situe en zone d’électrification rurale dont le maître d’ouvrage est la commune de Saint-Denis, elle ne conteste pas que ledit poteau lui a été rétrocédé et qu’elle en est le concessionnaire, chargé de sa pérennité et de son entretien, ainsi qu’en atteste un courrier de la commune de Saint-Denis en date du 17 juin 2010 ; que la société EDF reste responsable de l’ouvrage public en litige ; que la fin de non-recevoir tirée de ce que les conclusions indemnitaires de Mme B== seraient mal dirigées doit donc être écartée ;

En ce qui concerne le droit à indemnité :

6. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le poteau électrique est implanté en bordure de propriété et que l’empiétement ne peut être regardé comme portant sur plus d’un mètre carré ; que Mme B== n’apporte toutefois aucun élément justifiant le chiffrage de sa demande à 45 000 euros ; qu’il sera fait une juste évaluation de ce préjudice, s’agissant d’un poteau implanté sur le talus en forte pente formant clôture du jardin de son habitation et n’occupant qu’une très petite partie de ce jardin, en condamnant Electricité de France à lui verser la somme de 1 500 euros ;

Sur les conclusions tendant au remboursement des frais engagés pour la consolidation du poteau :

En ce qui concerne l’exception d’incompétence et la fin de non recevoir opposées par la société EDF :

7. Considérant que les conséquences de l’implantation du poteau sur le terrain de Mme B== relèvent du régime des dommages de travaux publics ; que l’intéressée a la qualité de tiers par rapport à cet ouvrage ; que par suite EDF n’est pas fondée à soutenir que la juridiction administrative serait incompétente pour statuer sur l’indemnité demandée à ce titre ; que, pour les motifs indiqués plus haut, Electricité de France n’est pas davantage fondée à soutenir que la demande de Mme B== serait irrecevable ;

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

8. Considérant que Mme B== demande à la société EDF le remboursement d’une somme de 5 000 euros qu’elle a exposée pour consolider le talus qui soutient le poteau électrique ; qu’il ressort du constat d’huissier fait à sa demande que son mari aurait découvert un décaissement sous le poteau après avoir dessouché une touffe de bambous ; que le technicien qui s’est rendu sur place a estimé que l’état des lieux ne présentait pas de danger pour la stabilité du poteau mais a en revanche fermement déconseillé de dessoucher davantage ; qu’il ne résulte pas de l’instruction, dès lors que le décaissement n’atteint pas les fondations du poteau, que celui-ci présenterait un danger particulier ; que par ailleurs les travaux facturés correspondent au terrassement, à l’enrochement et à l’apport de terre végétale sur l’ensemble du talus de la requérante le long de sa parcelle sur une longueur de trente-cinq mètres et non à la seule consolidation du socle du pylône électrique ; que dans ces conditions, Mme B== n’est pas fondée à demander le remboursement des frais qu’elle a engagés pour la consolidation de son talus, qui n’apparaissent pas en lien direct avec l’implantation de l’ouvrage public ;

Sur les conclusions tendant à la condamnation d’Electricité de France à rembourser les frais d’huissier :

9. Considérant que, par voie de conséquence, il n’y a pas lieu de mettre à la charge d’Electricité de France les frais du constat d’huissier demandé par Mme B== pour établir l’état du talus au droit du poteau électrique ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge d’Electricité de France la somme de 1 500 euros à verser à Mme B== au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu’il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SA Electricité de France présentées sur le même fondement ;

DECIDE :

Article 1er : Electricité de France est condamnée à verser la somme de 1 500 euros à Mme B==.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Electricité de France versera la somme de 1 500 euros à Mme B== au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B== est rejeté.