Vu la requête, enregistrée le 26 décembre 2012, présentée pour Mme F==, M.==, Mlle F==, par Me M==, avocat ;

Les consorts F== demandent à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1001814 du 25 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Saint Jean d’Angély, d’une part, à verser à Mme F== la somme de 162 504,49 euros en réparation des préjudices subis par cette dernière des suites de l’accident dont elle a été victime le 5 mai 2001, d’autre part, à verser à M. F== la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral, enfin, à verser à M. et Mme F==, en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure C==F==, la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

2°) de condamner la commune de Saint Jean d’Angély à verser la somme de 202 692,88 euros à Mme F== en réparation de ses préjudices corporels et les sommes de 3 000 euros respectivement à M. F== et Mlle F== en réparation de leur préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint Jean d’Angély une somme de 4 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;


1. Considérant que, le 5 mai 2001, alors qu’elle assistait, depuis une tribune, à un match de basket-ball dans un gymnase municipal de Saint Jean d’Angély, le gradin sur lequel Mme F== était assise s’est effondré, occasionnant des blessures à sa jambe droite ; que les consorts F== ont recherché la responsabilité de la commune de Saint Jean d’Angély devant le tribunal administratif de Poitiers en raison des conséquences dommageables de cet accident ; que, par un jugement n° 1001814 du 25 octobre 2012, dont ils relèvent appel, le tribunal a rejeté leurs demandes ainsi que les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime ; que, dans le dernier état de leurs écritures, ils demandent la condamnation de la commune de Saint Jean d’Angély à verser la somme de 213 192,88 euros à Mme F== et une somme de 3 000 euros chacun à M. F== et à C== F==, leur fille, en réparation des différents chefs de préjudice subis des suites de cet accident ; que la caisse primaire d’assurance maladie de la Charente-Maritime demande la condamnation de ladite commune à lui verser la somme de 21 308,06 euros au titre des prestations servies au bénéfice de Mme F== et une somme de 1 015 euros au titre de l’indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant que la responsabilité de la personne publique maître d'un bien à l'égard de l'usager qui a été victime d'un dommage imputé à ce bien n'est engagée de plein droit pour défaut d'entretien normal, sans que l'intéressé ait à établir l'existence d'une faute à la charge de cette personne publique, qu'à la condition que le dommage soit imputable à un bien immobilier, seul susceptible de recevoir la qualification d'ouvrage public ;

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment du témoignage du responsable du service des sports de la commune de Saint Jean d’Angély recueilli lors de l’enquête menée par les services de police, que la tribune à l’origine de l’accident, composée de cinq rangées de gradins en bois reposant sur une structure métallique, avait été installée en 1998 dans le gymnase municipal et qu’elle était utilisée « en permanence, soit pour les scolaires soit pour les spectateurs de sports collectifs » et soumise à une « utilisation intensive » ; que, même si cette tribune n’était pas fixée au sol et n’avait pas été conçue ou aménagée spécialement pour le gymnase, elle doit être regardée, eu égard à l’affectation de ce dernier à des rencontres sportives ouvertes au public, comme constituant un élément de l’ouvrage public constitué par ce gymnase ;

4. Considérant qu’il résulte également de l’instruction que cette tribune, qui avait été déplacée de la piscine municipale au gymnase, était vétuste ; que la commune de Saint Jean d’Angély n’établit pas que cet équipement aurait fait l’objet d’un contrôle technique depuis 1994 ; que les visites de la commission communale contre les risques d’incendie et de panique dont la commune se prévaut ne portaient pas sur la solidité des estrades ; que l’accident doit ainsi être regardé comme imputable à un défaut d’entretien normal de l’ouvrage public, à l’égard duquel Mme F== avait la qualité d’usager, de nature à engager la responsabilité de la commune de Saint Jean d’Angély ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les consorts F== sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a écarté la responsabilité de la commune de Saint Jean d’Angély ; qu’il y a lieu de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur leurs conclusions indemnitaires ;

Sur la réparation :

En ce qui concerne les préjudices subis par Mme F== :

6. Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment des certificats médicaux versés au dossier et de l’expertise du docteur P== du 30 novembre 2007 ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Saintes, que l’accident de Mme F==, au cours duquel son mollet droit a été écrasé, lui a occasionné une lésion neurologique du sciatique poplité interne, entraînant des douleurs, des troubles de la marche et un déficit sensitif de la partie interne du pied ; que la requérante, dont la date de consolidation des blessures a été fixée, par l’expertise susmentionnée, à la date du 9 février 2007, sollicite l’indemnisation des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux qu’elle estime avoir subis du fait de son accident ;

S’agissant des préjudices patrimoniaux :

Quant aux préjudices temporaires :

7. Considérant, en premier lieu, que Mme F==, qui exerce l’activité d’assistante maternelle, a été en arrêt maladie du 5 mai 2001 au 29 avril 2004 ; qu’il résulte de ses bulletins de paye des mois de février, mars et avril 2001 qu’elle percevait, avant son accident, une rémunération moyenne de 543 euros par mois pour l’accueil de deux enfants ; qu’elle avait en outre conclu le 23 avril 2001 un contrat de travail prenant effet au 1er juin suivant pour l’accueil, à raison de 21h30 par semaine, d’un troisième enfant ; que la résiliation de ce contrat, prononcée du fait de son accident, l’a privée d’un complément de rémunération qui peut être évalué à 245 euros par mois ; qu’il résulte de l’état de créances produit par la caisse primaire d’assurance maladie de la Charente-Maritime que Mme F== a perçu, durant la période d’arrêt maladie, des indemnités journalières d’un montant total de 13 071,07 euros ; que sa recherche d’emploi, attestée par les justificatifs versés, est demeurée infructueuse de mai 2004 à janvier 2005 ; qu’à compter de février 2005, la requérante, dont l’état de santé ne lui permettait plus de garder trois enfants, a conclu un nouveau contrat de travail pour l’accueil de deux enfants, et perçu une rémunération mensuelle de 690 euros ; qu’il sera donc fait une exacte appréciation de la perte de revenus subie par Mme F== jusqu’à sa consolidation, acquise au 9 février 2007, en l’évaluant à la somme de 19 000 euros ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que Mme F== soutient avoir exposé des dépenses de santé demeurées à sa charge pour un montant total de 900 euros, correspondant à des séances d’ostéopathie et des consultations chez un psychologue ; qu’il résulte cependant de l’instruction que les dix séances de psychothérapie prescrites par un psychologue, dont la requérante demande le remboursement, concernaient sa fille ; qu’il n’est pas établi que cette dernière aurait effectivement suivi ces séances ; que si la requérante a consulté, avec son époux, un psychologue, elle ne produit aucun justificatif relatif au coût des séances ; qu’il n’est pas davantage justifié que les séances d’ostéopathie suivies chez M. F== avaient un rapport avec les séquelles de l’accident qu’elle a subi ; qu’en revanche, il ressort du certificat établi par M. G==, kinésithérapeute-ostéopathe, que la requérante a suivi une séance d’ostéopathie, d’un coût de 54 euros, en lien avec son accident ; qu’ainsi, il y a lieu de lui allouer une somme de 54 euros au titre de ses dépenses de santé actuelles, et de rejeter le surplus de ses conclusions indemnitaires afférentes à ce chef de préjudice ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu’il est constant que Mme F==, mère de trois jeunes enfants, était, du fait d’une difficulté de flexion du genou droit consécutive à son accident, gênée dans l’accomplissement des gestes de la vie quotidienne ; qu’il résulte notamment de l’attestation établie par une assistante sociale que son état nécessitait l’assistance d’un travailleur familial ; que, dans ces conditions, il y a lieu de lui allouer, ainsi qu’elle le demande, une indemnité de 326,70 euros correspondant aux frais d’intervention d’un travailleur familial qu’elle a supportés ;

10. Considérant, enfin, que la requérante sollicite l’indemnisation des frais de déplacement qu’elle a exposés pour se rendre à ses rendez-vous médicaux, et fournit deux tableaux récapitulatifs des trajets, accompagnés des certificats médicaux afférents à chaque trajet ; que l’indemnité qu’elle sollicite, calculée à juste titre par application du barème kilométrique fiscal, doit être réduite des frais de transport correspondant à des consultations médicales non justifiées, notamment les séances de psychothérapie dont il n’est pas établi qu’elles auraient été effectivement suivies par la jeune C== et les séances d’ostéopathie dont la nécessité n’est pas démontrée ; qu’il y a également lieu de diminuer l’indemnité sollicitée des trajets que la requérante a comptabilisés à deux reprises ; que les simples courriers médicaux qui ne font état d’aucun rendez-vous, ne permettent pas davantage de justifier de la réalité des frais de transport allégués ; qu’enfin, et ainsi que le fait valoir la commune de Saint Jean d’Angély, la requérante, qui a fait le choix de suivre des séances de kinésithérapie éloignées d’environ 30 km de son domicile, ne saurait obtenir l’indemnisation intégrale du coût de déplacement y afférent ; que, dans ces conditions, il sera fait une exacte appréciation du préjudice tenant aux frais de transport en l’évaluant à 1 700 euros ;

Quant aux préjudices permanents :

11. Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment des certificats médicaux et du rapport d’expertise du docteur P==, qu’en raison des séquelles de son accident, Mme F== a été contrainte de réduire son activité professionnelle ; qu’en raison de son état de santé, son agrément d’assistante maternelle a d’ailleurs été modifié, en 2006, quant au nombre d’enfants accueillis, passant de trois à deux enfants ; qu’il sera fait une juste appréciation des préjudices tenant à la perte de gains futurs et à l’incidence professionnelle en allouant à Mme F== une indemnité globale de 27 000 euros ;

S’agissant des préjudices à caractère personnel :

Quant aux préjudices temporaires :

12. Considérant, en premier lieu, que Mme F== a subi avant la consolidation de son état de santé, acquise au 9 février 2007, une période d’incapacité temporaire totale d’une durée de trente jours ; qu’elle a été placée en arrêt maladie jusqu’au 29 avril 2004 ; qu’il est constant qu’elle a conservé une gêne dans l’accomplissement de certains gestes de la vie quotidienne ; qu’il sera fait une juste appréciation du préjudice ayant résulté pour elle de son déficit fonctionnel temporaire en l’évaluant à 5 000 euros ;

13. Considérant, en deuxième lieu, que les souffrances physiques et morales endurées par la requérante, fixées à 4/7 par l’expert, peuvent être évaluées à 6 000 euros ;

14. Considérant, en troisième lieu, que Mme F== a subi un préjudice esthétique temporaire, évalué par l’expert à 0,5 sur 7, du fait de la modification de l’appui de son pied droit ; qu’il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en lui allouant une somme de 1 000 euros ;

Quant aux préjudices permanents :

15. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que Mme F== demeure atteinte, depuis la consolidation de son état de santé, acquise alors qu’elle était âgée de 41 ans, d’un déficit fonctionnel permanent évalué à 15 % par l’expert ; qu’il sera fait une juste appréciation du préjudice en résultant en lui allouant à ce titre, conformément à ses conclusions, la somme de 18 000 euros ;

16. Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte de l’instruction que Mme F==, qui ne peut plus porter de collants ni de talons, conserve un préjudice esthétique évalué par l’expert à 0,5 sur 7 ; qu’une somme de 1 000 euros doit lui être allouée à ce titre ;

17. Considérant, en troisième lieu, qu’il sera fait une juste appréciation du préjudice sexuel subi par Mme F== en l’évaluant à 3 000 euros ;

18. Considérant, en quatrième lieu, que Mme F== fait état d’un préjudice d’agrément lié à l’impossibilité d’exercer certains sports qu’elle pratiquait régulièrement, notamment le vélo, la marche, le footing et le basket, ainsi qu’en témoignent les attestations versées au dossier ; qu’il sera fait une juste évaluation de ce préjudice d’agrément en lui allouant une somme de 3 000 euros ;

19. Considérant, enfin, que Mme F== n’établit pas avoir subi un préjudice moral distinct des chefs de préjudice sus-analysés ; que les conclusions qu’elle présente sur ce point doivent dès lors être rejetées ;

20. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint Jean d’Angély doit être condamnée à verser à Mme F== une somme globale de 85 080,70 euros en réparation des préjudices consécutifs à l’accident dont elle a été victime, dont il y a lieu de déduire les prévisions d’un montant de 20 831,92 euros qui lui ont déjà été versées, soit une somme de 64 248,78 euros ;

En ce qui concerne les préjudices subis par M. F== et C== F== :

21. Considérant, en premier lieu, qu’il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. F== à raison des conséquences de l’accident dont son épouse a été victime en lui allouant une somme de 1 000 euros ;

22. Considérant, en second lieu, que s’il résulte du certificat établi par un psychologue que C== F==, fille de la requérante alors âgée de 7 ans, qui était assise sur les genoux de sa mère au moment de l’accident, a été angoissée à la suite de cet accident, il n’est nullement établi qu’elle aurait effectivement suivi une psychothérapie ; que, dans ces circonstances, il y a lieu de lui allouer une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Sur les droits de la caisse primaire d’assurance maladie :

23. Considérant qu’il résulte de l’état définitif de la créance de la caisse primaire d’assurance maladie de la Charente-Maritime que Mme F== a bénéficié, du 5 mai 2001 au 29 avril 2004, d’indemnités journalières à hauteur de 13 071,07 euros ; que la caisse établit également que les dépenses de santé et de transport liées à la prise en charge de l’intéressée se sont élevées à la somme de 8 236,99 euros ; qu’il résulte de ce qui précède que le remboursement de la somme totale de 21 308,06 euros à la caisse primaire d’assurance maladie de la Charente-Maritime incombe à la commune de Saint Jean d’Angély ; que cette somme portera intérêts au taux légal à la date, non pas du paiement des prestations, mais de la demande présentée par la caisse devant le tribunal administratif, soit le 1er mars 2011 ;

24. Considérant que la caisse primaire d’assurance maladie de la Charente-Maritime a droit en outre à la somme de 1 015 euros qu’elle demande au titre de l’indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; qu’il y a lieu de mettre cette somme à la charge de la commune de Saint Jean d’Angély ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

25. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées par la commune de Saint Jean d’Angély sur leur fondement ;

26. Considérant qu’il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la commune de Saint Jean d’Angély des sommes de 1 500 euros à verser aux consorts F== et à la caisse primaire d’assurance maladie de la Charente-Maritime au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La commune de Saint Jean d’Angély est condamnée à verser la somme de 64 248,78 euros à Mme F==, la somme de 1 000 euros à M. F== et la somme de 1 000 euros à C== F==.

Article 2 : La commune de Saint Jean d’Angély versera à la caisse primaire d’assurance maladie de la Charente-Maritime une indemnité de 21 308,06 euros, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2011, et une somme de 1 015 euros au titre de l’indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : Le jugement n° 1001814 du 25 octobre 2012 du tribunal administratif de Poitiers est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune de Saint Jean d’Angély versera la somme de 1 500 euros aux consorts F== et la même somme à la caisse primaire d’assurance maladie de la Charente-Maritime au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.