Vu la requête, enregistrée le 23 mai 2013, présentée pour le département des Landes, représentée par le président du conseil général, par Me Maumot, avocat ;

Le département des Landes demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1100599 du 12 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Pau l’a condamné à payer la somme de 10 000 euros à la société Vitame Services 40 en réparation des préjudices subis par cette dernière du fait de la discrimination dont elle a fait l’objet ;

2°) de rejeter les demandes de la société Vitame Services 40 devant le tribunal administratif de Pau, à titre principal, de réduire le montant de l’indemnité, à titre subsidiaire ;

3°) de condamner la société Vitame Services 40 à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


1. Considérant que la SARL Vitame Services 40, qui a pour objet le service d’aide à la personne, a présenté au département des Landes, par lettre recommandée que cette collectivité a reçue le 12 octobre 2010, une réclamation tendant au paiement de la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices moraux et matériels qu’elle estimait subir du fait du comportement des services départementaux lors de l’établissement des plans d’aide établis pour le versement de l’allocation personnalisée d’autonomie ; qu’en l’absence de réponse à sa réclamation, la SARL Vitame Services 40 a saisi le tribunal administratif de Pau d’une demande tendant à la condamnation du département à lui payer ladite somme ; que, par jugement du 12 mars 2013, le tribunal a accordé à la SARL Vitame Services 40 une indemnité de 10 000 euros, à titre de réparation de ses préjudices moraux et matériels ; que le département interjette appel de ce jugement tandis que, par la voie du recours incident, la société Vitame Services 40 demande la réformation du jugement en tant qu’il n’a pas fait droit à l’intégralité de ses conclusions ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, si le tribunal administratif n’a pas visé, dans sa décision, la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, l’absence de visa de ce texte, dont les premiers juges n’ont pas entendu, au demeurant, faire application, est sans incidence sur la régularité du jugement ; que, par suite, celui-ci n’est pas affecté de l’irrégularité alléguée ;

Sur la responsabilité :

3. Considérant, en premier lieu, qu’en vertu de l’article L. 232-3 du code de l’action sociale et des familles, l’allocation personnalisée d’autonomie doit être affectée à la couverture des dépenses de toute nature selon un plan d’aide élaboré par l’équipe médico-sociale qu’il appartient au département, chargé de définir et de mettre en œuvre l’action sociale en faveur des personnes âgées, de mettre en place ; qu’en application de l’article L. 232-6 de ce code, dans le cas où, en raison de l’importance de la perte d’autonomie, le plan d’aide prévoit l’intervention d’une tierce personne à domicile, ladite allocation est destinée, sauf refus exprès du bénéficiaire, à la rémunération d’un service prestataire d’aide à domicile agréé dans les conditions fixées aux articles L. 7231-1 et L. 7232-1 du code du travail ; que l’article L. 237-7 du code de l’action sociale et des familles dispose que, si le bénéficiaire choisit de recourir à un salarié ou à un service d’aide à domicile agréé dans les conditions fixées aux articles susmentionnés du code du travail, il lui appartient de déclarer au président du conseil général le ou les salariés ou le service d’aide à domicile à la rémunération duquel l’allocation personnalisée d’autonomie sera utilisée ; qu’il résulte de ces dispositions que, lorsque le plan d’aide prévoit le recours à une tierce personne, le bénéficiaire de ladite allocation a le choix de faire appel à un ou des salariés ou à un prestataire d’aide à domicile agréé, quelle que soit la forme juridique de ce prestataire ;

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction que, pendant une période courant de 2008 à 2011, les services du département des Landes se sont attachés, dans un nombre significatif de cas, à orienter les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie, pour la réalisation des prestations d’aide à domicile, vers les centres communaux d’action sociale ou des structures associatives, y compris lorsque les intéressés manifestaient le choix de faire appel à la SARL Vitame Services 40, dont il n’est pas contesté qu’elle est titulaire de l’agrément requis par l’article L. 7232-1 du code du travail ; qu’il ressort d’un courrier de ces services en date du 20 février 2009 que le département a cru même pouvoir refuser à des allocataires un changement de prestataire au profit de la société Vitame Services 40 ; que certaines lettres de bénéficiaires ou de proches agissant pour le compte de ces derniers, souffrant d’une perte d’autonomie, révèlent que les services départementaux entendaient retirer le bénéfice de l’allocation au seul motif du choix de l’entreprise précitée ; que ces agissements ont imposé aux allocataires, dont il ne pouvait être ignoré la fragilité, d’engager des actions judiciaires devant la juridiction administrative spécialisée que constitue la commission départementale d’aide sociale, pour faire valoir leurs droits à choisir librement un prestataire de service à domicile ; que pour justifier son comportement, le département fait valoir que, compte tenu de l’objectif poursuivi par le législateur, les services d’assistance aux personnes âgées dépendantes ne sauraient être considérés comme une activité lucrative et permettre à des prestataires privés de réaliser un profit au détriment des personnes âgées dépendantes ; que, toutefois, une telle position méconnaît tant les articles L. 232 3, L. 232-6 et L. 237-7 du code de l’action sociale et des familles que les articles L. 7231 1 et L. 7232-1 du code du travail ; qu’en écartant ainsi de manière répétée la SARL Vitame Services 40 de l’exercice de l’activité à domicile en faveur des personnes âgées par une intervention directe auprès de ces dernières, le département des Landes a eu un comportement fautif de nature à engager sa responsabilité ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que les services départementaux ont, de 2008 à 2011, discrédité, dans plusieurs lettres adressées à des bénéficiaires, la qualité du service rendu par la SARL Vitame Services 40, sans qu’aucun fait avéré, ni aucune décision de justice ne confirme cette appréciation ; qu’ils ont prétendu, dans d’autres courriers, de manière erronée, que cette société ne bénéficiait pas de l’agrément exigé par l’article L. 7232-1 du code du travail ; qu’il ressort au contraire d’un rapport établi le 27 mars 2009 par un médecin inspecteur de santé publique, à la suite d’une enquête diligentée par le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, que la SARL Vitame Services 40 respectait les prescriptions de l’arrêté du 24 novembre 2005 fixant le cahier des charges relatif à l’agrément et qu’elle ne se livrait pas à des pratiques de nature à déstabiliser un public vulnérable ; que le discrédit que les services départementaux ont ainsi porté à la SARL Vitame Services 40 constitue également une faute qui engage la responsabilité de la collectivité ;

Sur les préjudices :

6. Considérant que, si la société Vitame Services 40 démontre que le comportement du département des Landes a eu pour effet de lui faire perdre des clients, elle ne justifie par aucun document du manque à gagner qu’elle aurait subi et se borne d’ailleurs à forfaitiser la perte financière à 50 000 euros ; que, dans ces conditions, elle ne peut prétendre à réparation de ce chef ;

7. Considérant qu’en revanche, il résulte de l’instruction, notamment de courriers que le département a adressés à des personnes concernées comme de lettres d’allocataires à la société Vitame Services 40, que, afin de dissuader ces derniers de faire appel à cette société, la collectivité a, d’une part, exercé des pressions sur les allocataires, d’autre part, jeté le discrédit sur la manière dont la société Vitame Services 40 exerçait son activité, sans pouvoir avancer un quelconque élément sérieux de nature à justifier son appréciation défavorable ainsi rendue publique ; que de tels agissements ont nécessairement porté atteinte à l’image et à la réputation de la société Vitame Services 40, titulaire d’un agrément que l’autorité préfectorale n’a pas remis en cause et dont le comportement n’est pas critiquable au regard du rapport d’enquête rendu par un médecin inspecteur de santé publique, et lui a causé un dommage immatériel dont elle a entendu demander réparation en évoquant son préjudice moral ; que, dans les circonstances de l’espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi de ce chef par la société, en l’évaluant à la somme de 10 000 euros ;

8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, d’une part, que le département des Landes n’est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau l’a condamné à payer la somme de 10 000 euros à la SARL Vitame Services 40, d’autre part, que cette société n’est pas fondée à demander, par la voie du recours incident, le versement d’une indemnité supérieure à celle qui lui a été accordée par ledit jugement ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SARL Vitame Services 40, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont le département des Landes demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge du département des Landes le paiement de la somme de 1 500 euros au profit de la SARL Vitame Services 40 ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du département des Landes et les conclusions d’appel incident de la SARL Vitame Services 40 sont rejetés.

Article 2 : Le département des Landes versera la somme de 1 500 euros à la SARL Vitame Services 40 en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.