Vu la requête enregistrée par télécopie le 22 août 2012, et régularisée par courrier le lendemain, présentée pour la fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E), dont le siège social est situé 48 rue de la Bienfaisance à Paris (75008), représentée par son président en exercice, par Me Savoie, avocat ;

La fédération professionnelle des entreprises de l’eau demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0900028 du 12 juin 2012 du tribunal administratif de Pau en tant qu’il n’a fait que partiellement droit à sa demande tendant à l’annulation des délibérations du 7 novembre 2008 du conseil général des Landes accordant des aides à l’alimentation en eau potable et des aides à l’assainissement aux seules communes rurales et aux groupements gérant les services publics de l’eau et de l’assainissement en régie directe ;

2°) d’annuler ces délibérations ;

3°) de mettre à la charge du département des Landes une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


1. Considérant que la fédération professionnelle des entreprises de l’eau fait appel du jugement du 12 juin 2012 du tribunal administratif de Pau en tant qu’il n’a fait que partiellement droit à sa demande tendant à l’annulation des délibérations du 7 novembre 2008 du conseil général des Landes accordant des aides à l’alimentation en eau potable et des aides à l’assainissement aux seules communes rurales et aux groupements gérant les services publics de l’eau et de l’assainissement en régie directe ; que le département des Landes conclut au rejet de la requête et demande, par la voie de l’appel incident, l’annulation de l’article 1er de ce même jugement en tant qu’il a annulé les délibérations précitées du 7 novembre 2008 en ce qu’elles excluent du régime des aides départementales les communes rurales et les groupements de communes ne gérant que partiellement en régie leurs services de l’eau et de l’assainissement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le département des Landes :

2. Considérant qu’aux termes de l’article 15 des statuts de la fédération professionnelle des entreprises de l’eau : « La Chambre syndicale (…) autorise toutes actions judiciaires, tous traités, transactions et compromis…/ En outre, elle peut déléguer les pouvoirs qu’elle juge convenable, soit à une, soit à plusieurs personnes, membres ou non de la Chambre syndicale, pour l’exécution de ses décisions et pour l’administration courante (…) » ; que l’article 16 des mêmes statuts stipule que : « Le président représente la fédération professionnelle des entreprises de l’eau en toutes circonstances et notamment en justice… / Il exerce, au nom de la Chambre syndicale, les pouvoirs qui lui ont été délégués. Si nécessaire, il justifie à l’égard des tiers de ces pouvoirs par un extrait de délibération de la Chambre syndicale certifié conforme par deux membres du bureau (…) » ;

3. Considérant que l’assemblée générale de la fédération professionnelle des entreprises de l’eau a, le 4 juillet 2012, décidé d’engager cette fédération « à contester, par toutes voies, auprès de toutes les autorités ou devant toute juridiction compétente, toute décision qui comporterait un caractère discriminatoire vis-à-vis de ses adhérents. En conséquence l’assemblée générale autorise le président de la PF2E à engager toute action et toute procédure devant les juridictions administratives compétentes aux fins de retrait ou d’annulation de ce type de décision. » ; que la présente requête tend à l’annulation de deux délibérations du 7 novembre 2008 du conseil général des Landes fixant un régime d’aides à des communes landaises désireuses de prendre en régie les services publics d’eau potable et d’assainissement, et que la fédération professionnelle des entreprises de l’eau estime discriminatoire à l’égard des entreprises de l’eau qui ne bénéficient pas de telles aides et des usagers de ces services publics ; que le président de la fédération professionnelle des entreprises de l’eau étant habilité par la délibération précitée du 4 juillet 2012 de l’assemblée générale de cette fédération à engager cette action judiciaire, la fin de non recevoir opposée par le département des Landes et tirée du défaut de qualité à agir du président de la fédération requérante doit être écartée ;

Sur les conclusions d’appel principal :

4. Considérant que les deux délibérations du 7 novembre 2008 sont relatives aux aides départementales susceptibles d’être allouées aux communes rurales et à leurs groupements gérant leur service d’alimentation en eau et d’assainissement en régie pour la réalisation des études et travaux portant, pour l’une, sur l’alimentation en eau potable avec un taux d’intervention compris entre 15 à 25 % et, pour l’autre, sur les études et travaux en matière d’assainissement collectif avec un taux d’intervention compris entre 20 et 25 % selon que les communes concernées ont une population inférieure ou supérieure à 2 000 habitants ; que, comme l’ont relevé à juste titre les premiers juges, ces délibérations présentent un caractère réglementaire et ne sont, par suite, pas soumises à l’obligation de motivation ; que, dès lors, le moyen tiré de leur insuffisante motivation ne peut qu’être écarté ;

5. Considérant qu’aux termes de l’article 72 de la Constitution : « (…) Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences. (…) Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales : « (…) Les décisions prises par les collectivités locales d'accorder ou de refuser une aide financière à une autre collectivité locale ne peuvent avoir pour effet l'établissement ou l'exercice d'une tutelle, sous quelque forme que ce soit, sur celle-ci. (…) » ; que l’article L. 3232 1 de ce même code dispose : « Le département établit un programme d’aide à l’équipement rural au vu, notamment, des propositions qui lui sont adressées par les communes. (…) » ; qu’enfin, aux termes de l’article L. 3233-1 du même code : « Le département apporte aux communes qui le demandent son soutien dans l’exercice de leurs compétences » ;

6. Considérant que par sa décision n° 2011-146 QPC du 8 juillet 2011, le Conseil constitutionnel a jugé que l’interdiction de la modulation des subventions selon le mode de gestion du service d’eau potable et d’assainissement restreint la libre administration des départements au point de méconnaître les article 72 et 72-2 de la Constitution ; qu’ainsi, les délibérations litigieuses, qui ont pour but d’inciter les communes rurales et leurs groupements à exploiter leurs services d’eau et d’assainissement en régie en vue de faire bénéficier les usagers de ces services de tarifs moins élevés que ceux pratiqués par les mêmes services exploités par voie d’affermage, ne portent pas par elles-mêmes atteinte au principe de libre administration des communes et de leurs groupements ; que les taux d’intervention financière du département des Landes désormais applicables aux montants des études et des travaux d’adduction d’eau potable et des études et des travaux d’assainissement collectif en fonction de la nature du service considéré et de celle des travaux subventionnés, ne méconnaissent pas davantage les dispositions précitées des articles L. 1111-4 et L. 3232-1 du code général des collectivités territoriales ;



7. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le conseil général des Landes s’est déterminé notamment au vu d’une étude élaborée, en décembre 2003, par la direction départementale de l’agriculture et de la forêt des Landes, selon laquelle les tarifs pratiqués par les services publics dont la gestion est affermée sont très sensiblement supérieurs à ceux des services gérés en régie ; que la pertinence de cette étude, qui met en évidence la réalité d’écarts significatifs entre les tarifs pratiqués par les régies et les tarifs pratiqués par les fermiers, n’est pas utilement contestée ; que la différence des prestations accomplies par les régies et par les fermiers n’est pas de nature à priver de signification la comparaison entre les tarifs pratiqués ; qu’en outre, aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que, pour les réseaux affermés, le fermier participe à ce financement ; que, dès lors, la double constatation d’un écart de prix sensible entre les tarifs d’eau potable et d’assainissement des communes et de leurs groupements selon que les services sont exploités en régie ou en fermage, et de la possibilité pour les sociétés fermières d’aider financièrement les communes dans leurs investissements, n’est pas entachée d’inexactitude matérielle ; que si la fédération requérante soutient que les délibérations contestées auraient pour effet d’aggraver les différences entre les usagers de ces services publics, il ressort des pièces du dossier que l’intérêt des usagers a été dans son ensemble pris en compte par le conseil général ;

8. Considérant que les délibérations contestées retiennent une modulation des subventions comprise entre 15 et 25 % du coût des études et travaux pour l’alimentation en eau potable et, en matière d’investissement collectif, entre 20 et 25 % selon que les communes rurales concernées ont une population inférieure ou supérieure à 2 000 habitants ; que, s’agissant de l’alimentation en eau potable, des postes de dépenses très importants comme les travaux de réhabilitation des réservoirs d’eau et les travaux de renouvellement et d’extension des réseaux ne sont désormais plus éligibles aux aides départementales ; que le montant subventionnable hors taxes est plafonné à 5 000 euros par ouvrage pour les études de réhabilitation de forage et à 15 000 euros par ouvrage pour les travaux de réhabilitation de forage ; que le montant subventionnable hors taxes au mètre linéaire pour les canalisations est également plafonné ; que, s’agissant de l’assainissement collectif, le montant subventionnable hors taxes relatif aux extensions de réseaux de desserte est plafonné à 7 500 euros par branchement individuel dans les communes de moins de 2 000 habitants et à 6 500 euros par branchement individuel pour les communes ayant une population égale ou supérieure à 2 000 habitants ; que le montant subventionnable des ouvrages de traitement des eaux est également plafonné selon la capacité des ouvrages créés ; que la réhabilitation et les mises en séparatif de réseaux ne sont plus éligibles au régime des aides départementales ; qu’ainsi, ces modulations ne sont pas disproportionnées par rapport à la différence de situation résultant de l’exploitation en régie ou de l’affermage de tels services et ne sont pas, en l’espèce, de nature à entraver la liberté de choix du mode de gestion de leur réseau par les collectivités bénéficiaires ;

9. Considérant que les délibérations contestées n’ont pas pour objet la tarification des services publics de l’eau et de l’assainissement collectif, mais seulement la fixation du niveau d’intervention financière du département des Landes pour les études et les travaux d’investissement sur les réseaux d’eau potable et d’assainissement collectif ; que ce régime d’aides n’est applicable qu’aux seules communes rurales et à leurs groupements propriétaires de ces réseaux concernés par l’une ou l’autre de ces délibérations ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du principe d’égalité des usagers devant le service public et du principe d’égalité entre les exploitations en régie et les délégataires des services publics de l’eau et de l’assainissement et celui tiré de ce que ce régime d’aides départementales fausserait le prix de l’eau doivent être écartés ;

10. Considérant que si les collectivités territoriales doivent entièrement financer les investissements relatifs aux réseaux qu’elles exploitent en régie, aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que, pour les réseaux affermés, le fermier participe à ce financement ; qu’ainsi, ces collectivités ne sont pas placées dans la même situation au regard du coût de leurs investissements selon que le service des eaux ou celui de l’assainissement est affermé ou exploité en régie ; que, par suite, en se fondant sur le critère du mode de gestion du service d’eau et d’assainissement des communes pour moduler les subventions attribuées à ces dernières, le département des Landes n’a pas, dans l’exercice de son pouvoir de détermination des modalités du régime d’aides auquel il avait décidé d’affecter une part des ressources de son budget, méconnu le principe d’égalité devant les charges publiques ni commis d’erreur de droit ; qu’en se bornant à soutenir que depuis une dizaine d’années, 60 % environ des communes rurales landaises dont le contrat de délégation arrivait à expiration auraient, du seul fait de l’existence du régime des aides départementales, décidé de revenir à un mode de gestion en régie directe et que ce taux de retour à un mode de gestion directe ne serait, selon elle, que de quelques pourcents à l’échelon national, la fédération requérante n’établit ni la réalité de cette mutation ni surtout le lien de cause à effet entre elle et l’intervention des délibérations contestées ;

11. Considérant que dès lors que, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, les délibérations contestées n’entravent pas la liberté des communes et de leurs groupements de choisir le mode de gestion de leurs réseaux, elles ne peuvent être regardées comme portant atteinte au libre exercice de l’activité professionnelle des sociétés fermières ; qu’ainsi, le département des Landes n’a ni méconnu le principe d’égale concurrence entre les opérateurs publics, tel que le syndicat mixte départemental d’équipement des communes des Landes (SYDEC), et les opérateurs privés, qu’il s’agisse d’un grand groupe ou d’une petite ou moyenne entreprise, intervenant sur les marchés de l’eau et de l’assainissement collectif, ni introduit une distorsion des règles de concurrence nationales et communautaires qui ne serait pas justifiée par une nécessité d’intérêt général en rapport avec les conditions d’exploitation des services publics de l’eau et de l’assainissement ;

12. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la fédération professionnelle des entreprises de l’eau n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau n’a fait que partiellement droit à sa demande tendant à l’annulation des délibérations du 7 novembre 2008 du conseil général des Landes ;

Sur les conclusions d’appel incident :

13. Considérant que pour annuler les délibérations contestées en tant qu’elles excluent du régime des aides départementales les communes et les groupements qui gèrent en régie une partie seulement de leurs services d’eau potable et d’assainissement collectif, les premiers juges ont, après avoir rappelé que l'institution de différences de traitement entre les communes bénéficiaires de l’aide départementale est subordonnée à l'existence soit de différences de situation de nature à justifier ces différences de traitement, soit de nécessités d'intérêt général en rapport avec l'objet de ladite subvention qui auraient commandé une telle discrimination, considéré qu'il n’existerait pas une différence de situation justifiant une différence de traitement entre les communes gérant en régie directe l’ensemble des services d’eau et d’assainissement et celles qui gèrent en régie une partie seulement de ces services et que, dès l’instant où le motif de la discrimination réside dans la nécessité de compenser les désavantages subis par les régies pour le financement de leurs investissements, aucune raison objective ne justifierait que ce désavantage disparaisse au simple motif qu’une autre partie du service fait l’objet d’une gestion déléguée, le département des Landes n’alléguant pas, en particulier, qu’une mutualisation inter services existerait, pour ces communes, en ce qui concerne le financement des investissements ;

14. Considérant, toutefois, qu’il ne résulte d’aucune des dispositions des deux délibérations contestées que les communes et leurs groupements qui gèrent en régie directe une partie seulement de leurs services d’eau et d’assainissement ne seraient pas susceptibles de bénéficier des aides départementales pour leurs investissements liés à la partie qu’ils exploitent en régie ; qu’au demeurant, le département des Landes soutient, sans être sérieusement contredit, que l’hypothèse d’une commune ou d’un groupement de communes ne gérant qu’une partie ou un secteur géographique du service public de l’eau potable ou de l’assainissement en régie et l’autre partie en recourant à une délégation de service public n’existe pas dans ce département ; que, par suite, les délibérations contestées ne comportent aucune rupture du principe d’égalité de traitement des communes et de leurs groupements ; que, dès lors, le département des Landes est fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’article 1er du dispositif du jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a fait droit au moyen tiré de ce que les délibérations contestées méconnaîtraient le principe d’égalité en ce qu’elles instaureraient une discrimination illégale entre, d’une part, les communes qui gèrent en régie directe l’ensemble des services d’eau potable ou des services d’assainissement et, d’autre part, les communes qui ne gèrent en régie directe qu’une partie de ces services ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département des Landes, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la fédération professionnelle des entreprises de l’eau demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la fédération professionnelle des entreprises de l’eau une somme de 3 000 euros à verser au département des Landes sur le fondement des mêmes dispositions ;

DECIDE

Article 1er : L’article 1er du jugement n° 0900028 du 12 juin 2012 du tribunal administratif de Pau est annulé.

Article 2 : La requête de la fédération professionnelle des entreprises de l’eau est rejetée.

Article 3 : La fédération professionnelle des entreprises de l’eau versera au département des Landes la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du département des Landes est rejeté.