Vu I°), le recours, enregistré le 23 août 2013 sous le n°13BX02439, présenté par le ministre de l’intérieur, qui demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1101577 du 3 juillet 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a annulé sa décision 48 SI du 24 juin 2011 constatant l’invalidation du permis de conduire de M. Christian B== pour solde de points nul et lui a enjoint de procéder à la restitution de quatre points sur son permis de conduire ;

2°) par voie de conséquence de rejeter la requête de M. B== formée devant le tribunal administratif de Poitiers ;


Vu II°), le recours, enregistré le 23 août 2013 sous le n°13BX002447 présenté par le ministre de l’intérieur, qui demande à la cour d’ordonner, sur le fondement de l’article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 1101577 du 3 juillet 2013 précité ;

Le ministre soutient que les moyens soulevés dans la requête au fond sont sérieux et de nature à justifier l’annulation du jugement attaqué et le rejet des conclusions à fin d’annulation accueillies par ce jugement ;


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 28 novembre 2013 :

- le rapport de Mme Catherine Girault, président ; - et les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B==, titulaire du permis de conduire en période probatoire depuis 2008, a commis trois infractions au code de la route les 18 novembre 2009, 28 mai 2010 et 28 juillet 2010, à la suite desquelles le ministre de l’intérieur a procédé au retrait de treize points sur son permis de conduire ; que trois points lui ont été réattribués le 3 juin 2010 à la suite d’un stage de sensibilisation à la sécurité routière suivi en mai 2010 ; que M. B== s’est vu notifier le 4 février 2011 une lettre « 48 N » portant injonction de suivre un stage à la suite du dépassement de la moitié du capital de points de son permis de conduire, et a effectivement suivi un autre stage en février 2011 ; que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a annulé par un jugement n° 1101577 du 3 juillet 2013 la décision 48 SI du ministre de l’intérieur du 24 juin 2011 constatant l’invalidation du permis de conduire de M. B== pour solde de points nul ; que le ministre de l’intérieur relève appel de ce jugement et demande, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative qu'il soit sursis à son exécution ; que les requêtes enregistrées sous les numéros 13BX02439 et 13BX02447 sont dirigées contre le même jugement ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;




Sur l’appel du ministre :

2. Considérant que, pour annuler la décision 48 SI du ministre de l’intérieur du 24 juin 2011, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux s’est fondé sur ce que l’administration était tenue, dès le lendemain du dernier jour du stage de sensibilisation suivi par M. B==, soit le 20 février 2011, de procéder, dans la limite du plafond affecté au permis de conduire de son titulaire, à la reconstitution de quatre points sur son permis de conduire, si bien que l’invalidité de celui-ci pour solde de points nul, notifiée seulement le 2 juillet 2011, ne pouvait lui être opposée ;

3. Considérant qu’aux termes du troisième alinéa de l’article L. 223-6 du code de la route, dans sa rédaction applicable en l’espèce, avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure : « Le titulaire du permis de conduire qui a commis une infraction ayant donné lieu à retrait de points peut obtenir une récupération de points s'il suit un stage de sensibilisation à la sécurité routière. Lorsque le titulaire du permis de conduire a commis une infraction ayant donné lieu à un retrait de points égal ou supérieur au quart du nombre maximal de points et qu'il se trouve dans la période du délai probatoire défini à l'article L. 223-1, il doit se soumettre à cette formation spécifique qui se substitue à l'amende sanctionnant l'infraction » ; qu’aux termes de l’article R. 223-8 du même code : « (…) II.-L'attestation délivrée à l'issue du stage effectué en application des dispositions de l'alinéa 3 de l'article L. 223-6 donne droit à la récupération de quatre points dans la limite du plafond affecté au permis de conduire de son titulaire. Une nouvelle reconstitution de points, après une formation spécifique effectuée en application des mêmes dispositions, n'est possible qu'au terme d'un délai de deux ans. / III.-Le préfet mentionné au I ci-dessus procède à la reconstitution du nombre de points dans un délai d'un mois à compter de la réception de l'attestation et notifie cette reconstitution à l'intéressé par lettre simple. La reconstitution prend effet le lendemain de la dernière journée de stage. (…) » ; qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que l’administration à laquelle est transmise l’attestation délivrée par une personne agréée, à l’issue d’un stage de sensibilisation à la sécurité routière effectué pour l’obtention d’une récupération de points, peut refuser cette récupération lorsque le contrevenant a, avant la dernière journée du stage de sensibilisation, reçu régulièrement notification d'une décision du ministre de l'intérieur l'informant que son permis de conduire a perdu sa validité par suite de l'épuisement de son capital de points, ou lorsque la précédente reconstitution de points par application du même dispositif date de moins de deux ans ;

4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment du relevé d’information intégral communiqué par le ministre, que M. B== était titulaire depuis 2008 d’un permis de conduire en période probatoire à la suite d’une précédente annulation de son permis, et qu’il s’est vu réattribuer le 3 juin 2010 trois points sur son permis de conduire à la suite d’un stage de sensibilisation à la sécurité routière auquel il a dû se soumettre en mai 2010 en application du troisième alinéa de l’article L. 223-6 du code de la route ; qu’il a effectué, à la suite de la réception d’une nouvelle injonction « 48 N », un second stage les 18 et 19 février 2011 en application des mêmes dispositions ; que si les dispositions de cet article qui précisent que ce stage « peut être effectué dans la limite d'une fois par an », issues de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, n’étaient pas en vigueur à la date du second stage, contrairement à ce que soutient le ministre, il ressort expressément des termes de l’article R. 223-8 du même code, alors en vigueur, que la reconstitution de points à la suite du nouveau stage ne pouvait intervenir qu’au terme d’un délai de deux ans suivant la première reconstitution, soit en l’espèce après le 3 juin 2012 ; que, dans ces conditions, l’administration était fondée à refuser cette reconstitution de points et à constater le 24 juin 2011 que le permis de conduire de M. B== avait perdu sa validité pour solde de points nul ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre de l’intérieur est fondé à soutenir que c’est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a retenu une obligation inconditionnelle d’accepter la reconstitution de points pour annuler sa décision 48 SI du 24 juin 2011 ; qu’il y a lieu pour la cour, saisie par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. B== devant le tribunal administratif de Poitiers ;

En ce qui concerne la compétence du signataire de la décision :

6. Considérant que M. Guillaume A==, chef du service du fichier national des permis de conduire au ministère de l’intérieur, signataire de la décision 48 SI, a reçu délégation, par décision du 28 janvier 2011 publiée au Journal officiel du 3 février 2011, pour « signer, au nom du ministre chargé de l’intérieur » toutes décisions dans la limite de ses attributions ; que les décisions portant retrait de points du permis de conduire relevant du domaine de la circulation et de la sécurité routière, M. A== était compétent pour signer la décision 48 SI du 24 juin 2011 ;

En ce qui concerne la motivation de la décision :

7. Considérant que M. B==, qui avait au demeurant été informé par la décision 48 N que le stage obligatoire qu’il lui était demandé de suivre dans un délai de quatre mois permettait d’obtenir une récupération de points « dans la limite du plafond du permis de conduire de son titulaire et d’une reconstitution tous les deux ans », n’ignorait pas que le deuxième stage qu’il avait suivi en février 2011 n’avait pas donné lieu à reconstitution de points, et avait au demeurant interrogé la préfecture à ce sujet par l’intermédiaire de son avocat ; que le ministre de l’intérieur étant tenu de tirer les conséquences de la perte de l’ensemble des points sur un permis de conduire, M. B== ne peut utilement faire valoir que la décision 48 SI ne lui aurait pas expliqué les motifs pour lesquels une nouvelle reconstitution de points lui avait été implicitement refusée ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre de l’intérieur est fondé à demander l’annulation du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers et le rejet de la demande de M. B== ;

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement :

9. Considérant que le présent arrêt statue au fond sur les conclusions du ministre tendant à l’annulation du jugement ; que, par suite, ses conclusions tendant au sursis à exécution de ce jugement ont perdu leur objet ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1101577 du 3 juillet 2013 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 2 : La demande formée par M. B== devant le tribunal administratif de Poitiers tendant à l’annulation de la décision 48 SI du ministre de l’intérieur du 24 juin 2011 est rejetée.

Article 3 : Il n’y a pas lieu de statuer sur le recours n° 13BX02447.