Vu la requête enregistrée par télécopie le 2 juillet 2012, et régularisée par courrier le 4 juillet suivant, présentée pour l’Institut béarnais et gascon, association dont le siège est situé à la MJC du Laü, 81 avenue du Loup à Pau (64010 Cedex), représenté par son président, par Me Etchegaray, avocat ;

L’Institut béarnais et gascon demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1001305 du 3 mai 2012 du tribunal administratif de Pau qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite par laquelle le département des Pyrénées-Atlantiques a rejeté son recours gracieux présenté le 3 mars 2010 tendant au retrait de la délibération du conseil général du 17 décembre 2009 en tant qu’il a « décidé d’employer la graphie classique dans tous les actes du département des Pyrénées Atlantiques en cohérence avec la façon dont l’Education nationale enseigne l’écriture du béarnais/gascon/occitan dans tous les établissements scolaires et périscolaires » ;

2°) d’annuler cette délibération ;

3°) de mettre à la charge du département des Pyrénées-Atlantiques le versement de la somme de 1 euro au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu la Constitution ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

Vu le code de l’éducation ;

Vu la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française ;

Vu le code de justice administrative ;


1. Considérant que par une délibération du 23 juin 2005, le conseil général des Pyrénées-Atlantiques a approuvé l’avant-projet « Initiativa » pour promouvoir la langue béarnaise, gasconne et occitane dans le département des Pyrénées-Atlantiques par l’élaboration d’un schéma d’aménagement linguistique mis en œuvre par une maîtrise d’ouvrage publique réunissant l’Etat, la région Aquitaine et des communautés de communes ayant choisi cette compétence ; que, par une délibération du 17 décembre 2009, le conseil général de ce département a prévu que « dans ce cadre, il est décidé d’employer la graphie classique dans tous les actes écrits émanant du département des Pyrénées-Atlantiques, en cohérence avec la façon dont l’Education Nationale enseigne l’écriture du béarnais/gascon/occitan dans tous les établissements scolaires et parascolaires. » ; que l’association dénommée « Institut béarnais et gascon » fait appel du jugement du 3 mai 2012 du tribunal administratif de Pau qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite par laquelle le département des Pyrénées-Atlantiques a rejeté son recours gracieux du 3 mars 2010 tendant au retrait de cette délibération du conseil général du 17 décembre 2009 ;

2. Considérant qu’il résulte tant des dispositions de l’article 75-1 de la Constitution en vertu desquelles « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France », que des travaux parlementaires ayant présidé à l’adoption de l’article 40 de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 dont cet article est issu, que le pouvoir constituant n’a, comme l’a relevé le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 2011-130 QPC du 20 mai 2011, pas entendu créer un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; que la méconnaissance de ces dispositions ne peut donc être utilement invoquée par l’institut requérant à l’appui de ses conclusions tendant à l’annulation de la délibération contestée ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article 2 de la Constitution : « La langue de la République est le français. (…). » ; qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française : « Langue de la République en vertu de la Constitution, la langue française est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France. Elle est la langue de l'enseignement, du travail, des échanges et des services publics. (…). » ; que selon l’article 21 de la même loi : « Les dispositions de la présente loi s'appliquent sans préjudice de la législation et de la réglementation relatives aux langues régionales de France et ne s'opposent pas à leur usage. » ; que si ces dispositions, en vertu desquelles l’usage du français s’impose, sous réserve de certaines exceptions, aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public ainsi que dans les relations entre les particuliers et les administrations et services publics, n’ont pas pour objet de prohiber l’usage de traductions lorsque l’utilisation de la langue française est assurée, elles ne peuvent cependant être utilement invoquées par l’institut requérant à l’effet de se prévaloir d’un droit à la prévalence d’une graphie quelconque du béarnais/gascon ;

4. Considérant que si, par la délibération contestée, le département des Pyrénées Atlantiques a décidé « d’employer la graphie classique dans tous les actes écrits » émanant de lui, il n’a ainsi, comme l’ont relevé à juste titre les premiers juges, entendu ni exclure le français au profit de la graphie classique du béarnais/gascon/occitan dans la rédaction des actes émis dans le cadre de la maîtrise d’ouvrage publique du schéma d’aménagement linguistique désigné sous le vocable « Initiativa », ni imposer l’emploi de cette langue et de la forme écrite ainsi choisie à l’ensemble des collectivités publiques partenaires de cette politique publique ; qu’ainsi la délibération litigieuse n’est pas contraire aux dispositions précitées de l’article 2 de la Constitution et des articles 1er et 21 de la loi du 4 août 1994 ;

5. Considérant qu’aux termes de l’article 22 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : « L'Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique. » ; qu’aux termes de l’article 51 de cette même charte « 1. Les dispositions de la présente Charte s’adressent aux institutions, organes et organismes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité ainsi qu’aux Etats membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. (…) » ; que la délibération contestée ne mettant pas en œuvre le droit de l’Union européenne, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 22 de la Charte est inopérant ;

6. Considérant enfin que l’institut requérant n’établit ni que le choix, par la collectivité départementale, de la graphie classique ne serait pas cohérent avec la façon dont l’éducation nationale enseigne l’écriture du béarnais/gascon/occitan dans tous les établissements scolaires et parascolaires du département des Pyrénées-Atlantiques, ni que le choix de cette graphie correspondant, selon l’institut requérant, à la langue occitane serait susceptible d’entraîner des répercussions sur l’enseignement des langues régionales gasconne et béarnaise dans ce département ; qu’il n’est pas davantage établi que la délibération contestée en tant qu’elle promeut la graphie classique au détriment de la graphie moderne serait contraire au principe d’égalité des usagers devant le service public départemental ou aurait pour effet de porter atteinte au principe de neutralité de l’action départementale ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’Institut béarnais et gascon n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande ;

8. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département des Pyrénées Atlantiques, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l’Institut béarnais et gascon demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’affaire, de mettre à la charge de l’institut requérant la somme que le département des Pyrénées-Atlantiques demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

DECIDE

Article 1er : La requête de l’Institut béarnais et gascon est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département des Pyrénées-Atlantiques au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.