Vu la requête enregistrée par télécopie le 3 janvier 2013, et régularisée par courrier le 10 janvier 2013, présentée pour le groupement foncier agricole (GFA) Habitation Chancel, ayant son siège à Pelletier au Lamentin (97232), par Me Prévot ;

Le GFA Habitation Chancel demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1200058 du 26 octobre 2012 du tribunal administratif de Fort-de-France qui a rejeté sa demande tendant à ce qu’il soit enjoint à la région Martinique de réaliser les travaux de terrassement de la « trace » avec sortie sur le giratoire de « Sarrault » prévus par le protocole transactionnel du 12 avril 2011 et de libérer l’accès du GFA à la route nationale n° 1 dans la direction du rond-point Sarrault, le tout sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

2°) de prescrire ces injonctions ;

3°) de mettre à la charge de la région Martinique une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 30 septembre 2013 :

- le rapport de Mme Rey-Gabriac, premier conseiller ; - les conclusions de M. Bentolila, rapporteur public ;

1. Considérant qu’en 1991, les travaux d’aménagement de la route nationale n° 1, entre la rivière « la Lézarde » au Lamentin et le carrefour « Augrain » au Robert (Martinique) ont été déclarés d’utilité publique ; que cette opération d’aménagement, qui a pour objet la mise à deux fois deux voies de cette route, comporte notamment la création de plusieurs giratoires et la suppression de certains accès riverains ; que le groupement foncier agricole (GFA) Habitation Chancel, qui exploite des bananeraies sur des terres situées le long de cet aménagement, s’est vu privé de ses accès à la route nationale n° 1 ; qu’à la suite d’un contentieux porté devant le juge administratif, un protocole transactionnel a été conclu le 12 avril 2011 entre le GFA Habitation Chancel et la région Martinique, destiné à mettre fin au différend les opposant, notamment en vue de désenclaver les terres de ce groupement ; que par un jugement du 4 juillet 2011, le tribunal administratif de Fort-de-France a homologué cette convention ; qu’estimant cependant que la région Martinique n’avait pas exécuté le protocole transactionnel tel qu’il avait été homologué, le GFA a saisi le tribunal administratif d’une demande d’exécution du jugement d’homologation sur le fondement de l’article L. 911-4 du code de justice administrative ; qu’il fait appel du jugement du tribunal administratif de Fort-de-France du 26 octobre 2012 qui a rejeté sa demande, et demande à la cour, sur le fondement des mêmes dispositions de l’article L. 911-4, d’enjoindre à la région Martinique, sous astreinte, de réaliser les travaux de terrassement de la « trace » avec sortie sur le giratoire de « Sarrault » prévus par le protocole transactionnel tel qu’il a été homologué et, de libérer l’accès du GFA à la deux fois deux voies dans la direction du rond-point « Sarrault » ;

2. Considérant qu'aux termes de l’article L. 911-4 du code de justice administrative : « En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. / Le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut renvoyer la demande d'exécution au Conseil d'Etat. » ;

3. Considérant qu’en vertu de l’art 2052 du code civil, le contrat de transaction par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître a, entre ces parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort ; que l’homologation par le juge administratif d’un protocole transactionnel constitue une décision de nature juridictionnelle elle-même revêtue de l’autorité relative de la chose jugée, et dont les parties peuvent dès lors demander l’exécution ; qu’ainsi, il appartient au juge de l’exécution, saisi sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 911-4 du code de justice administrative, de prescrire les mesures qu’implique l’exécution du jugement d’homologation et résultant des termes de la transaction telle qu’elle a été homologuée ;

4. Considérant que le GFA a saisi le tribunal administratif d’une demande tendant à l’exécution du jugement d’homologation de la transaction conclue avec la région Martinique le 12 avril 2011 ; que cette demande conduisait seulement à vérifier si les conditions fixées par la convention telle qu’elle a été homologuée avaient été exécutées sans que soit remise en cause leur validité ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par la région Martinique, et tirée de ce que la demande du GFA conduirait le juge de l’exécution à remettre en cause les termes du protocole transactionnel et à modifier ou redéfinir les obligations qui y sont prévues, doit être écartée ;

5. Considérant que le protocole transactionnel signé le 12 avril 2011 comporte une condition n° 1 selon laquelle : « La région Martinique s’engage à réaliser un giratoire de 25 mètres de rayon au lieu dit « Tilo » et fera réaliser à sa charge les travaux de terrassement de la trace représentée sur le plan annexé aux présentes, devant permettre le désenclavement des terres du GFA Chancel le long de la 2X2 voies, avec sortie sur le giratoire de « Sarrault » comme cela avait été acté, en présence de Monsieur le Président de Région. » ; que cette condition prévoyant l’engagement de réaliser un giratoire au lieu-dit « Tilo » avec une sortie sur le giratoire de « Sarrault » a été expressément homologuée par le jugement du 4 juillet 2011 : que le juge de l’exécution ne saurait remettre en cause la condition ainsi fixée par la convention telle qu’elle a été homologuée, au motif que le plan annexé au contrat de transaction concernait uniquement le giratoire de « Tilo », et qu’une erreur aurait ainsi été commise en mentionnant que le désenclavement des terres du GFA se ferait par l’aménagement d’une sortie sur le giratoire de « Sarrault » ; que les premiers juges ne pouvaient dès lors interpréter la condition n° 1 de la convention comme ayant seulement contraint la région Martinique à réaliser les travaux de terrassement de la « trace » avec sortie sur le giratoire de « Tilo » ;

6. Considérant que l’exécution du jugement d’homologation implique nécessairement que la région fasse réaliser les travaux de terrassement de la « trace » avec une sortie sur le giratoire de « Sarrault » ; qu’il est constant qu’elle ne l’a pas fait ; qu’il y a lieu, par suite, d’enjoindre à la région Martinique de prendre les mesures nécessaires pour faire réaliser ces travaux dans un délai raisonnable qui ne saurait excéder un an à compter de la date de lecture du présent arrêt, et de justifier des mesures prises dans un délai de trois mois à compter de la notification du même arrêt ; qu’il n’y a pas lieu, dans l’immédiat, d’assortir cette injonction d’une astreinte ;

7. Considérant, en revanche, qu’ainsi que l’a relevé à bon droit le tribunal administratif, le litige relatif à la fermeture en décembre 2011 par la région de l’accès du GFA à la route nationale n° 1 en direction du rond point de « Sarrault » constitue un litige distinct qui ne se rattache pas à l’exécution du jugement d’homologation du protocole transactionnel du 12 avril 2011 ; que, par suite, les conclusions du GFA Habitation Chancel tendant à ce qu’il soit enjoint à la région Martinique de libérer cet accès ne peuvent être accueillies ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le GFA requérant est seulement fondé à soutenir que c’est tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à ce qu’il soit enjoint à la région Martinique de faire réaliser les travaux de terrassement tels que prévus par le jugement d’homologation du 4 juillet 2011 ;

9. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la région Martinique une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le GFA et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1200058 du tribunal administratif de Fort-de-France du 26 octobre 2012 est annulé en tant qu’il rejette les conclusions à fin d’injonction du GFA Habitation Chancel relatives à l’exécution de travaux.

Article 2 : Il est enjoint à la région Martinique de prendre les mesures ayant pour objet de faire réaliser les travaux de terrassement de la « trace » avec sortie sur le giratoire de « Sarrault » tels que prévus par le jugement d’homologation du 4 juillet 2011 dans un délai raisonnable, qui ne saurait être supérieur à un an à compter de la date de la lecture du présent arrêt.

Article 3 : La région justifiera au greffe de la cour des mesures prises dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La région Martinique versera la somme de 1 500 euros au GFA Habitation Chancel au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête du GFA Habitation Chancel est rejeté.