Vu la requête, enregistrée le 26 mars 2012 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 27 mars 2013, présentée pour l’EARL La Vallée, exploitation agricole à responsabilité limitée dont le siège est 43 rue de la Sèvre Thairé le Fagnioux à Saint Jean de Liversay (17170), représentée par son gérant, par Me Rousseau ;

L’EARL La Vallée demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1001909 du 26 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 18 février 2010 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a autorisé l’EARL La Ferme de Bonneville à exploiter une superficie pondérée de 68 hectares 58 ares 88 centiares de terres situées sur le territoire de la commune de Saint Jean de Liversay ;

2°) d’annuler l’arrêté litigieux ;

3°) de mettre à la charge du préfet de la Charente-Maritime la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu l’ordonnance fixant en dernier lieu la clôture de l’instruction 24 mai 2013 à 12h00 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 modifié relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation des services de l’État dans les régions et départements, notamment son article 44 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 6 juin 2013 :

- le rapport de M. Antoine Bec, président-assesseur ; - les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

1.Considérant que l’EARL La Vallée demande à la cour d’annuler le jugement du 26 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté en date du 18 février 2010 du préfet de la Charente-Maritime accordant à l’EARL La Ferme de Bonneville l’autorisation d’exploiter une superficie de 68 hectares 58 ares 88 centiares de terres situées sur le territoire de la commune de Saint Jean de Liversay ;

Sur l’intervention de MM. B== ;

2. Considérant que MM. Guy et James B==, propriétaires des terres faisant l’objet de la demande d’autorisation d’exploiter, ont intérêt à l’annulation de l’arrêté litigieux ; qu’ainsi, leur intervention est recevable ;

Sur la légalité de l’arrêté du 18 février 2010

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 312-5 du code rural et de la pêche maritime : « L’unité de référence est la surface qui permet d’assurer la viabilité de l’exploitation compte tenu de la nature des cultures et des ateliers de production hors sol ainsi que des autres activités agricoles. Elle est fixée par l’autorité administrative, après avis de la commission départementale d’orientation de l’agriculture, pour chaque région naturelle du département, par référence à la moyenne des installations encouragées au titre de l’article L. 330 1 au cours des cinq dernières années. Elle est révisée dans les mêmes conditions. » ; que l’article L. 331-2 du même code dispose : « I. - Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d’exploitations agricoles au bénéfice d’une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu’il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures.(…) » ; qu’aux termes de l’article 7 du schéma directeur départemental des structures agricoles de la Charente-Maritime : « Le seuil visé à l’article L. 331-2 1° est fixé à 1,5 fois l’unité de référence définie à l’article 6 ci-dessus, soit : 105 hectares » ; que selon l’article 6 de l’arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 14 janvier 2003 établissant le schéma directeur départemental des structures agricoles: « En application de l’article L. 312-5 du code rural, l’unité de référence est fixée à 70 hectares de surface pondérée pour l’ensemble du département » ;

4. Considérant qu’en fixant une seule unité de référence pour l’ensemble du département de la Charente-Maritime et non pas une unité par région naturelle, et en ne prenant ainsi pas en compte les données propres à chacune de ces régions, le préfet a entaché l’article 6 du schéma départemental des structures agricoles d’une erreur de droit ; que le seuil fixé par l’article 7 du schéma départemental, qui détermine si une opération envisagée relève ou non du régime d’autorisation prévu par l’article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime précité, et qui fait application d’une unité de référence entachée d’une erreur de droit, est lui-même illégal ; qu’en raison de l’illégalité qui affecte ce seuil unique, fixé à 105 hectares, le préfet n’a pu légalement se fonder sur l’article L. 331-2, et sur l’article 7 du schéma directeur départemental des structures agricoles de la Charente-Maritime, pour accorder à l’EARL La Ferme de Bonneville l’autorisation d’exploiter litigieuse ; que cette autorisation ne peut, dès lors, qu’être annulée ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’EARL La Vallée est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué , le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner l’Etat à payer à l’EARL La Vallée la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que l’EARL La Vallée n’étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, les conclusions de l’Etat tendant au bénéfice de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu’en tant qu’intervenants, les consorts B==, qui ne sont pas parties au procès, ne peuvent bénéficier de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1 : L’intervention de MM. Guy et James B== est admise.

Article 2 : Le jugement du Tribunal Administratif de Poitiers du 26 janvier 2012 et la décision du préfet de la Charente-Maritime du 18 février 2010 sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera à l'EARL La Vallée la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761- 1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du ministre de l'agriculture et de MM. Guy et James B== tendant au bénéfice de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.