Vu la requête enregistrée le 15 septembre 2011 présentée pour la Sas Ponticelli Frères dont le siège social est 5 place des Alpes à Paris (75013), par la Scp d’avocats Benichou et associés ;

La société Ponticelli Frères demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0801194 du 13 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté en date du 22 novembre 2007 par lequel le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité ont inscrit pour la période de 1956 à 1996, son établissement d’Ambès sur la liste des établissements susceptibles d’ouvrir droit au dispositif de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante ;

2°) d’annuler l’arrêté du 22 novembre 2007 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu le jugement attaqué ;

Vu l’ordonnance fixant en dernier lieu la clôture de l’instruction au 20 mars 2012 à 12h00 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée de financement de la sécurité sociale ;

Vu le décret n° 2007-1000 du 31 mai 2007 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 27 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Evelyne Balzamo, premier conseiller ; - les conclusions de M. Bentolila rapporteur public ; - et les observations de Me Quinquis, avocat de M. Bernard B== et de M. Alain M== ;

1. Considérant que la société Ponticelli Frères relève appel du jugement en date du 13 juillet 2011, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 22 novembre 2007, par lequel le ministre du budget et le ministre du travail ont inscrit, pour la période de 1956 à 1996, son établissement d’Ambès sur la liste des établissements susceptibles d’ouvrir droit au dispositif de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante ;

Sur les interventions de MM. B== et M== :

2. Considérant que MM. B== et M==, qui sont employés au sein de l’établissement d’Ambès de la société Ponticelli Frères, ont intérêt au maintien de l’arrêté attaqué ; que, par suite, leur intervention est recevable ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

3. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale dans sa rédaction alors applicable : « I.-Une allocation de cessation anticipée d'activité est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes : 1° Travailler ou avoir travaillé dans un des établissements mentionnés ci-dessus et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante. L'exercice des activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante de l'établissement doit présenter un caractère significatif ; (…) » ; qu’aux termes de l’article 1e du décret n°2007-1000 du 31 mai 2007 relatif aux attributions du ministre du travail : « Le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville prépare et met en œuvre la politique du Gouvernement en matière de travail, de relations sociales, de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, de droits des femmes, de parité et d'égalité professionnelle, de politique de la ville et, sous réserve des compétences du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat et de la ministre de la santé et des sports, dans le domaine de l'action sociale et de la protection sociale. A ce titre : (…) 3° Il élabore et met en œuvre les règles relatives aux régimes de sécurité sociale et aux régimes complémentaires en matière d'assurance vieillesse, d'accidents du travail et de maladies professionnelles, de prestations familiales ainsi que celles relatives à la gestion administrative des organismes de sécurité sociale ; (…)» ; qu’il résulte de ces dispositions que le ministre du travail est seul compétent pour mettre en œuvre les règles relatives aux régimes de sécurité sociale et aux régimes complémentaires en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles ; que, par suite, c’est à juste titre que le tribunal administratif a estimé que, bien que l’article 2 du même texte confère aux ministres du travail, du budget et de la santé, autorité conjointe sur la direction de la sécurité sociale, la société requérante n’était pas fondée à soutenir que l’arrêté litigieux, pris en application de l’article 41 de la section 4 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée, relative aux dépenses de la branche accidents du travail, aurait dû être signé par le ministre de la santé ;

4. Considérant, en second lieu, que la société Ponticelli Frères soutient que l’activité qu’elle exerce dans l’établissement d’Ambès ne saurait être assimilée ni à une activité de fabrication de matériaux contenant de l’amiante ni à une activité de flocage ou de calorifugeage ni à aucune activité exposant de manière significative ses salariés à l’amiante ;

5. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 que doivent être inscrits sur la liste établie par arrêté ministériel, les établissements dans lesquels les opérations de fabrication de matériaux contenant de l’amiante, les opérations de calorifugeage ou de flocage à l’amiante ont, compte tenu notamment de leur fréquence et de la proportion de salariés qui y ont été affectés, représenté sur la période en cause une part significative de l’activité de ces établissements ; qu’il en va ainsi alors même que ces opérations ne constitueraient pas l’activité principale des établissements en question ;

6. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la société Ponticelli Frères a pour activité principale l’entretien et la maintenance de sites industriels et la fabrication de modules de plates-formes pétrolières « offshore » ; qu’il n’est pas contesté qu’une telle activité n’entre pas dans le champ d’application de l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 précité ;

7. Considérant, toutefois, d’une part, qu’il ressort du rapport d’enquête du directeur régional du travail de l’emploi et de la formation professionnelle d’Aquitaine du 27 avril 2006 et des nombreuses attestations précises et circonstanciées de salariés et de retraités de l’établissement d’Ambès que, jusqu’en 1998, dans cette entreprise étaient utilisés pour la fabrication d’éléments de plate-forme un four à cintrer, un four à recuit et des caissons de traitement thermique impliquant l’utilisation d’amiante sous différentes formes afin de parfaire les opérations de cuisson ; que ce matériau était également utilisé de manière habituelle par les employés lors des opérations de soudure des tuyauteries, des tôles ou des pièces métalliques, tant pour mener à bien ces opérations que comme élément de protection afin d’éviter les brûlures corporelles ; que les modes d’utilisation décrits dans les différents documents produits démontrent que, compte tenu de la configuration des lieux, un nombre important d’employés étaient exposés à la propagation de la poussière d’amiante libérée au cours des différentes opérations impliquant la manipulation de ce matériau, conditionné sous forme de rouleau de tissu ou de poudre ; qu’il ressort également du rapport de l’administration, corroboré par les attestations produites dont la requérante n’établit pas l’absence de caractère sincère, que pour mener à bien les chantiers de maintenance des sites industriels sur lesquels ils intervenaient, les salariés de l’entreprise étaient amenés à procéder au retrait de calorifuges et de joints avant de procéder à l’entretien des installations concernées ; qu’ainsi, et à supposer même comme le soutient la société requérante, qui n’en justifie qu’à compter de 1996, que les opérations de calorifugeage auraient été sous-traitées à d’autres entreprises, ses salariés se trouvaient cependant exposés au risque d’amiante lors de ces chantiers de maintenance ; qu’il ressort du rapport de l’administration qu’une part importante de l’effectif salarié était affecté à ces chantiers de maintenance plus de six mois par an ; qu’ainsi, tant pour les opérations de fabrication d’éléments de plates-formes que lors des chantiers de maintenance, les salariés de la société Ponticelli exerçaient des opérations de calorifugeage entraînant la manipulation d’amiante ;

8. Considérant, d’autre part, que c’est à juste titre que le tribunal administratif a estimé qu’eu égard au temps de latence important des affections imputables à l’amiante, le faible nombre de déclarations de maladies professionnelles liées à son utilisation au sein de l’établissement d’Ambès ne présentait pas, en tout état de cause, un caractère probant ; qu’il en va de même de la production par la société requérante des comptes-rendus du comité d’hygiène et de sécurité de l’établissement pour les années 1979 à 1995, dès lors que pour les années considérées aucune préconisation particulière n’existait en ce qui concerne le risque lié à l’utilisation de l’amiante ; que la circonstance que la commission de recours amiable de l’URSSAF ait annulé les avis d’échéance de la société Ponticelli relatifs à sa contribution au fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante est sans influence sur la solution du présent litige dès lors que cette décision, au demeurant fort peu motivée et qui n’est relative qu’au recouvrement de cette contribution, ne lie pas la cour dans son appréciation de la légalité de l’arrêté du 22 novembre 2007 ;

9. Considérant ainsi, qu’eu égard aux éléments précédemment rappelés qui démontrent le caractère significatif des opérations de calorifugeage dans les activités de l’établissement, le ministre n’a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du I de l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 en estimant que cet établissement pouvait être considéré comme exerçant une activité couverte par la loi ;

10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Ponticelli Frères n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

11. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : L’intervention de MM. B== et M== est admise.

Article 2 : La requête de la société Ponticelli Frères est rejetée.