Vu la requête, enregistrée le 17 février 2012, présentée pour M. Frédéric M==, demeurant ==, par Me Ludot ;

M. M== demande à la cour :

1°) d’annuler l’ordonnance n° 1104700 du 27 janvier 2012 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du sous-préfet de Vierzon en date du 28 septembre 2011 prononçant la suspension de son permis de conduire pour une durée de six mois ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) à titre subsidiaire, d’ordonner la délivrance d’un permis de conduire spécial afin qu’il puisse continuer à exercer son activité professionnelle ;

4°) de lui allouer la somme de 1 400 € en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu l’ordonnance attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la route ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 20 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Dupuy, conseiller ; - et les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

Considérant qu’à la suite d’un contrôle de police, effectué le 29 juin 2011 sur le territoire de la commune de Neuvy-sur-Barangeon, dans le département du Cher, le sous-préfet de Vierzon a, par arrêté du 28 septembre 2011, suspendu pour une durée de six mois le permis de conduire de M. M== ; que ce dernier relève appel de l’ordonnance n° 1104700 du 27 janvier 2012 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur la régularité de l’ordonnance attaquée :

Considérant que l’ordonnance attaquée, qui se borne à indiquer que les moyens invoqués sont manifestement infondés ou inopérants, sans aucune précision sur la teneur de ces moyens, est insuffisamment motivée et doit, par suite, être annulée ;

Considérant qu’il y a lieu pour la cour d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. M== devant le tribunal administratif ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

Considérant, en premier lieu, que par arrêté n° 2010-1-2016 du 10 novembre 2010, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Cher, le préfet du Cher a donné délégation de signature à Mme Elisabeth Girault, secrétaire générale de la sous-préfecture de Vierzon, à fin de signer, en cas d’absence ou d’empêchement de M. Romuald de Pontbriand, sous-préfet de Vierzon, tous actes et correspondances énumérés à l’article 1er dudit arrêté ; que l’article 1er vise « l’intervention des mesures administratives prévues aux articles L. 224-1 à L. 224-10 du code de la route » dont font partie les suspensions provisoires de permis de conduire ; que, par suite, le moyen tiré de l’incompétence de la signataire de l’arrêté du 28 septembre 2011 manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. - A cet effet doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, d'une manière générale, constituent une mesure de police (…) » ; qu’aux termes de l’article 3 de la même loi : « La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision » ; que l’arrêté du 28 septembre 2011, pris sur un formulaire préimprimé qui vise les articles L. 224-2, L. 224-6 et L. 224-9 du code de la route relatifs à la suspension de permis de conduire, indique que M. M== a fait l’objet, le 28 juin 2011, à Neuvy-sur-Barangeon, d’un procès-verbal pour avoir commis l’infraction réprimée par l’article L. 235-2 du code de la route ; que s’il est exact que cet article est relatif à la procédure à suivre en cas de soupçon de conduite en ayant fait usage de stupéfiants, infraction qui est réprimée par l’article L. 235-1 du même code, il mentionne l’infraction et appartient d’ailleurs au chapitre 5 du code intitulé « Conduite après usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants » ;; qu’ainsi, cette référence suffisait à mettre M. M== à même de connaître l’infraction à l’origine de la suspension de son permis de conduire ; que l’erreur matérielle sur la date de restitution de ce permis est dépourvue d’incidence dès lors que l’arrêté litigieux indique expressément que la suspension est prononcée pour une durée de six mois, dont il se déduisait nécessairement qu’elle prenait fin en avril 2012 et non 2011 ; que le moyen tiré de l’insuffisante motivation dudit arrêté doit donc être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article L. 224-2 du code de la route : « Lorsque l'état alcoolique est établi au moyen d'un appareil homologué, comme il est dit au premier alinéa de l'article L. 224-1, ou lorsque les vérifications mentionnées aux articles L. 234-4 et L. 234-5 apportent la preuve de cet état, le représentant de l'Etat dans le département peut, dans les soixante-douze heures de la rétention du permis, prononcer la suspension du permis de conduire pour une durée qui ne peut excéder six mois. (…). A défaut de décision de suspension dans le délai de soixante-douze heures prévu par l'alinéa précédent, le permis de conduire est remis à la disposition de l'intéressé, sans préjudice de l'application ultérieure des articles L. 224-7 à L. 224-9. Lorsqu'il est fait application des dispositions de l'article L. 235-2, les dispositions du présent article sont applicables au conducteur si les analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques établissent qu'il conduisait après avoir fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants. » ; que l’article L. 235-2 autorise les officiers ou agents de police judiciaire de la gendarmerie ou la police nationales territorialement compétents à procéder ou faire procéder, sur tout conducteur, à des épreuves de dépistage en vue d'établir si cette personne conduisait en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants. même en l'absence d'accident de la circulation, d'infraction ou de raisons plausibles de soupçonner un usage de stupéfiants ; qu’aux termes de l’article L. 224-7 du même code : « Saisi d'un procès-verbal constatant une infraction punie par le présent code de la peine complémentaire de suspension du permis de conduire, le représentant de l'Etat dans le département où cette infraction a été commise peut, s'il n'estime pas devoir procéder au classement, prononcer à titre provisoire soit un avertissement, soit la suspension du permis de conduire ou l'interdiction de sa délivrance lorsque le conducteur n'en est pas titulaire » ; que l’article L. 235-1 dudit code dispose : « I.-Toute personne qui conduit un véhicule (…) alors qu'il résulte d'une analyse sanguine qu'elle a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants est punie de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende. (…).II-Toute personne coupable des délits prévus par le présent article encourt également les peines complémentaires suivantes : 1° La suspension pour une durée de trois ans au plus du permis de conduire ; cette suspension ne peut pas être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ; elle ne peut être assortie du sursis, même partiellement » ; Considérant que l’arrêté litigieux, édicté le 28 septembre 2011 alors que les résultats des analyses révélant que M. M== avait conduit en ayant fait usage de stupéfiants ont été connus le 7 juillet 2011, a été pris au-delà du délai de 72 heures prévu à l’article L. 224-2 du code de la route et ne pouvait ainsi être légalement fondé sur ces dispositions ;

Considérant, toutefois, que lorsqu’il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d’appréciation, sur le fondement d’un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l’intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;

Considérant qu’en l’espèce, la décision attaquée, motivée par la commission par M. M== de l’infraction réprimée par l’article L. 235-1 du code de la route relative à la conduite après avoir fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants , trouve son fondement légal dans les dispositions de l’article L. 224-7 du même code qui peuvent être substituées à celles de l’article L. 224-2 de ce code dès lors, en premier lieu, que M. M== ayant commis une infraction punie de la peine complémentaire de suspension du permis de conduire, il se trouvait dans la situation où, en application de l’article L. 224-7, le sous-préfet pouvait décider de prononcer la suspension de son permis de conduire, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n’a pour effet de priver l’intéressé d’aucune garantie et, en troisième lieu, que l’administration dispose du même pouvoir d’appréciation pour appliquer l’une ou l’autre de ces deux dispositions ; qu’il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 224-2 du code de la route, faute de caractère immédiat de la suspension du permis de conduire, ne peut être accueilli ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. M== n’est pas fondé à demander l'annulation de l’arrêté du 28 septembre 2011 par lequel le sous-préfet de Vierzon a décidé la suspension provisoire de son permis de conduire ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

Considérant, d’une part, que le présent arrêt, qui rejette la demande de M. M==, n'appelle aucune mesure d’exécution, notamment de restitution du permis de conduire suspendu ; que, d’autre part, et en tout état de cause, il n’appartient pas au juge administratif de délivrer un « permis de conduire spécial » pour l’exercice de l’activité professionnelle ; que les conclusions à fin d’injonction ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par M. M== et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L’ordonnance n° 1104700 du 27 janvier 2012 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. M== devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.