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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 18 février 2011 et 26 avril 2011, présentés pour la société COMPAGNIE GUADELOUPEENNE DE SERVICE PUBLIC, société anonyme, dont le siège est zone artisanale Calebassier à Basse-Terre (97100), par le cabinet d'avocats Cabanes ;

La société COMPAGNIE GUADELOUPEENNE DE SERVICE PUBLIC demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0500514 du 23 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de la commune de Bouillante en date du 27 décembre 2004 et du rejet implicite opposé par le préfet de la Guadeloupe à sa demande de déféré en date du 9 avril 2005 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bouillante la somme de 2 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2011 :

- le rapport de M. Lerner, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Vié, rapporteur public ;

Considérant qu’à la suite d’un épisode de fortes pluies suivies du glissement d’un pan de montagne dans la rivière Bourceau, et du passage d’une tempête tropicale, durant les mois de mai à décembre 2004, la distribution d’eau potable sur le territoire de la commune de Bouillante dans le département de la Guadeloupe a été fortement perturbée ; que l’eau distribuée présentait périodiquement une turbidité la rendant impropre à la consommation ; que le conseil municipal prenait, le 27 décembre 2004, une délibération où il exprimait son soutien à la population dans les différends relatifs au paiement de la redevance eau potable qui opposaient les habitants de la commune à la société fermière, la COMPAGNIE GUADELOUPEENNE DE SERVICE PUBLIC ; que celle-ci saisissait alors, le 8 février 2005, le préfet de la Guadeloupe d'une demande tendant à ce qu’il mette en œuvre la procédure de déféré préfectoral, prévue à l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales contre la délibération de la commune, demande à laquelle le préfet a opposé une décision implicite de rejet ; que la COMPAGNIE GUADELOUPEENNE DE SERVICE PUBLIC interjette appel du jugement du 23 décembre 2010 par lequel, le Tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa requête tendant à l’annulation pour excès de pouvoir, d’une part, de la délibération du conseil municipal du 27 décembre 2004, d’autre part, du refus du préfet de la Guadeloupe de déférer cette délibération devant le tribunal administratif ;

Sur la recevabilité des écritures en défense de la commune :

Considérant que, par une délibération du 13 décembre 2010, le conseil municipal a autorisé le maire de la commune de Bouillante à intenter au nom de la commune toutes les actions en justice et à la défendre dans toutes les actions intentées contre elle ; que la fin de non-recevoir opposée par la COMPAGNIE GUADELOUPEENNE DE SERVICE PUBLIC et tirée du défaut de qualité pour agir du maire pour défendre au nom de la commune doit être écartée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, d’une part, que si dans sa requête sommaire, la COMPAGNIE GUADELOUPEENNE DE SERVICE PUBLIC soutient que le tribunal n’aurait pas respecté le principe du contradictoire, elle n’assortit ce moyen d’aucune précision permettant d’en apprécier la portée et le bien-fondé ; qu’il sera, par suite, écarté ;

Considérant, d’autre part, que le tribunal a suffisamment analysé le mémoire enregistré le 23 novembre 2010 par lequel la commune de Bouillante concluait à l’irrecevabilité de toutes les conclusions de la requête dès lors qu’il précisait que ces conclusions intervenaient en réponse à la communication d’un moyen relevé d’office ;

Considérant, enfin, que dès lors qu’il rejetait, comme irrecevable, la requête de la COMPAGNIE GUADELOUPEENNE DE SERVICE PUBLIC, le tribunal n’avait pas besoin d’examiner les différents moyens invoqués par la société à l’encontre de la délibération du conseil municipal de Bouillante ; que le jugement n’est, par suite, entaché d’aucune omission à statuer ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation de la délibération du 27 décembre 2004 du conseil municipal de Bouillante :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : « Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune (…) le conseil municipal émet des vœux sur tous les objets d’intérêt local » ;

Considérant que, sur le fondement de cet article, il est loisible aux conseils municipaux de prendre des délibérations qui expriment des vœux, formulent des prises de position ou des déclarations d’intention ; que de telles délibérations peuvent porter sur des questions qui relèvent de la compétence d’autres personnes publiques, dès lors qu’elles présentent un intérêt communal ; que la délibération par laquelle l’organe délibérant d’une collectivité territoriale émet un vœu ne constitue pas un acte faisant grief et n'est donc pas susceptible de faire l'objet d'un recours devant le juge de l'excès de pouvoir même en raison de prétendus vices propres, à moins qu'il en soit disposé autrement par la loi, comme c'est le cas lorsque, sur le fondement de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, le préfet défère au tribunal administratif les actes qu’il estime contraires à l’ordre public ou à la légalité ;

Considérant que la délibération contestée par laquelle le conseil municipal de la commune de Bouillante a décidé « de soutenir la population de la commune de Bouillante dans leur légitime refus de s’acquitter de la redevance « eau potable » (…) » et de demander au syndicat intercommunal auquel elle appartient et qui est compétent pour gérer le service public de l’eau « d’agir auprès de la compagnie fermière (CGSP) pour que ce dernier (…) renonce à percevoir une redevance qui ne peut être due par les usagers de la commune de Bouillante en l’absence de service correctement fait » se borne à émettre des vœux et à prendre une position sur une question ne relevant pas de sa compétence ; qu’elle ne constitue pas une décision susceptible de faire l'objet d'un recours devant le juge de l'excès de pouvoir ; que, par suite, la COMPAGNIE GUADELOUPEENNE DE SERVICE PUBLIC n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté ses conclusions tendant à l’annulation de la délibération du conseil municipal de la commune de Bouillante du 27 décembre 2004 ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation du rejet opposé par le préfet de la Guadeloupe à la demande de mise en œuvre de la procédure de déféré préfectoral :

Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : "Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l’article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission." ; qu'aux termes de l'article L. 2131-8 du même code : "Sans préjudice du recours direct dont elle dispose, si une personne physique ou morale est lésée par un acte mentionné aux articles L. 2131-2 et L. 2131-3, elle peut, dans le délai de deux mois à compter de la date à laquelle l'acte est devenu exécutoire, demander au représentant de l'Etat dans le département de mettre en œuvre la procédure prévue à l'article L. 2131-6 » ;

Considérant que la saisine du préfet de la Guadeloupe, sur le fondement des dispositions de l’article L. 2131-8 précité, par la COMPAGNIE GUADELOUPEENNE DE SERVICE PUBLIC, n'ayant pas pour effet de priver celle-ci, si elle s'estimait lésée par la délibération du 27 décembre 2004 du conseil municipal de la commune de Bouillante, de la faculté d’exercer un recours direct en indemnisation du préjudice né, le cas échéant, de la délibération, le refus du préfet de déférer cette délibération au tribunal administratif ne constitue pas une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la COMPAGNIE GUADELOUPEENNE DE SERVICE PUBLIC n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté ses conclusions tendant à l’annulation du refus implicite du préfet de la Guadeloupe de mettre en œuvre la procédure de déféré préfectoral ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante la somme que demande la société au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société COMPAGNIE GUADELOUPEENNE DE SERVICE PUBLIC la somme de 1 500 euros que la commune demande sur ce fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la COMPAGNIE GUADELOUPEENNE DE SERVICE PUBLIC est rejetée.

Article 2 : La COMPAGNIE GUADELOUPEENNE DE SERVICE PUBLIC versera à la commune de Bouillante la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.