Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 1er juin 2011, sous le n° 11BX01344, présentée pour M. Vasile L==, domicilié au Centre communal d’action sociale, 74 cours Saint-Louis à Bordeaux (33074), par Me Hugon, avocat ;

M. L== demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1003717 en date du 5 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d’annulation de l’arrêté du préfet de la Gironde du 16 juillet 2010 rejetant sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant la Roumanie comme pays de renvoi ;

2°) d’annuler l’arrêté préfectoral ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2.000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;


Vu le jugement et l’arrêté attaqués ;

Vu l’ordonnance en date du 22 juin 2011 fixant la clôture de l’instruction au 23 septembre 2011 ;

Vu la décision, en date du 2 mai 2011, du bureau d’aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux accordant l’aide juridictionnelle totale à M. L== ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité sur l’Union européenne ;

Vu le traité signé le 25 avril 2005, relatif à l’adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne, notamment l’annexe VII du protocole relatif aux conditions et modalités d’admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne, ensemble la loi n° 2006-1254 du 13 octobre 2006 en autorisant la ratification ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 27 octobre 2011 :

- le rapport de Mme Balzamo, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Katz, rapporteur public ;

Considérant que M. L==, de nationalité roumaine, est entré en France en septembre 2009 à l’âge de soixante et onze ans ; que le 1er juin 2010, il s’est inscrit en tant qu’auto-entrepreneur au répertoire SIRENE en vue d’exercer une activité de photographe, puis le 17 juin suivant a sollicité la délivrance d’un titre de séjour en se prévalant de l’exercice d’une activité professionnelle ; que M. L== interjette appel du jugement n° 1003117 en date du 5 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 16 juillet 2010 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé la Roumanie comme pays de renvoi ;

Sur la légalité externe :

Considérant que l’arrêté litigieux précise que M. L== a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l’article L. 121-1 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais que l’intéressé n’entre dans aucune des catégories d’étrangers définies par cet article ; qu’ainsi le préfet de la Gironde a suffisamment motivé en droit sa décision ; que par suite, à supposer, comme le soutient le requérant, que le préfet aurait dû se fonder sur l’article L. 121-2 du même code pour statuer sur sa demande de titre de séjour, une telle circonstance relative au bien-fondé de la décision litigieuse, est sans influence sur sa légalité externe ;

Sur la légalité interne :

Considérant en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 121-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, tout citoyen de l’Union européenne, tout ressortissant d’un autre Etat partie à l’accord sur l’espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s’il satisfait à l’une des conditions suivantes : 1° S’il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ;… » (…) » ; que l’article L. 121 2 du même code dispose que : « Les ressortissants visés à l’article L. 121-1 qui souhaitent établir en France leur résidence habituelle se font enregistrer auprès du maire de leur commune de résidence dans les trois mois suivant leur arrivée. Ils ne sont pas tenus de détenir un titre de séjour. S’ils en font la demande, il leur est délivré un titre de séjour. Toutefois, demeurent soumis à la détention d’un titre de séjour durant le temps de validité des mesures transitoires éventuellement prévues en la matière par le traité d’adhésion du pays dont ils sont ressortissants, et sauf si ce traité en stipule autrement, les citoyens de l’Union européenne qui souhaitent exercer en France une activité professionnelle. Si les citoyens mentionnés à l’alinéa précédent souhaitent exercer une activité salariée dans un métier caractérisé par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie, au plan national, par l’autorité administrative, ils ne peuvent se voir opposer la situation de l’emploi sur le fondement de l’article L. 341-2 du code du travail … » ; que l’article R. 121-10 du même code précise que « Les ressortissants mentionnés au 1° de l'article L. 121-1 qui ont établi leur résidence habituelle en France depuis moins de cinq ans bénéficient à leur demande d'un titre de séjour portant la mention : "CE - toutes activités professionnelles". La reconnaissance de leur droit de séjour n'est pas subordonnée à la détention de ce titre. Ce titre est d'une durée de validité équivalente à celle du contrat de travail souscrit ou, pour les travailleurs non salariés, à la durée de l'activité professionnelle prévue. Sa durée de validité ne peut excéder cinq ans. Sa délivrance est subordonnée à la production par le demandeur des justificatifs suivants : 1° Un titre d'identité ou un passeport en cours de validité ; 2° Une déclaration d'engagement ou d'emploi établie par l'employeur, une attestation d'emploi ou une preuve attestant d'une activité non salariée. » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 20 du protocole relatif aux conditions et modalités d’admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne : « Les mesures énumérées aux annexes VII du présent protocole sont applicables à la Roumanie dans les conditions définies dans lesdites annexes » et qu’aux termes du 2 du 1 « Libre circulation des personnes » de l’annexe VII : « Par dérogation aux articles 1er à 6 du règlement CEE n° 1612/68 et jusqu’à la fin de la période de deux ans suivant la date d’adhésion, les Etats membres actuels appliqueront les mesures nationales, ou des mesures résultant d’accords bilatéraux, qui réglementent l’accès des ressortissants roumains à leur marché du travail. Les Etats membres actuels peuvent continuer à appliquer ces mesures jusqu’à la fin de la période de cinq ans suivant la date d’adhésion (…) » ; que le règlement n°1612 /68 auquel il est ainsi dérogé ne porte que sur les travailleurs salariés ; que, par ailleurs, les dispositions transitoires du traité d’adhésion de la Roumanie ne comportent aucune dérogation au droit d’établissement des non salariés ;

Considérant qu’il résulte de la combinaison de ces stipulations et dispositions que les citoyens roumains, qui sont ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne soumis à des mesures transitoires par le traité d’adhésion de leur pays d’origine , doivent, pendant la période transitoire visée ci-dessus et prévue au 2 du 1 de l’annexe VII du protocole relatif aux conditions et modalités d’admission de la République de Roumanie à l’Union européenne, lorsqu’ils souhaitent exercer une activité professionnelle salariée en France, solliciter pendant la période transitoire la délivrance d’une carte de séjour ; que M. L==, qui n’était pas tenu en vertu de ces dispositions de solliciter un titre de séjour pour exercer une activité professionnelle non salariée, ne peut utilement soutenir que l’obligation de détenir un titre de séjour, imposée pour exercer une activité professionnelle aux ressortissants des Etats membres faisant l’objet de mesures transitoires par l’article L. 121-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, méconnaîtrait le principe de droit communautaire de liberté d’établissement, dès lors que cet article réserve en tout état de cause les stipulations contraires d’un traité ;

Considérant que les dispositions précitées de l’article L. 121-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, si elles ouvrent la possibilité aux ressortissants communautaires de solliciter un titre de séjour même s’ils ne sont pas tenus d’en détenir un, ne dispensent pas le préfet de s’assurer dans un tel cas que le demandeur satisfait à l’une des conditions posées par l’article L. 121-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; que par suite, le préfet n’a commis aucune erreur de droit en procédant à un tel contrôle ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que pour justifier de l’exercice d’une activité professionnelle en France, M. L== a produit à l’appui de sa demande de titre de séjour une inscription au répertoire des entreprises (SIRENE) en date du 1er juin 2010 pour une activité de photographe, en mentionnant comme siège de l’entreprise l’adresse du centre communal d’action sociale de Bordeaux, où il se domicilie ; qu’en l’absence de tout autre élément de nature à justifier qu’il avait créé effectivement une telle activité professionnelle, ou qu’il remplissait l’un des autres critères prévus par l’article L. 121-1, c’est à bon droit que le tribunal administratif a considéré que le préfet avait pu légalement rejeter la demande de titre de séjour de l’intéressé en date du 17 juin 2010 ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 121-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Tout citoyen de l’Union européenne, tout ressortissant d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse ou les membres de sa famille qui ne peuvent justifier d’un droit au séjour en application de l’article L. 121-1 ou de l’article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l’ordre public peut faire l’objet, selon le cas, d’une décision de refus de séjour, d’un refus de délivrance ou de renouvellement d’une carte de séjour ou d’un retrait de celle-ci ainsi que d’une mesure d’éloignement prévue au livre V » ; qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions, qu’indépendamment de toute menace pour l’ordre public, un ressortissant communautaire peut faire l’objet d’une mesure d’éloignement lorsqu’il n’a pas droit au séjour en application des articles L. 121-1 et L. 121-3 et qu’il entre dans un des cas dans lesquels une telle mesure peut être prise en application de l’article L. 511-1 II ; que M. L== ne soutient pas disposer de ressources suffisantes conformément au 2° de l’article L. 121-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par suite, le préfet pouvait sans commettre d’erreur de droit prendre une décision l’obligeant à quitter le territoire français ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. L== n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement à M. L== ou à son avocat de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. L== est rejetée.