Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

M. C=== a demandé au tribunal administratif de la Réunion d’annuler les opérations électorales qui se sont déroulées du 20 octobre au 2 novembre 2016 en vue de la désignation des membres de la chambre de commerce et d’industrie de La Réunion.

Par un jugement n° 1601179 du 13 février 2017, le tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa protestation.



Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mars 2017, M. C===, représenté par Me Turczynski, agissant également au nom du groupement "Union Péi" demande à la cour d’annuler ce jugement du 13 février 2017 du tribunal administratif de la Réunion, d’annuler les opérations électorales, d’enjoindre au préfet de La Réunion d’organiser de nouvelles élections et de mettre à la charge des 36 membres élus la somme de 20 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires en intervention enregistrés les 19, 24 et 27 avril 2017, la chambre de commerce et d’industrie de La Réunion, représentée par Me Avril, conclut au rejet de la protestation et à la condamnation de M. C=== à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 mai 2017, MM. P=== et autres, représentés par Me Boniface, concluent au rejet de la requête et à la condamnation de M. C=== à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Considérant ce qui suit :



1. A l’issue de la proclamation, le 10 novembre 2016, des résultats des opérations électorales qui se sont déroulées du 20 octobre 2016 au 2 novembre 2016 pour la désignation des membres de la chambre de commerce et d’industrie de La Réunion, M C===, électeur et candidat dans le collège Industrie, président de l’association interprofessionnelle Union Péi, a, le 14 novembre suivant, saisi le tribunal administratif de la Réunion d’une protestation, qui a été rejetée par un jugement du 13 février 2017 dont il relève appel.

2. A l’issue du scrutin, majoritaire plurinominal à un tour en application de l’article L. 713-16 du code de commerce, le groupement Trajectoire TPE-PME, conduit par le président sortant a remporté la totalité des 36 sièges, avec, pour les 14 sièges du collège Commerce, entre 4 496 et 4 500 suffrages sur 6 689, le premier candidat non élu ayant obtenu 1 683 voix, pour les 8 sièges du collège Industrie, entre 1 815 et 1 824 voix sur 3 617, le premier candidat non élu n’ayant obtenu que 1 412 voix et pour les 14 sièges du collège Services entre 3 511 et 3 547 suffrages sur 6 693, le premier candidat non élu comptant 1 619 voix.



3. Les premiers juges, qui ont écarté chacun des griefs de façon suffisamment motivée, n’étaient pas tenus de répondre expressément à l’argument tiré de ce que ces griefs pris non isolément mais dans leur ensemble caractérisaient une fraude massive. Si M. C=== soutient que « En examinant séparément chaque grief, le tribunal a nécessairement dénaturé le moyen tiré de l’accumulation des irrégularités » et relève « une contradiction flagrante » entre les motifs et une « grave dénaturation des moyens », cette argumentation met en cause le bien-fondé du jugement, dont le contrôle est opéré par la voie de l’effet dévolutif de l’appel.

4. Aux termes du dernier alinéa de l’article R. 713-10 du code de commerce : « La campagne électorale débute le cinquième jour ouvré suivant la date limite de dépôt des candidatures et prend fin la veille du dernier jour du scrutin, à zéro heure ». Aux termes de l’article L. 49 du code électoral, dont l’article L. 713-17 du code de commerce prévoit l‘applicabilité aux élections en cause : « A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents. A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est également interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale ». Les autres dispositions du code électoral qui encadrent la propagande lors de périodes antérieures, tels que les articles L. 51 ou L. 52-1, ne sont pas applicables aux élections consulaires. Aucun autre texte applicable en l’espèce ou principe général n’interdit à des candidats aux élections des chambres de commerce et d’industrie de procéder avant l’ouverture de la campagne électorale à des opérations de propagande. Dans ces conditions, l’ouverture d’une page sur le réseau Facebook le 28 août 2016 par M. P=== et le groupement Trajectoire TPE-PME, avant la date d’ouverture de la campagne électorale fixée du 28 septembre au 1er novembre 2016 à minuit, d’ailleurs signalée au préfet par un courrier du 2 septembre suivant, ne révèle aucune irrégularité.

5. L’article R. 30 du code électoral prévoit que « les bulletins ne peuvent pas comporter d'autres noms de personne que celui du ou des candidats ou de leurs remplaçants éventuels ». Si les bulletins de vote du groupement Trajectoire TPE PME dans les collèges Industrie et Services comportaient le nom de M. P===, qui n’était pas candidat dans ces collèges, les dispositions combinées des articles R. 713-9 IV et A. 713-7 du code de commerce autorisent la présentation des candidatures dans le cadre d'un groupement et la mention sur les bulletins de vote de l'intitulé du groupement sous l'égide duquel les candidats se présentent. La mention du nom de M. P===, chef de file du groupement Trajectoire TPE-PME n’a pu induire en erreur les électeurs. Le protestataire se borne d’ailleurs à invoquer ce manquement sans préciser en quoi il aurait pu altérer la sincérité du scrutin.

6. Si M. C=== soutient que « certains bulletins de la liste Trajectoire TPE-PME se sont avérés de couleur différente, ce qui laisse clairement entrevoir un procédé de photocopie des bulletins originels », il ressort des déclarations du président de la commission d’organisation des élections relevées le 7 novembre 2016 par l’huissier de justice commis par le président du tribunal de grande instance de Saint-Denis pour assister aux opérations de dépouillement qui se sont tenues du 7 au 10 novembre que les bulletins présentaient « une teinte légèrement différente » imputable à un problème d’impression. Cette circonstance ne révèle aucune manœuvre susceptible de fausser les résultats du scrutin.

7. Le 7 novembre 2016 à 9 heures 50, l’huissier a relevé la participation au dépouillement, autorisée par le président de la commission des opérations électorales, de deux candidats du groupement Trajectoire TPE-PME. M. C=== ne précise pas en quoi la présence de ces deux personnes, l’une membre de la commission d’organisation des élections en application de l’article R. 713-3 du code de commerce chargée en vertu de l’article L. 713-17 du même code de veiller à la régularité des opérations, l’autre président du 4ème bureau de vote, aurait pu porter atteinte à la sincérité du scrutin.



8. Quand bien même la commission d’organisation des élections aurait pris en compte deux votes émis aux noms d’électeurs décédés, l’un au collège Industrie, l’autre au collège Services, compte tenu des écarts de voix mentionnés au point 2, cette irrégularité n’a pu altérer la sincérité du scrutin. Si M. C=== soutient que des votes émanant de personnes physiques ou morales inexistantes ont été validés, il n’assortit ses allégations d’aucune précision.

9. Si M. C=== fait valoir qu’une urne, scellée « manifestement forcée » a été ouverte, non le dimanche 8 novembre, mais le lendemain matin, il résulte de l’instruction que le cadenas de cette urne, dont la clé était égarée, a dû être brisé. Le protestataire ne précise pas en quoi cette circonstance a pu avoir une incidence sur la sincérité du scrutin, d’autant que compte tenu des mesures mises en œuvre par le président de la commission des opérations électorales, qui a fait appel à une société privée pour la surveillance de cette salle équipée d’un système d’alarme et de caméras, l’urne est nécessairement restée fermée jusqu’au dépouillement.



10. M. C=== allègue une fraude massive organisée pour favoriser les membres de la liste Trajectoire TPE-PME, consistant à détourner des kits de vote par correspondance non distribués, avec la complicité de certains agents des services postaux. Le 12 novembre, l’huissier commis par le juge judiciaire a relevé la présence d’un carton remis par M. V===, élu au collège Commerce, qui a indiqué l’avoir récupéré lors de la réunion du 30 octobre 2016, contenant 152 enveloppes d’expédition de matériel de vote non distribuées qui auraient dû être retournées à la préfecture le 30 octobre, dont 16 avec une étiquette autocollante de La Poste et 202 lettres d’expédition nominatives, respectivement 113 et 89 pour les collèges Commerce et Services. Il ajoute, sans autres précisions, que lors de 2 autres réunions, les 28 et 29 octobre, 1 500 enveloppes ont été « manipulées » par les membres de la liste Trajectoire TPE-PME. Ce faisant, il ne conteste pas sérieusement l’appréciation retenue par les premiers juges qui ont estimé qu’eu égard à l’écart de voix, la rectification des résultats serait sans incidence.

11. Enfin, si M. C===, qui admet en appel que les griefs pris isolément ne justifient pas l’annulation des opérations électorales, soutient néanmoins que l’important écart de voix est imputable à l’accumulation des irrégularités, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, ce moyen ne peut qu’être écarté. Ni le caractère « inhabituel » de la participation, avec un taux allégué de 53 %, près de deux fois plus élevé que celui, au demeurant contesté en défense, enregistré lors des élections précédentes, ni son caractère massif au cours des deux derniers jours du scrutin, pendant lesquels sont parvenues 88,1% des enveloppes, ni la plainte du chef de fraude électorale déposée le 16 novembre 2016 par M. C===, ni les déclarations du président sortant le 23 novembre 2016, lors de l’installation du bureau de la chambre de commerce et d’industrie, évoquant des « magouillages » et des « pillages » de boites aux lettres ne suffisent, même dans leur ensemble, à caractériser une fraude massive.

12. M. C=== soutient sans autres précisions qu’il a été enregistré 13 318 entreprises supplémentaires en 2016, alors qu’il en avait été décompté seulement 1 000, ce grief, qui n’est pas d’ordre public et n'a pas été soulevé dans le délai de protestation de cinq jours ne peut en tout état de cause être accueilli.

13. Il résulte de tout de ce qui précède que M. C=== n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa protestation. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l’organisation de nouvelles élections et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à l’encontre des intimés, qui ne sont pas la partie perdante, doivent également être rejetées. Les conclusions présentées au même titre par la chambre de commerce et d’industrie de La Réunion, qui n’a été appelée en la cause que pour présenter ses observations et n’a pas la qualité de partie à l’instance, ne peuvent être accueillies. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’affaire, de condamner M. C=== à payer aux défendeurs la somme qu’ils demandent sur le même fondement.



DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C=== est rejetée.



Article 2 : La demande présentée par la chambre de commerce et d’industrie de La Réunion et les conclusions présentées par M. P=== et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.